C’est la promesse de François Hollande, celle qu’on lui ressort à chaque fin de mois, plus ou moins difficile, celle sur laquelle il s’arcboute depuis le début du quinquennat : l’inversion de la courbe du chômage. Pourtant, les chiffres du mois de novembre, livrés dans la soirée de jeudi, font tout pour contredire les souhaits de l’exécutif. Avec 17 500 demandeurs d’emploi supplémentaires en novembre, soit un peu plus de 3,5 millions de personnes n’ayant exercé aucune activité (catégorie A), on pourrait logiquement penser que les vœux élyséens n’ont pas le début de la moindre chance de se réaliser d’ici le réveillon du 31 décembre. Mais les chiffres sont facétieux. Et, surtout, ils sont suffisamment malléables pour permettre aux détracteurs comme aux aficionados de François Hollande d’avoir raison. À la question, simple au demeurant, qui consiste à savoir si la fameuse courbe s’est inversée, chacun répond, avec des arguments plus ou moins convaincants.
Oui, pour le ministre du Travail Michel Sapin
Le ministre du Travail Michel Sapin, invité de Jean-Pierre Elkabach sur Europe 1 ce matin, a fait le point : « Au premier trimestre, il y avait 30 000 chômeurs de plus chaque mois. Au deuxième ? 18 000 de plus par mois. Au troisième ? 5 500 seulement. » Certes, novembre et ses 17 500 chômeurs de catégorie A - ceux qui n’ont pas du tout travaillé dans le mois - est un mauvais cru. Mais si l’on prend en compte l’ensemble des catégories de chômeurs (A,B,C) – comprenant ceux qui ont travaillé à temps partiel -, on observe un léger recul de 6900 inscrits par rapport au mois d'octobre. Et si l’on regarde l’évolution du nombre de chômeurs de catégorie A sur les deux premiers mois du 4ème trimestre (octobre et novembre), l’évolution est à la baisse de – 1 350 « en moyenne » par mois. C’est une « amélioration », tranche le ministère. Ou, si l’on veut, un ralentissement de la hausse du chômage, vu sur le moyen terme.
Non, pour le mathématicien Thomas Messias
Mais certains n’apprécient guère que l’on joue sur les mots, à l’image du mathématicien Thomas Messias. Ce dernier s’est fendu d’un billet rappelant, sur Slate.fr, que quoi qu’il arrive, « le terme est impropre : il s’agirait déjà d’infléchir [la courbe du chômage, NDLR], c’est-à-dire de la faire repartir durablement à la baisse alors qu’elle a au contraire une fâcheuse tendance à monter encore et encore. » Bref, dit-il, on ne peut parler d’inversion de la courbe du chômage : « en maths, il est clair dès la fin du lycée que tout n’est pas inversible. Surtout pas la courbe du chômage telle qu’on la connaît. » Là, « il s’agit de faire changer le signe de la dérivée, c’est-à-dire que le nombre dérivé soit négatif en chaque point alors qu’il était jusque-là positif. On peut alors, et à l’extrême rigueur, parler d’opposé (notion liée au changement de signe), mais certainement pas d’inverse.»
Non, pour les prévisionnistes de l’OFCE
Ralentissement de la hausse ou pas, les économistes de l’OFCE se sont déclarés septiques quant à une amélioration rapide de la situation. Pour Eric Heyer, « il y aurait encore 250 000 salariés français en sureffectif dans les entreprises françaises, situation liée au manque de croissance. D’où des destructions d’emploi en 2014.» D’où une hausse prévisible du chômage l’an prochain. Lui donnant raison, ses collègues de l’Insee tablent sur une stabilisation du taux de chômage au 1er trimestre 2014, qui devrait repartir légèrement à la hausse dès le mois de juin.
Il faudra donc regarder l’évolution des chiffres du chômage avec davantage de recul encore, pour invoquer une amélioration de la situation. Ou pas. Les chiffres annuels du chômage pour l’année 2013 sont, eux, attendus le 27 janvier.
Michel Holtz © Cadremploi.fr