Comment éviter une guerre des générations en entreprise

Ingrid Falquy

Des experts ont analysé les stéréotypes sur les générations en entreprise. Résultat : les managers ne devraient pas oublier les quadras, une génération oubliée qui se venge en dénigrant ses cadets et ses aînés. Voici quelques idées pour rétablir la bonne entente.
Comment éviter une guerre des générations en entreprise

Les jeunes manquent de rigueur, les vieux sont lents… Voilà le regard sévère que pose la génération X –âgée de 36 à 49 ans– sur ses cadets Y et ses aînés S (autrement dit, "seniors"). Le regroupement d’entreprise IMS Entreprendre dans la cité et le cabinet Valeurs & Développement ont décortiqué les stéréotypes qui pèsent sur chaque groupe d’âge dans le monde du travail, à travers des questionnaires et entretiens avec 2 800 managers de leur réseau.

La génération Y correspond aux 20-35 ans, les X sont les 36-49 ans, et les S (pour seniors) sont les salariés âgés de 50 ans et plus. Illustration de Gilles Rapaport pour le guide pratique.

Résultats : contrairement aux idées reçues, les plus jeunes et les seniors s’entendent plutôt bien. Chacun reconnaît chez l’autre de réelles compétences. Ils avouent fonctionner différemment mais réussissent à en parler et à travailler ensemble. Par exemple, les Y apprécient de pouvoir bénéficier de l’expertise des S.

Les quadras contre le reste du monde

En revanche, les quadras  sont beaucoup moins tolérants et trouvent de nombreux défauts à leurs collègues. Selon eux, les Y sont moins compétents et manquent de savoir-vivre. S’ils reconnaissent que ces derniers sont dynamiques, efficaces et motivés, ils leur reprochent de manquer de rigueur, d’être volatiles et davantage connectés aux outils de communication qu’à leurs équipes. La génération Y serait la génération zapping, prête à passer rapidement d’une entreprise à l’autre. Les quadras ne sont guère plus tendres avec les séniors qu’ils voient comme des has been qui travaillent trop lentement. À l’opposé, les quadras se jettent des fleurs. Ils pensent être dotés de toutes les qualités que l’on trouve chez les autres, mais sans les défauts. Ils auraient des compétences techniques et managériales, des compétences humaines et relationnelles. Les salariés parfaits, en somme.

Une haute estime d’eux-mêmes qui cache un mal-être

Selon Patrick Scharnitzky, consultant chez Valeurs et développement, les X se définissent positivement pour compenser le fait qu’ils sont les oubliés des entreprises. Toutes les politiques de développement sont orientées soit vers les plus jeunes, soit vers les seniors (le fameux contrat de génération, par exemple). Les X se construisent donc en opposition, quitte à pousser la caricature. Et c’est bien dommage. « Pour améliorer leur performance collective, les entreprises doivent prendre en compte cette génération, qui ne doit plus être un passe-plat entre les deux autres », assure Inès Dauvergne, responsable diversité à IMS. Pour cela, la clé est de favoriser le dialogue intergénérationnel. Entre toutes les générations.

Organiser des rencontres entre les collaborateurs

Les collaborateurs devraient être encouragés à formuler leurs reproches à voix haute. Pour se mettre d’accord sur les valeurs de l’entreprise, il faut mettre à plat les considérations de chacun sur ce qui se fait et ne se fait pas.  « La génération Y n’a tout simplement pas la même vision de l’organisation du travail et de la carrière que ses aînés, ce qui mène à une incompréhension », explique Inès Dauvergne. Les jeunes ont en effet tendance à faire plusieurs choses en même temps, à mélanger leur temps de vie professionnelle et personnelle, à avoir une attitude plus cool avec leur collègues. Cela ne dénote pas forcément d’un  manque d’implication ni d’un manque de respect. Encore faut-il que   mettre des mots sur ces différences de fonctionnement afin qu’elles soient comprises. Une fois ce travail mené,  « il faut créer des équipes mixtes, soit sur le long terme, soit sur des projets à court terme», conseille Patrick Scharnitzky.

Bouleverser l’organisation de la carrière

Les entreprises doivent surtout évoluer et modifier leur organisation. Il faut lutter contre la culture du présentéisme, la sacro-sainte carrière linéaire et l’évolution verticale. « Aujourd’hui, on évolue forcément à un poste plus élevé, avec une équipe toujours plus grande à manager. C’est un problème car au bout d’un moment, les seniors ne peuvent plus bouger, et les quadras pensent que les jeunes vont leur piquer leur place », explique Inès Dauvergne. Au contraire, en privilégiant les passages horizontaux d’un projet à l’autre, et en permettant aux jeunes de faire des pauses dans leur carrière, les collaborateurs resteraient motivés et les tensions seraient apaisées. Toute une culture à réinventer.

Ingrid Falquy
Ingrid Falquy

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