Comment les candidats à la présidentielle veulent transformer le contrat de travail des cadres

Sylvia Di Pasquale

Encourager le CDI, protéger les indépendants, aller vers un contrat unique... Les candidats à l’élection présidentielle 2017 veulent tous réformer et davantage sécuriser le contrat de travail. Mais leurs propositions divergent sur les sujets des licenciements et de la durée du contrat.
Comment les candidats à la présidentielle veulent transformer le contrat de travail des cadres

Nathalie Arthaud

Interdiction des licenciements

L’objectif de la candidate de Lutte Ouvrière est d’interdire les licenciements et les suppressions d’emplois, en commençant par les entreprises qui font des bénéfices. En cas de refus des entreprises, l’État les réquisitionnerait. Sur la question de la faisabilité, Bernard Vivier, directeur de l'Institut supérieur du travail déclarait : « Si Nathalie Arthaud mettait en place cette interdiction ce serait un drame terrible. C'est comme si dans une voiture vous aviez le droit d'appuyer sur la pédale d'accélérateur - embaucher - et jamais sur le frein ».

François Asselineau

Statut quo pour le salariat

Le candidat UPR souhaite garantir et accroître la protection du salariat « qui doit rester le statut exclusif » quitte à en élargir sa définition. Selon lui, dès qu’un travailleur effectue une prestation sous subordination ou sous dépendance économique, il a le droit au statut de salarié. Il souhaite donc « fixer en urgence les nouveaux critères de reconnaissance du travail salarié ». Il y aurait salariat dès lors que :

  • Le prix est fixé par le donneur d’ordre
  • Les conditions de travail sont prédéfinies
  • Un travail est effectué exclusivement pour le donneur d’ordres
  • Il y a mise en relation auprès de clients par le donneur d’ordres

De nouvelles conditions pour le CDD

Sous la présidence de François Asselineau, le CDD resterait renouvelable deux fois maximum mais sa durée maximale serait réduite à 24 mois, contre 36 mois actuellement pour les CDD seniors ou à objet défini (recrutement d’un ingénieur ou d’un cadre pour une mission bien précise).

Les conditions de rupture à l’initiative du salarié demeureraient inchangées. En revanche, les conditions de rupture par l’employeur seraient restreintes aux fautes graves ou à une impossibilité de maintenir le contrat (cessation d’activité de l’entreprise, réorganisation, suppression du poste).

Jacques Cheminade

Un contrat unique au lieu d’un CDD

Le représentant du parti Solidarité & Progrès veut remplacer le CDD par un contrat unique, une sorte de nouveau CDI à droits progressifs sur un an, pour en finir avec la situation de précarité dans laquelle se trouve les Français embauchés en CDD. Ce nouveau contrat permettrait l’accumulation des droits des salariés en évitant les effets de rupture. En attendant la mise en place d’une telle réforme qui serait forcément longue, Jacques Cheminade propose d’instaurer une taxe sociale spécifique s’appliquant aux emplois précaires, CDD et intérim. Plus l’entreprise aurait recours à ce type de contrat, plus elle payerait.

 

François Fillon

Rénover le contrat de travail pour faciliter les embauches

Le candidat LR souhaite multiplier les contrats courts pour favoriser les embauches. Pour cela, il compte notamment mettre en place des contrats de mission pour une durée limitée et des contrats où les causes de licenciement sont prédéterminées dès l’embauche. Les profils concernés seraient en premier lieu les salariés des petites entreprises.

Cette idée de contrat à causes de rupture prédéterminées est défendue par Franck Morel et Bertrand Martinot. Le premier est depuis 2012 avocat associé au cabinet Barthélémy. Il a participé à la rédaction de la loi Aubry en 2000 et a conseillé les 5 ministres du Travail sous le mandat de Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2012. Le second est économiste, conseiller technique chargé de l’emploi auprès de la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse. Il a également conseillé Nicolas Sarkozy sur ces sujets à l’Élysée. Tous deux proposent dans un rapport de l’Institut Montaigne, un contrat unique prenant la forme d’un CDI conventionnel pour lequel employeurs et salariés « pourront précontractualiser des situations de rupture dans une liste ou des limites fixées par la loi, avec une indemnité spécifique versée en cas de licenciement ».

Clarifier les règles du licenciement économique

François Fillon veut élargir la définition du licenciement économique en introduisant dans la loi le motif de réorganisation de l’entreprise. Dans les faits, ce motif existe déjà et a déjà été appliqué plutôt en faveur des entreprises dans des décisions de justice.

 

Benoît Hamon

Nouveau statut pour ceux qui ne sont pas salariés

Le socialiste Benoît Hamon entend créer un statut de l’actif pour les travailleurs qui ne bénéficient pas de la protection du code du travail et du régime général de la sécurité sociale. Un statut qu’il veut simple et concret pour aligner leurs droits sociaux sur ceux des salariés, en matière de protection sociale mais aussi de cotisation pour la retraite.

 

Emmanuel Macron

Bonus malus afin de favoriser les CDI

Afin de favoriser les entreprises embauchant en CDI plutôt qu’en CDD, Emmanuel Macron prévoit un système de bonus-malus sur les cotisations salariales des entreprises. Celles abusant des contrats courts paieront davantage de charges et celles créant des emplois stables en paieront moins. Les embauches de cadres devraient atteindre les barres de 212.000 en 2017 et 222.000 en 2018 selon l’Apec. Une minorité de contrats concernerait les CDD de plus d’un an. Les catégories de cadres les plus fragiles (jeunes diplômés et séniors) devraient néanmoins décrocher plus facilement un contrat long si cette mesure était appliquée.

Jean-Luc Mélenchon

Le statut d’indépendant qui protège

Jean-Luc Mélenchon souhaite créer un nouveau statut pour les travailleurs indépendants avec davantage de protections. Ça tombe bien, les cadres sont de plus en plus intéressés par cette nouvelle forme de travail. Selon une étude réalisée par l’institut TNS Sofres pour la fondation ITG Travailler autrement réalisée en avril 2016, 72 % des cols blancs estimeraient que le CDI ne sera bientôt plus la norme. Et 82 % d’entre eux pourraient être attirés par le travail indépendant. Mais l’étude montre également que la totalité des cadres interrogés ont encore un attachement fort aux protections sociales comme les points retraites (95 %), l’assurance maladie (95 %) et l’assurance chômage (92 %). Avec cette mesure Jean-Luc Mélenchon propose justement aux indépendants affiliés au RSI de rejoindre le régime général afin d’être mieux protégés. Et il veut instaurer dans le code du travail une présomption de salariat pour les travailleurs indépendants qui n’ont qu’un seul client ou pour les collaborateurs exclusifs des plateformes dites collaboratives.

 

Fin des licenciements abusifs et plus de droits aux salariés et à leurs représentants dans les entreprises

Si Jean-Luc Mélenchon était élu, il promet que les licenciements seraient fortement réduits voire interdits. C’est le cas des licenciements boursiers ou économiques. Par exemple, la loi El Khomri permet à une entreprise, « en cas de baisse de commandes ou de chiffres d’affaires ou tout élément de nature à justifier des difficultés », de réaliser des licenciements économiques. Ces derniers seraient interdits avec Mélenchon ou du moins punis. Pour se faire, le candidat de la France Insoumise compte mettre fin aux versements de dividendes dans les entreprises ayant recours à ce genre de licenciement. Quant aux plus abusifs, les salariés pourraient réintégrer l’entreprise, s’ils le désirent. Encore faut-il qu’ils aient envie de revenir dans la boîte qui les a remerciés ? Puis pour éviter les licenciements « déguisés », il prévoit de supprimer la rupture conventionnelle.

Ces mesures donnent lieu à davantage de droits et de pouvoir pour les collaborateurs. Par exemple le programme prévoit un veto suspensif au comité d’entreprise pour qu’il puisse donner un avis décisif sur un possible licenciement.

 

Philippe Poutou

CDI pour tous et fin des auto-entrepreneurs

Philippe Poutou veut faire du CDI la norme du contrat de travail. Il obligerait donc les entreprises à ne proposer que des contrats longs et interdirait les contrats précaires. Dans son viseur également, la suppression du statut d’auto-entrepreneur. Selon lui, « les "nouvelles technologies" sont mises au service d’une offensive de la classe dominante pour "baisser le coût du travail" et généraliser la précarité.  Il défend l’idée d’une société des "producteurs associés", dans laquelle nous travaillerions moins afin de travailler tous.

Interdiction des licenciements et des suppressions de postes.

Si Philippe Poutou était élu, les entreprises qui détruiraient des emplois seraient réquisitionnées et mises sous le contrôle des salariés.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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