
Le cancer touche 1000 personnes par jour, dont 400 ont une activité professionnelle. « Un flux continu et vertigineux », écrit Géraldine L. Magnier, coache et auteur d’un ouvrage sur la reprise d’activité professionnelle après un cancer *.
Car l’autre aspect plus méconnu, c’est celui du plus grand nombre de personnes qui, grâce au progrès des dépistages et des traitements, reprennent le travail après la maladie.
Pas d’angélisme dans les réponses de cette auteure qui s'est entretenu avec 250 malades. Ni de celles d’Anne-Sophie Tuszynski, fondatrice de l’association Cancer@Work que nous avons également interrogées. Chaque situation est éminemment personnelle et variable en fonction de son vécu et de l’écosystème dans lequel on évolue. Selon la bienveillance, la situation économique de l’entreprise ou la relation que les uns et les autres entretiennent avec la maladie, votre discours sera perçu différemment.
Voici leurs conseils :
Ne rien dire alimente les fantasmes, les hypothèses, les ragots...
De retour au boulot, est-il indispensable d'évoquer son cancer ?

Que les choses soient bien claires : légalement, rien ne vous oblige à évoquer votre maladie au sein de votre entreprise. La seule contrainte est d’adresser un arrêt de travail quand la situation exige votre absence. Voilà pour la théorie, car en pratique, les choses sont évidemment plus compliquées. « Ne rien dire à propos d’une longue absence ou une reprise du travail en mi-temps thérapeutique alimente les fantasmes, les hypothèses, les ragots… Donc, mieux vaut aborder le sujet de la maladie le plus tôt possible, notamment avec son manager, afin d’organiser son absence, le lien avec l’entreprise durant cette période et anticiper son retour », recommande Anne-Sophie Tuszynski, fondatrice de l’association Cancer@Work, un réseau d'entreprises engagées pour concilier maladie et travail. Si vous faites le choix d’en parler, préparez en amont ce que vous auriez envie de dire, ce que à quoi vous accepteriez de répondre si le sujet se présentait, et les questions définitivement « no way ».
Faut-il évoquer le sujet avec son boss ?
« Certains managers ne veulent pas entendre parler de la maladie sous prétexte que le collaborateur est de retour à son poste de travail. Or, ils ne soupçonnent souvent pas les effets secondaires des traitements, les rendez-vous de suivi, etc., et le fait que certaines capacités cognitives et physiques sont amoindries », souligne Géraldine L. Magnier, coache et auteure de Après la maladie, le travail. Reprendre une trajectoire professionnelle après le cancer *. Plutôt qu’un inventaire à la Prévert de ces effets secondaires, abordez le sujet sous l’angle des conséquences sur votre travail. Par exemple, expliquez que vous avez désormais quelques défauts de concentration, et donc que vous ne pourrez pas assurer les compte-rendu de réunion comme avant. En revanche, vous pouvez tout à fait reprendre telle et telle tâche. De même, vous pouvez demander à ce qu’une personne relise vos dossiers avant l’envoi chez le client. « Faites des propositions d’organisation à votre manager. Vous lui retirerez une épine du pied et vous lui éviterez des maladresses. Faire comme avant, comme si la maladie n’était pas passée par là, vous expose à des erreurs, des manquements… qui se finissent parfois mal », ajoute-t-elle.
Attention, les plus proches collègues ne sont pas toujours les plus fidèles alliés.
Et ses collaborateurs, à quelles conditions échanger avec eux ?
Là encore, vous ne dites que ce que vous avez envie de dire. « Un collaborateur très présent à vos côtés durant votre absence pourra être un allié. Par exemple pour vous épauler sur certaines tâches de relecture. En revanche, si votre équipe est restée à distance durant votre arrêt, dites-en le moins possible. Une phrase du genre, « je reprends le travail aujourd’hui en douceur suite à une maladie conséquente au sujet de laquelle je n’ai pas envie de donner de détails. Et j’aimerais que vous tous ici respectiez mon choix », permettrait de cadrer le débat et de ne pas attiser la curiosité », illustre Géraldine L. Magnier.

Faut-il s'attendre à des collègues empathiques ?
Attention, les plus proches collègues ne sont pas toujours les plus fidèles alliés. « Ne perdez pas de vue la notion de concurrence au sein des équipes », prévient Géraldine L. Magnier. Il se peut qu’à votre retour, vous (re)preniez la place occupée par une autre personne qui aurait souhaité la conserver. « A moins qu’ils ne soient devenus des amis, les collègues restent des collègues, donc avec eux, mieux vaut évoquer votre maladie avec parcimonie. Un collègue ayant lui-aussi souffert d’un cancer, pourrait davantage être réceptif à votre situation », souligne-t-elle. Mais là encore, impossible de faire des généralités, chaque cas est particulier.
* Après la maladie, le travail. Reprendre une trajectoire professionnelle après le cancer, Géraldine L. Magnier, Enrick B Editions, paru le 16 janvier 2018.
>> Sommaire et extraits de l’ouvrage en PDF
Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.