Décrocher son 1er mandat d’administratrice : témoignages de 6 femmes qui l’ont fait

Sylvie Laidet-Ratier

A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Cadremploi s’interroge sur l’accession des femmes aux conseils d’administration et autres instances de gouvernance. Six femmes nous expliquent comment elles ont obtenu leur tout premier mandat.
Décrocher son 1er mandat d’administratrice : témoignages de 6 femmes qui l’ont fait

La première fois, la marche est haute. Les conseils d’administration viennent rarement chercher les femmes qui n’ont jamais eu de mandat par peur de prendre « des risques ».  Six femmes qui ont passé l’étape du « premier mandat » expliquent leur cheminement.

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 « J’ai été approchée par une chasseuse de tête »

  • Valentine Ferréol, 45 ans.
  • Directrice des engagements dans une entreprise de services du numérique.
  • Administratrice indépendante du groupe Fournier Habitat depuis 2018.
  • Mandat rémunéré.

C’est en 2016 que Valentine Ferréol souhaite donner une nouvelle dimension à sa carrière. Son activité de veille professionnelle en fait une excellente analyste de la transformation des entreprises. « Je voulais mettre mon expérience au profit d’une société désirant se transformer », se souvient-elle. Elle active son réseau pro, interroge des administrateurs hommes et femmes sur leur rôle dans ces instances de gouvernance, prépare un dossier de candidature et finit par être repérée par Dominique Druon, dirigeante du cabinet de chasse Aliath, pour un mandat au sein du groupe Fournier Habitat. « Au cours de multiples entretiens, elle m’a coachée sur la posture à adopter en entretien. Par exemple, à bien veiller à me détacher de mon activité opérationnelle, car un administrateur endosse un autre rôle », illustre-t-elle. Bien préparée, elle rencontre trois dirigeants de l’entreprise pour exposer son parcours et sa vision de la mission d’un administrateur. Elle est finalement nommée en février 2018 et s’apprête donc à siéger à son premier conseil d’administration.

 « J’ai postulé en direct »

  • Viviane Strickfaden, 55 ans.
  • Dirigeante du cabinet VS Management
  • Administratrice indépendante de la caisse locale du Crédit Agricole d’Ile-de-France depuis 2013.
  • Mandat non rémunéré.

Comme tous les autres clients sociétaires du Crédit Agricole, Viviane Strickfaden reçoit tous les ans la convocation à l’assemblée générale. « C’est là que j’ai lu qu’il cherchait à renouveler une partie du conseil d’administration. J’ai donc pris contact avec le directeur de mon agence locale pour récupérer les coordonnées du président du CA et lui adresser ma candidature », raconte-t-elle. Courant 2012, elle est observatrice au conseil d’administration, donc n’a pas voix au chapitre mais observe, décode, apprend, prend ses marques pour être finalement nommée en 2013. « A un moment donné, j’étais la seule femme à siéger. Mais je leur ai démontré que je ne fonctionnais effectivement pas toujours comme eux mais que cela marchait quand même très bien. J’ai sans doute suscité leur envie de diversité au sein de cette instance », analyse-t-elle. Désormais, ce CA compte 6 hommes et 2 femmes. En 2014, Viviane Strickfaden passe la certification Gouvernance d’entreprise de l’Essec. « Je m’interrogeais sur ce que je pouvais apporter en plus à de ce conseil. La certification m’a fourni des réponses techniques mais aussi comportementales, très utiles», précise-t-elle. Avec d’autres administratrices et des candidates à ce type de mandat, elle a participé à la création du Cercle Gouvernance et Equilibre, « également ouvert aux hommes ». « On organise entre autres des petits déjeuners avec des chasseurs de tête afin que les femmes administratrices et les candidates se fassent connaître et coachées. De plus, The board network permet de mutualiser les offres de mandat et les profils. Désormais, on chasse en meute », conclut-elle pas peu fière de sa formule.

« J’ai suivi une formation d’administrateur »

  • Carine Vinardi, 45 ans
  • Dirigeante dans un groupe industriel
  • Administratrice indépendante chez Forlam depuis 2018
  • Mandat rémunéré.

« C’est vrai, le premier mandat est toujours le plus compliqué à obtenir. J’étais par exemple souvent en short list face à des candidats ayant déjà un mandat et/ou plus âgés et je n’étais pas sélectionnée », analyse-t-elle. Lors d’une courte période de transition professionnelle, Carine Vinardi décide de se former au rôle d’administratrice à l’EM Lyon. « Cette formation m’a permis de cibler au mieux le type de conseil que je souhaitais rejoindre.  Je n’avais pas envie d’un simple rôle de représentation mais de jouer un vrai rôle de conseil sur le long terme en lien avec mon expérience international, en lean, et en supply chain. Une PME familiale à taille humaine paraissait mieux adaptée à mes attentes», récapitule-t-elle. C’est donc tout naturellement qu’elle accepte de postuler au mandat chez Forlam que lui propose Sidonie Mérieux, dirigeante du cabinet de chasse HeR value. « Pour un premier mandat, mieux vaut ne pas se précipiter. La sélection doit être réciproque », insiste-t-elle.

« Je débute dans des CA d’associations »

  • Valérie Cornetet, 52 ans
  • Dirigeante de CI-3C Expertise
  • Administratrice de l’association des anciens de l’ENSTA ParisTech depuis 2015 et de Femmes Ingénieurs depuis 2018.
  • Mandat non rémunéré.

En transition professionnelle, suite à une suppression de poste, Valérie Cornetet participe à l’AG des anciens de son école d’ingénieurs. Emballée par le discours dynamique du nouveau président de l’époque, elle postule spontanément, et est nommé en live. « Débuter par un poste dans une structure associative est plus accessible et permet d’acquérir de l’expérience. Définition de stratégie, de budget, etc… toutes les grandes missions des CA sont aussi présentes dans les associations », argumente-t-elle. Pour asseoir ses compétences, Valérie Cornetet, décidée à professionnaliser sa démarche, décroche en avril 2016 le certificat administrateur de société délivré par Sciences Po. En attendant d’obtenir des mandats rémunérés, elle siège bénévolement aux comités stratégiques d’une PME (Nomadic Solutions) et d’une start up de la Station F.

« J’ai été cooptée »

  • Véronique Chabernaud, 56 ans
  • Dirigeante de Créer la Vitalité
  • Administratrice indépendante du conseil de surveillance de Innate Pharma depuis 2015.
  • Mandat rémunéré.

C’est l’un de ses anciens patrons qui un jour, lui demande de rejoindre les rangs du conseil de surveillance qu’il préside. « Je connaissais très peu ce rôle mais j’avais pleinement confiance en lui. Je l ‘ai interrogé sur le contenu du « job », le temps nécessaire, la posture à tenir, les écueils à éviter », se souvient-t-elle. Deux semaines plus tard à peine, elle accepte et entame les différents tours de piste. « J’ai rencontré tous les membres du conseil pour en savoir plus sur leur profil, leurs compétences, notre complémentarité, etc », ajoute-t-elle. En avril 2015, elle rejoint finalement les 7 autres membres de ce conseil de surveillance, dont 2 femmes. En 2016, elle décroche le certificat Administrateur de société délivré par Sciences Po. « J’y ai notamment appris des compétences juridiques et les postures attendues dans ces instances de gouvernance. Cela m’a aidé à m’affirmer au sein de mon conseil de surveillance. On ne nait pas administrateur, on le devient », précise-t-elle. Désormais, Véronique Chabernaud vise de nouveaux mandats. Pour cela, elle va évidemment activer son réseau professionnel, rédiger un CV ad hoc, rencontrer des chasseurs de tête, se manifester auprès de Bpifrance, souvent très au fait des mandats à pourvoir. « L’essentiel est de faire savoir que l’on est disponible », conclut-elle, confiante.

« J’ai été recommandée »

  • Isabelle Lamothe, 52 ans
  • Directrice générale de ManpowerGroup Solutions
  • Administratrice de L’Institut Pasteur depuis 2016.
  • Mandat non rémunéré.

« On est venue me chercher. Un jour, j’ai reçu un coup de fil m’indiquant qu’on pensait à moi pour un poste d’administratrice à l’Institut Pasteur. J’ai été flattée que mon nom circule et que l’on s’intéresse à un profil RH comme le mien. C’est assez rare dans les CA pour le souligner », raconte-t-elle volontiers. En revanche, impossible d’en savoir plus sur l’identité et la fonction du fameux émissaire. Tout juste réussit-on à savoir qu’il s’agit d’un membre de son réseau professionnel « qui n’est ni administrateur, ni chasseur de tête », ni parmi ses anciens patrons. Après avoir décortiqué les statuts de l’Institut Pasteur, Isabelle Lamothe présente son dossier de candidature, un CV et une lettre de motivation précisant sa valeur ajoutée pour tenir ce rôle. « Mon profil de consultante, mes différents écrits sur des sujets RH et le fait d’avoir déjà tenu des directions générales de filiales, ont plaidé en ma faveur », argumente-t-elle. Elle est nommée en novembre 2016. « Ce n’est pas un rôle facile à endosser. Au début, on observe et on apprend. C’est un monde très organisé avec des règles et un certain formalisme qu’on ne rencontre pas dans les comités de direction ou les comités exécutifs. Il faut s’approprier tout ça mais c’est passionnant », assure-t-elle. Et cette posture « haute » semble aussi l’aider à prendre du recul dans son quotidien plus opérationnel.

 

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Depuis le 1ᵉʳ janvier 2017, la loi oblige les grandes entreprises à compter 40 % de femmes dans leur conseil d’administration. Quel profil de superwoman est recherché ? Quels pré-requis sont exigés ? Réponses avec une chasseuse qui passe le plus clair de son temps à contacter des femmes éligibles à ces conseils.

en lien avec le sujet évoqué, dans le respect des principes éthiques et de savoir-vivre (comprenant l’écriture avec un certain soin). Nous avons hâte de vous lire et vous remercions de votre visite

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Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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