Les choses ont changé. Et le travail encore plus que le reste. Cette transformation n’est pas prête de s’achever. On s’en doutait mais Deloitte nous en donne la confirmation. Sa récente étude sur les tendances RH 2019 * tout juste publiée a été réalisée en Suisse, mais ce qu’elle révèle est universel.
La durée de vie des compétences est passée de 30 à… 5 ans
Car dans le chamboule-tout du numérique, les compétences ne sont plus ce qu’elles étaient. Celles qui ont été acquises à l’école ou pendant ces premières années de travail ? « Dans les années 80, elles étaient utiles pendant 30 ans », explique Philippe Burger. Et aujourd’hui ? « Moins de 5 ans ». Histoire de ne rassurer personne, l’expert enfonce le clou de l’obsolescence : « et ça ne fait que s’accélérer ».
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La solution s’appelle formation. Et bonne nouvelle, « les entreprises en sont conscientes : 86 % d’entre elles investissent dans ce domaine, avec des croissances à deux chiffres depuis plusieurs années. » Si l’on en croit les déclaratifs de l’étude, les employeurs formeraient donc leurs collaborateurs afin de les adapter en permanence, et quand les compétences ne sont pas disponibles immédiatement, elles vont les chercher à l’extérieur.
Ne dites pas freelances, mais « emplois alternatifs »
C’est l’autre leçon de cette étude, qui découle tout naturellement de la conséquence de la durée de vie raccourcie des compétences : le recours massif aux freelances. Mais Philippe Burger parle plus globalement d’« emplois alternatifs » qui englobent freelances et travailleurs à la tâche. « Entre 2005 et 2015, aux États-Unis, ils ont représenté 94 % des créations d’emploi ».
Cette déferlante a un nom : la Gig Economy. Ce terme emprunté au monde de la musique désigne l’économie des petits boulots, à l’instar des musiciens payés à la prestation après chaque gig (concert). Elle touche les métiers de la livraison, mais aussi des métiers très qualifiés de la traduction, du marketing, du graphisme, de la compta, etc. Un déferlement qui arriverait droit sur nous. Même si, pour le moment, selon l’étude, moins de 30 % des entreprises d’ici ont déjà recours à ces emplois « alternatifs ».
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Les "supers emplois", les hauts potentiels de demain
Parmi ces freelances, toujours selon Deloitte, les professionnels dotés de "super jobs" se distinguent. Ces "supers emplois" sont une combinaison entre des tâches traditionnelles et des tâches nouvelles. « Ils font la même chose mais avec les nouveaux outils comme l'IA ou le big data, explique Philippe Burger. Comme il travaille deux fois plus vite, ils sont donc libérés pour des tâches nouvelles. » Ces gains en productivité et en efficacité rend aussi leur travail plus intéressant. « Au fur et à mesure que les machines prennent le relais des tâches répétitives et que le travail des gens devient moins routinier, de nombreux emplois évoluent rapidement », estime l’étude de Deloitte. Rassurant ? « Oui, estime l'expert de Deloitte car avec de la formation, on est tous détenteur d’un "super job". »
L’automatisation ne va pas faire disparaître des emplois mais des tâches.
Prenons l’exemple d’un « super emploi » de juriste. Il est davantage numérique (nourri par la Legaltech), plus multidisciplinaire (chef de projet, CPO mais aussi porte-parole sur les réseaux sociaux de l’entreprise entre autres), grand consommateur de data, d’information et de technologies cognitives (une IA recherche à sa place des jurisprudences et lui prépare un rapport grâce auquel il n’a plus qu’à trancher). Dans ses recherches antérieures, Deloitte expliquait que l'automatisation, en supprimant le travail routinier, rend en fait les emplois plus humains. Dans le sens où elle dégage du temps pour la résolution de problèmes complexes ou la création de nouvelles connaissances.
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Les managers largués ?
Évidemment, ces révolutions à venir et déjà largement en cours réclament une nouvelle organisation de l’entreprise et des managers à la hauteur. Sauf que pour 40 % des salariés interrogés par le cabinet, ils ne le sont pas. La faute à la triple peine qu’ils subissent : le nouvel encadrement de collaborateurs tant internes qu’externes, les enjeux technologique liés à leur métier et à celui de leur équipe et, enfin, le changement d’organisation, du travail en mode projet inter-équipes et des évaluations qui en découlent. Car ils ne sont plus seuls à juger de la valeur de leurs collaborateurs puisque eux aussi les jugent. Même ceux qui ne leur sont pas directement rattachés. Quant le casse-tête est général, les managers sont, comme toujours, en première ligne.
En fait, seulement 6 % des répondants ont déclaré que leur organisation était " très prête " pour faire face à l’obsolescence des compétences. Il semble que les entreprises commencent à peine à comprendre les implications de cette révolution sur les emplois et les requalifications nécessaires, y compris chez les cadres.
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* Etude
D
eloitte sur les tendances RH 2019 « Devenez une entreprise sociétale ! Placez l’humain au centre
de vos projets ». Etude disponible uniquement en anglais ici.