Faut-il avoir peur des chatbots dans le recrutement ?

Marine Lesprit

Si les chatbots font un malheur en relation client, les entreprises commencent aussi à s’y intéresser pour les aider dans leurs recrutements. Une nouveauté qui, étrangement, peut donner la sensation d’une relation plus humaine aux candidats. Cadremploi vous explique comment.
Faut-il avoir peur des chatbots dans le recrutement ?

"Bonjour jeune padawan !" Les candidats à un poste chez 3X Consultants sont accueillis avec enthousiasme, pour peu qu’ils se connectent depuis la page Facebook de l’entreprise. Depuis le 15 février dernier, le groupe de conseil en ressources humaines a lancé, depuis sa filiale Neoh, un chatbot pour faire vivre aux candidats une première journée au sein de leur service. Rencontre avec les collègues, première pause-café, tennis sur la pause du déjeuner : les candidats sont invités à vérifier leur "3X Compatibilité". Ils le font à travers une discussion avec le robot conversationnel. L’expérience est la même que lorsqu’un ami est au bout du smartphone pour une rapide conversation en phrases courtes. Mais la conversation (chat), est menée par un robot (bot), spécialement programmé.

En France, les entreprises qui ont lancé leur interface de discussion pour les candidats à la recherche d’un emploi ne sont encore qu’une poignée à avoir lancé, mais le nombre devrait rapidement augmenter. "C’est clairement l’une des tendances actuelles", assure Jean-Christophe Anna, directeur général de #rmstouch, société spécialisée dans l’innovation dans le recrutement. Par exemple, en mars dernier, le groupe Carrefour avait laissé entendre qu’il développerait son chatbot de recrutement en 2018.

 

Un robot pour une expérience plus humaine

L’atout de ces assistants conversationnels, dont la majorité passe par l’application Messenger de Facebook, est d’instaurer un dialogue sans pour autant mobiliser un employé. "Le chatbot est là pour faire vivre une expérience plus humaine dans le premier contact avec l’entreprise", soutient Cyril Hijar, responsable marketing chez 3X Consultants. La fiction de la première journée de travail permet avant tout au candidat de se forger une idée de la culture de l’entreprise. "Ça m’a donné une autre image de 3X", confirme Maud Rancé, consultante RH embauchée en avril.

La jeune femme a engagé la conversation avec le chatbot après avoir envoyé sa candidature, pour s’entraîner avant l’entretien. Mais les chatbots servent aussi aux entreprises pour se faire connaître de jeunes diplômés. "C’est important pour nous de se différencier pour attirer les candidats", reconnaît Oliva de Faÿ, directrice Talent Acquisition et Employer Branding chez Mazars. Le cabinet d’audit et de conseil a lancé en avril son chatbot SAM. Il propose des conseils pour bien préparer un entretien, avant de donner des informations sur Mazars et de présenter les postes ouverts au sein de l’entreprise. Cette approche semble fonctionner : en cinq semaines, SAM a mené plus de 3 000 conversations, dont un tiers a abouti à la consultation d’une offre d’emploi.

 

Quand le chatbot devient recruteur

3X Consultants et Mazars assurent que les interactions des candidats avec les chatbots ne sont pas déterminants dans la sélection finale. Certains bots peuvent néanmoins se substituer aux humains dans la première phase du recrutement. En décembre 2016, la cellule d’innovation de l’application de rencontres Meetic était à la recherche d’un stagiaire pour développer son chatbot Lara. L’idée a germé d’intégrer un chatbot au processus de sélection.

Les tâches de Lara consistent habituellement à guider les utilisateurs et à sélectionner des profils amoureux compatibles. Là, une phrase définie à l’avance permettait d’avoir accès à un entretien poussé, évaluant les compétences techniques et les motivations des candidats.  "On ne s’attendait pas à autant de succès, reconnaît Xavier de Baillenx, chef du service innovation. Ça nous a permis de faire une pré-sélection rapide des candidats." Parmi eux, le stagiaire qui a intégré l’équipe en avril.

 

Les chatbots ne remplacent (encore) les recruteurs

Qu’ils renseignent les candidats, les conseillent ou les testent, ces chatbots ne sont cependant pas voués à décider de l’embauche d’un candidat. "L’amont du recrutement s’est beaucoup digitalisé, précise Cyril Hijar. L’aval reste très humain : la rencontre de deux personnes reste un vrai besoin. Le chatbot arrive en complément. » Car les robots ont tout de même de précieux avantages, en plus de leur disponibilité. « Le bot est moins tributaire de biais cognitifs, assure Jean-Christophe Anna. Il a une vision neutre, objective, non discriminante. »

En neutralisant la relation d’embauche, le bot, s’il est bien programmé, assurerait au candidat une évaluation objective de son adéquation au poste. Selon une étude publiée en 2013 dans le Journal of Applied Psychology, les approches menées par des algorithmes seraient plus efficaces que les entretiens pour mesurer les performances au travail.

 

Marine Lesprit
Marine Lesprit

Vous aimerez aussi :