
Un an après la loi Egalité et citoyenneté, 92 % des RH pensent que les stéréotypes conscients ou inconscients ont toujours un impact sur les choix lors de leur recrutement selon une étude du groupe Adecco. Si les mentalités peinent à évoluer, c’est d’abord à cause des outils de recrutement inadaptés à la diversité des candidats.
CV et entretien : outils discriminants mais encore irremplaçables
CV et entretien de recrutement restent loin devant les deux outils les plus utilisés des recruteurs. Parmi les sondés, 69 % utilisent le CV et 84 % l’entretien individuel alors que seulement 23 % utilisent les tests de connaissance et 15 % les tests de personnalité.
Si les méthodes ont peu évolué, c’est qu’elles sont ancrées dans les mentalités depuis longtemps. « Tout l’écosystème de l’emploi est basé sur le CV. Les candidats eux-mêmes sont conditionnés pour construire un projet et un parcours qui se coulent dans un CV. Si on l’enlève, les candidats seront perdus », explique Thierry Roger, directeur de l’emploi et de la promesse employeur chez Elior, entreprise de restauration collective
Pourquoi ne pas le retirer ? « L’écrasante majorité de ceux qui utilisent le CV et la lettre de motivation aujourd’hui ont été recrutés hier par ce biais. Le remettre en cause aboutirait en quelque sorte à considérer qu’ils ne méritent pas eux-mêmes forcément leur poste », analyse Yveline Guillot, responsable diversité chez Essilor, leader mondial du verre correcteur.
Cependant le CV reste indispensable pour certaines professions et dans certains domaines très techniques. Chez Bayer, société chimique et pharmaceutique, le CV est très important. « C’est sans doute différent pour les employeurs qui pourvoient des postes à faible qualification », précise Luc Derache, directeur RSE, qui recrute 90 % d’ingénieurs et de cadres avec une expertise technique très pointue.
Former les RH à la non-discrimination, la solution ?
Selon les personnes interrogées dans l’étude, l’origine, l’apparence physique, l’âge, le sexe ou encore le handicap sont les critères les plus courants de discrimination à l’embauche. « A partir d’un CV, des photos d’identité, on se construit des histoires qui ne sont pas celles des candidats. Il faut absolument travailler en profondeur sur les stéréotypes pour en comprendre les mécanismes », explique Luc Derache.
C’est pour aller dans ce sens que la loi Egalité et citoyenneté, publiée en janvier 2017 au Journal officiel, a prévu une formation obligatoire sur la non-discrimination. Destinée au RH des entreprises de plus de 300 salariés, cette formation doit être suivie tous les 5 ans. Un an après la publication de la loi, 56 % des RH et des DRH sondés ne connaissent pas cette mesure. Pourtant ils sont 88 % à reconnaitre la pertinence d’une formation obligatoire à la non-discrimination.
Seuls 28 % déclarent avoir suivi une formation sur le sujet et parmi eux 75% reconnaissent son utilité.
Si la loi rend obligatoire une formation, elle ne dit rien sur la forme ni la durée de la journée. Pour Thierry Roger « une journée tous les 5 ans, c’est l’assurance de repartir à chaque fois de zéro. Le bon rythme c’est une formation tous les 2 ans ».
Recruter sans préjugés, on fait comment ?
Une formation, c’est bien, mais cela ne suffit pas. Les RH eux-mêmes ne la placent qu’en 5ᵉ position des outils contre les discriminations. Selon eux, il faut en priorité revoir la rédaction des fiches de poste (50% des réponses) et les « baser sur les seules compétences » exigées pour le poste. Ensuite viennent les tests et mises en situation des candidats (47 %) puis le CV anonyme (39 %).
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Ils restent 61 % à penser que le CV anonyme reste la méthode de recrutement la moins discriminante.
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Et l’apport des nouvelles technologies dans le recrutement ? Ils sont 53 % des personnes interrogées à estimer que le développement des outils numériques comme les sites d’e-recrutement, les réseaux sociaux ou les progiciels de candidats ont permis de réduire les discriminations à l’embauche. Néanmoins seulement 6 % d’entre elles pensent qu’un algorithme pourrait remplacer un recruteur. « La machine, en elle-même ne garantit rien, seul compte l’usage qu’on en fait », explique Johan Titren, directeur égalité des chances du groupe Adecco et directeur général opérationnel de Humando Pluriels, la filiale du groupe Adecco qui a produit l’étude.
Côté pouvoir public, pour les entreprises qui veulent sensibiliser leurs salariés à la discrimination et s’engager dans la promotion de la diversité, le ministère du Travail a créé le label Diversité en 2015. En mai 2017, 354 structures privées et publiques avaient été certifiées pour une durée de 4 ans par Afnor certification.
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* L’étude « Recruter dans la diversité » publiée le 28 juin 2018 par le Lab’ho en partenariat avec. Humando Pluriels (Groupe Adecco). Les résultats sont basés sur un sondage Ipsos réalisé du 5 au 11 juillet 2017 auprès de 500 recruteurs interrogés par Internet selon la méthode des quotas. Parmi eux 285 travaillent dans une entreprise de plus de 300 salariés ou plus et 155 exercent comme responsable des RH
