Faute de candidats, la cybersécurité recrute des gamers

Sylvie Laidet-Ratier

Recruter des joueurs de jeux video pour déjouer les cybermenaces ? Certaines entreprises le font. Voici pourquoi.
Faute de candidats, la cybersécurité recrute des gamers

Recherche candidats désespérément

Une récente étude* tire la sonnette d’alarme sur le manque d’experts en cybersécurité dans les 12 prochains mois. Près d’un professionnel sur deux estime qu’il aura du mal à en trouver donc à faire face à l’augmentation et à la complexité des cybermenaces.

Pourquoi tant de défaitisme ? Tout simplement parce que les experts en cybersécurité manquent à l’appel. Les écoles ne produisent pas encore assez de jeunes diplômés. Pour parer à cette situation, les recruteurs misent à la fois sur l’automatisation de certains protocoles de sécurité de base. Mais aussi sur l’embauche de profils inattendus : les gamers.

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Gamers, faites vos jeux (enfin vos CV) !

Et oui, qui l’eût cru, aujourd’hui être un pro des jeux vidéos peut être une réelle plus-value sur le marché de l’emploi. Les parents qui, pensant bien faire, interdisent à leurs enfants de jouer, vont pouvoir se détendre. En effet, 72 % des professionnels interrogés par McAfee affirment que le recrutement dans un département informatique de joueurs de jeux vidéo expérimentés est une bonne alternative pour combler le déficit de compétences en matière de cybersécurité.

 

Capacité d’anticipation, créativité, persévérance, endurance, goût pour l’entraide… Leur “câblage” est différent.

 

Surprenant ? En y regardant de plus près pas vraiment en fait. « Les gamers ont un « mindset » particulier. Les ingénieurs classiques vont mettre sur pied un système informatique répondant à un besoin et à un cahier des charges spécifiques. Les gamers vont repousser les limites du système, trouver des fonctionnalités nouvelles, des failles…

« Leur “câblage” est différent », constate Jean-Luc Gibernon, directeur cyberdéfense de Sopra Steria. Leur persévérance est également très prisée. « Comme dans une partie de jeux vidéo, ils n’abandonnent jamais quitte à y passer la nuit en cas de grosse attaque. Leur capacité de travail est énorme », renchérit Fabien Rech, directeur de McAfee France, Italie et Espagne.

Contrairement aux idées reçues, les gamers aiment le travail d’équipe et ne sont pas nécessairement des loups solitaires. Au contraire. Ils jouent en réseau et appartiennent à des communautés au sein desquelles ils se challengent, s’entraident, etc. Un point évidemment apprécié des employeurs. « Leur logique, leur capacité d’anticipation, leur créativité pour ne pas se faire repérer par les pirates, leur goût du risque et du jeu sont essentielles dans les stratégies de cybersécurité », ajoute Nicolas Arpagian, directeur de la stratégie d’Orange Cyberdefense.

 

Des prérequis techniques appréciés quand même

Les trois quarts des responsables informatiques seraient prêts à embaucher des joueurs même s’ils ne disposent pas de formation ou d’expérience spécifique en cybersécurité selon l’étude McAfee. Un discours que nos pros du sujet apprécient tout de même de pouvoir modérer. « L’esprit joueur, agile et malin ne dispense pas les candidats d’une certaine expertise technique. Par exemple la maitrise de langages informatiques », précise Nicolas Arpagian, également membre du Comité cybersécurité du Syntec Numérique.

Des bac+5 mais aussi des titulaires de BTS et DUT ou d’un diplôme universitaire en informatique… tous les profils intéressent les recruteurs. « Je milite par exemple pour la création d’un bac technologique informatique orienté cybersécurité », insiste Fabien Rech de chez McAfee. Et puis, évidemment, les candidats gamers doivent faire preuve d’une certaine éthique. « L’entreprise n’est pas un jeu. L’éthique est donc primordiale pour ne pas passer du côté obscur de la force », ajoute-t-il.

 

Gamer, c’est bon pour le CV

Pour attirer l’attention des recruteurs, n’hésitez pas à mentionner votre passion pour les jeux vidéo sur votre CV. « Indiquer le score réalisé sur une plateforme d’apprentissage dédiée au hacking et à la sécurité informatique comme Root Me est un plus incontestable sur un CV », conclut Jean-Luc Gibernon.

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* Etude Winning the Game, menée par le cabinet Vanson Bourne pour Mcafee, une entreprise spécialisée en cybersécurité. Le cabinet a interrogé 300 cadres supérieurs de la sécurité et 650 professionnels de la sécurité dans des entreprises des secteurs public et privé comptant 500 employés ou plus, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, à Singapour, en Australie et au Japon.

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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