Festival de BD d’Angoulême : 3 albums qui nous projettent dans le futur

Gwenole Guiomard

[Lu pour vous] Parmi les 46 BD de la sélection officielle 2020 du Festival de BD d'Angoulême (du 30 janvier au 2 février), nous avons choisi 3 albums qui dessinent notre futur. Des milliards de miroirs de Robin Cousin, Préférence système d’Ugo Bienvenu et Descender Tome 6 de Jeff Lemire et Dustin Nguyen. Interview des auteurs, enfin de ceux qui ont accepté de répondre à nos questions, l’un d’eux ayant préféré décliner pour des raisons idéologiques. Prêt pour une dose de sujets guillerets, comme la place des créatures robotiques, la meilleure façon de sauver notre planète ou comment faire société ?
Festival de BD d’Angoulême : 3 albums qui nous projettent dans le futur

Le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême a ouvert ses portes ce 30 janvier 2020. Au menu, des prix attribués à des auteurs en sélection officielle, des conférences, des expositions et de folles séances de dédicaces. Nous avons choisi de lire trois albums dédiés à ce qui attend notre planète et ses habitants dans le futur. Des thématiques qui s'invitent à la table de certains codirs. Peut-être même déjà à celle de votre employeur...

 

Préférence système

Ugo Bienvenu, l’auteur de « Préférence système », a 32 ans et gère deux entreprises (une société de production audiovisuelle et une boîte d’édition de BD). « Mon héroïne a pour mission de changer l’humanité, explique-t-il. Comme elle détient la connaissance du passé, elle nous permet d’accéder au futur. Elle le changera par petite touche sans tout révolutionner. C’est en cela que les changements se feront à la marge, comme lorsque l’on met en place des préférences système ».

 

L’idée est de former nos enfants pour qu’ils développent nos libertés

Dans son album, il met en exergue la phrase d’un SDF (il s’appelle Innocent) rencontré, en rentrant chez lui, vers 23 heures, un soir de décembre 2018 place de la République à Paris. « La sagesse de l’homme, c’est de ne pas compter ses pas. »

« C’était beau de lui rendre cet hommage, précise l’auteur. On dirait une parole de prophète. Les belles choses naissent partout ». Sa BD en fait partie.

En 2052, dans un Paris industriel, la situation des humains est de plus en plus problématique. Une agence officielle détruit régulièrement des pans entiers de notre culture. Kubrick passe ainsi à la trappe. Bientôt ce sera au tour de l’œuvre de Hugo (Victor). Prétexte : les documents pas assez regardés sont à supprimer… Un homme enterre son père et se rebelle. Un robot fabrique son enfant. Dans la BD, les questions fusent. « Je suis lecteur de Tocqueville, explique Ugo Bienvenu. Comment faire société ? Pour moi, c’est partager une histoire commune ». Et pour vous ?

Préférence système, Ugo Bienvenu, chez Denoël Graphic.

A noter : sa prochaine BD s’appellera Appel en absence. « Cela parle d’absolu et de métaphysique, des questions sur le tréfonds de l’humanité ».

 

Des milliards de miroirs

Comment sauver notre planète ? La BD de Robin Cousin est une sorte de case study à destination des puissants et des faibles, des cyniques et des modestes. Ce roman illustré dresse le portrait accablant de notre planète et de ses habitants… L’auteur, « mes convictions vacillent entre l'anarchisme et le communisme », a refusé tout entretien. Pour lui, « sans cadres, notre société et notre planète se porteraient beaucoup mieux », accepte-t-il de lâcher.

Il dresse cependant un portrait d’une société où le manager trouvera aussi tout l’arsenal pour répondre aux questions à se poser en cas de catastrophe. Comment faire ? Comment gérer les peurs ? Comment fédérer des points de vue contradictoires, des stratégies individualistes… ?

Bref, une vie de bureau à l’échelle planétaire. Dans Des milliards de miroirs, les directions inefficaces sont choisies par hasard. Elles finissent par prendre la pire des solutions contentant tout le monde pour rester en place. Une vie de bureau, vous dis-je…

Des milliards de miroirs, Robin Cousi, éditions FLBLB

 

Descender Tome 6, La fin d’un monde

Voici le dernier volet de la saga d’anticipation dont le héros est un droïde, Tim-21, survivant d’un massacre déclenché contre les robots qui menaçaient l’humanité. Le roman graphique de Jeff Lemire (pour le scénario halluciné) et Dustin Nguyen (pour le dessin) plonge le lecteur dans l’histoire avec un grand H de nos humanités. Pas celle de notre pauvre terre. Trop banal. Non, celle de la vie dans toutes les planètes à tous les temps historiques.

Une sorte de nouvelle genèse où se posent les questions des plus existentielles : Dieu a-t-il créé l’homme à son image ou sont-ce des formes vivantes qui ont développé les humains ? Ont-elles créé des robots pour essaimer, dans toutes les galaxies, des êtres doués d’intelligence ?

 

A l’heure où les progrès de l’intelligence artificielle suscitent à la fois méfiance et curiosité, Descender s’interroge sur la place des créatures robotiques comme sur la nature de l’espèce humaine.

« Nous ne pouvons pas laisser le passé ralentir la marche du progrès », ajoute l’un des héros expliquant nos succès mais aussi nos travers, nos défaites, nos méfaits. Comment concilier alors les deux sans tout perdre ?

La BD de Lemire et Nguyen pose enfin la question ultime : d’où viens la vie ? La réponse en quelque 200 pages avant de se (re) plonger dans les ouvrages de Darwin ou du biologiste Karsenti.

Descender tome 6, Jeff Lemire et Dustin Nguyen, Urban Comics.

Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

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