Grandes manœuvres dans la grande distrib : quel impact sur l'emploi des cadres ?

Sylvie Laidet-Ratier

Ça tangue en ce moment dans les rayons de la grande distribution. Bousculés par les géants du e-commerce, les grands acteurs du secteur n’ont d’autres choix que de se réinventer. Notamment en se digitalisant (enfin). Une aubaine pour l’emploi des cadres.
Grandes manœuvres dans la grande distrib : quel impact sur l'emploi des cadres ?

Un marché ultra saturé

La grande distribution est en pleine mutation et c’est un euphémisme. Un premier Franprix ouvert à Paris 24h sur 24, Leclerc annonce la livraison à domicile chrono sur Paris et la région parisienne, Monoprix a conclu un partenariat avec Amazon sur les produits frais, les alliances entre centrales d’achat qui se font et se défont (aujourd’hui Casino et Auchan Retail d’un côté et Carrefour, Système U et Cora de l’autre),…

« Le territoire est à la fois saturé en termes d’offres commerciales – trop de mètres carrés – et la consommation est arrivée à un plafond », constate Yves Marin, consultant et associé au sein du cabinet de conseil Bartle. A cela s’ajoute une appétence grandissante pour le commerce en ligne. Bref, les acteurs de la grande distribution classique (donc pas les pure players du web) n’ont d’autres choix que de rationaliser encore plus leurs coûts et de se digitaliser.

Recherche des pros de l’expérience client et des datas

Cette transformation structurelle aura nécessairement un effet sur les emplois dans le secteur. En début d’année, le groupe Carrefour a annoncé la suppression de 2400 postes et la fermeture de plus de 200 magasins. Mais dans le même temps, Alexandre Bompard, le nouveau big boss de l’enseigne, compte investir trois milliards d’euros en cinq ans pour assurer la transformation numérique du groupe. « Les stratégies de développement omnicanal – en magasin, en ligne, en drive et autres nouveaux canaux à venir – vont redistribuer les cartes. Certains emplois vont disparaître au profit de nouveaux qui existent déjà ou pas encore », insiste Jean-Michel Molla, directeur du développement du cabinet de recrutement CCLD.

Les enseignes ont toutes besoin de pros du e-commerce et plus largement d’experts du digital. Elles recherchent des data scientists capables d’anticiper les ventes et les approvisionnements au plus juste et d’analyser tout type de données et des pros de l’intelligence artificielle.  Mais aussi des UX designers pour penser et concevoir des sites web (et des applis) visant à optimiser l’expérience client. « Aujourd’hui, un client qui fréquenterait plusieurs fois un même site marchand ne comprendrait pas que sa shopping list ou ses recherches ne soient pas mémorisées », illustre Stéphane Beder, associé du cabinet de recrutement Sélescope. Pour animer leurs nouveaux canaux de vente, les enseignes embauchent aussi des community managers, des web marketer, etc… « En marketing, des profils avec une forte composante digitale sont les bienvenus. Mais au delà des compétences techniques, les candidats doivent faire preuve d’agilité et penser rapidement. Le temps de la grande distribution s’est encore accéléré », ajoute-t-il.

 

Les postes de terrain ne vont pas tous disparaître mais la fonction est en mutation.

 

Des postes de managers de proximité dans les surfaces plus réduites

Pour les fonctions magasin – de taille de plus en plus réduite –, et notamment en centre-ville, les profils sont également en train d’évoluer : « Désormais, et encore plus demain, la notion de rayon est complètement différente. Il faut à tout prix coller au plus près de l’expérience client. Un article peut tout à fait se retrouver à deux endroits différents dans le même magasin. Les chefs de rayon doivent être capables de voir plus large, de comprendre leur marché, la concurrence physique mais aussi en ligne », souligne Stéphane Beder.

Le repositionnement d’enseigne comme Lidl sur un segment plus haut de gamme et plus du tout hard discount, entraîne aussi la création de postes de management intermédiaire. « Pour être toujours plus près des clients et les satisfaire, cette enseigne recrute désormais des directeurs de magasins adjoints », illustre Jean-Michel Molla de CCLD. Idem dans les enseignes bios qui investissent chaque jour un peu plus les centres ville.

On le voit, malgré la digitalisation engagée à marche forcée, les postes de terrain ne vont pas tous disparaître mais cette fonction est en mutation. « En plus d’être très proches des attentes des clients, ces managers doivent se poser davantage en coach accompagnateurs qu’en contrôleurs avec leurs équipes de millenials », conclut Jean-Michel Molla. Un changement de posture radical dans un secteur réputé (souvent à juste titre) très dur et directif.

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

Vous aimerez aussi :