Jeunes diplômés 2018 : les sciences humaines font un carton

Céline Husétowski

Les signaux sont au vert, en particulier pour les jeunes diplômés des "humanités" révèle le dernier baromètre de l’Apec. Trois experts éclairent les inégalités d’embauche, de statut et de salaire qui persistent néanmoins selon les profils.
Jeunes diplômés 2018 : les sciences humaines font un carton

Ils sont jeunes, ils sont diplômés et passeront moins de temps que leurs aînés à décrocher leur premier emploi. Les chiffres du dernier baromètre de l’Apec* l’attestent :  avec la reprise économique amorcée en 2017, les recruteurs prévoient l’embauche de 50 000 nouveaux cadres débutants en 2018.

 

Les Bac+4/5 en tête

Douze mois après avoir réussi leurs examens, 94 % des jeunes diplômés Bac+5 et plus avaient déjà occupé un premier emploi. Pour Fabien Stut, directeur exécutif du cabinet Hays, « les Bac+5 et plus ont une employabilité supérieure aux autres car l’emploi des cadres est encore plus tendu. Les entreprises sont dans l’urgence et élargissent leurs champs de recherche. Elles recrutent des profils qui ne sont pas encore opérationnels qu’elles forment en interne ».

 

Néanmoins, les jeunes diplômés Bac+3/4 profitent eux aussi de la reprise économique puisque 80 % sont en emploi 12 mois après leur diplôme. « Tous les secteurs repartent sur des recrutements massifs, précise Fabien Stut. Pour ces diplômés, il y aura plus de postes de techniciens que de managers. »

La revanche des "humanités"

Comme l’an passé, les diplômés en sciences humaines et sociales sont les plus nombreux à travailler, avec un taux d’emploi record de 88 % un an après leur arrivée sur le marché du travail. Cette filière regroupe les diplômés en sociologie, psychologie, anthropologie, histoire, géographie, philosophie et sciences de l’éducation (sauf formations menant aux carrières d’enseignant dans l’Éducation nationale).

Que les diplômés issus de filières techniques se rassurent, les recruteurs ne leur tournent pas le dos. Ils ouvrent grandes leurs portes aux diplômés en sciences et technologie (86 % de taux d’emploi à 12 mois) ainsi qu’à ceux en droit, économie et gestion (84 %). Preuve toutefois que les bons vieux réflexes ont la vie dure, le seul taux d’emploi en baisse est celui des diplômés en lettres, langues et arts (72 %) qui baisse de 5 points en un an.

Les entreprises sont dans l’urgence et élargissent leur champs de recherche. Elles recrutent des profils qui ne sont pas encore opérationnels, qu’elles forment.

Pourquoi les jeunes issus des "humanités" sont-ils devenus les chouchous des recruteurs ?  Philippe Burger, associé conseil en capital humain chez Deloitte, avance une explication : « Les entreprises ne cherchent plus des experts mais plutôt des gens capables de gérer des projets. Elles ont davantage besoin d’appréhender les dynamiques humaines et misent sur des profils plus généralistes. » De son côté, Fabien Stut constate l’attrait des entreprises pour des profils plus hybrides : « Avec la mutation vers une économie de services , il y a automatiquement une mutation des profils. Les carrières vont se faire en cinq ou six métiers. Il est nécessaire d’avoir un mode de fonctionnement et une scolarité qui permettent de pouvoir s’adapter sur des sujets différents et moins forcément techniques ».

 

CDI, statut cadre : les gagnants, les perdants

Concernant les conditions d’exercice de leur premier emploi, y-a-t-il des différences entre les diplômés ?

-       Très peu concernant le type de contrat :  50 % des Bac+3/4 sont en CDI contre 60 % des Bac+5 et plus.

-       En revanche, 10 % des jeunes diplômés Bac+3/4 décrochent un statut cadre contre 60 % parmi les jeunes diplômés bac+5 et plus.

Pour le directeur exécutif de Hays, cela s’explique par le fait qu’« il est acquis qu’un Bac+5 et plus cherchera un poste de cadre, c’est presque dans l’inconscient collectif ». Ce qui n’est pas le cas pour les diplômés Bac+3/4.

 

Des jeunes diplômées plus timorées

Autre bémol relevé dans le baromètre Apec, les inégalités entre les hommes et les femmes dès le début de carrière persistent. Ainsi comment expliquer que chez les diplômés bac+5, seules 58 % des jeunes femmes décrochent un premier poste en CDI quand 67 % de leurs collègues masculins y parviennent ? Et que 68 % de jeunes hommes obtiennent un statut de cadre contre 52 % des jeunes femmes ?

 

Ces différences sont dues à la non mixité des métiers, selon Corinne Hirsh, experte en égalité professionnelle, dirigeante d’Aequiso et co-fondatrice du Laboratoire de l’égalité. « Les femmes commencent leur vie professionnelle sur des fonctions supports moins techniques dans des secteurs qui proposent moins de CDI avec le statut cadre.  C’est le cas dans la publicité par exemple. » Autre explication selon elle, le phénomène « d’auto-censure et le sentiment d’illégitimité davantage éprouvé par les femmes. Toutes les entreprises doivent proposer dès l’embauche une politique égalitaire d’entreprise. » Pour l’expert de Deloitte, la tendance va déjà dans ce sens : « Les entreprises font plus attention qu’avant à être inclusives, observe Philippe Burger. Beaucoup de sociétés proposent par exemple une seule et même grille de rémunération pour éviter ce type de situation. »

 

>> Lire aussi : les femmes bloquées dans leur carrière par le plancher collant

 

Des salaires inégaux mais en hausse

Nouvelle plus réjouissante, les salaires augmentent légèrement par rapport à 2015. Selon Fabien Stut, « il y a de grande chance que ce phénomène perdure car la pénurie de compétences va continuer ».En moyenne, les Bac+5 et plus gagnent 30 000 € brut contre 22 000 € brut pour les Bac+3/4. Pour les jeunes diplômés passés par l’alternance, le salaire brut moyen est de 32 000 € toujours selon le baromètre de l’Apec. Ils ont d’ailleurs plus facilement accès au CDI (73% contre 61%) et 93 % des apprentis Bac +5 et plus sont en poste au bout de deux ans.

Mais le salaire n’est pas forcément leur priorité et la moitié des jeunes diplômés préfèrent un travail en adéquation avec leur projet professionnel et pour lequel ils ont un intérêt.

 

Baromètre Apec Jeunes diplômés 2018. Etude menée auprès de 505 jeunes diplômés Bac+3/4 et 1 060 jeunes diplômés Bac+5 et +, représentatifs de la population de jeunes sortant de l’enseignement supérieur.

Céline Husétowski
Céline Husétowski

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