La pression du chiffre fait mal à la santé des cadres

Elodie Buzaud

Alors que l’on parle de plus en plus du mal-être des cadres, une étude de la Dares pointe du doigt l’une de ses causes : les objectifs chiffrés, qui concernent plus d’un col blanc sur deux.

Un chiffre d’affaires à réaliser, un nombre de clients à apporter à l’entreprise, un taux de rebond à atteindre… Près de la moitié des cadres ont des objectifs chiffrés à atteindre, d’après l’enquête Sumer 2010 de la Dares dévoilée le 12 janvier 2015. Or ces derniers s’avèrent particulièrement néfastes pour la santé : ils augmentent de 56 % la probabilité de présenter un symptôme anxieux, ou dépressif.

47 983 salariés étudiés

Pour parvenir à cette conclusion, la Dares a confié à 2 400 médecins le soin d’étudier la santé de 47 983 salariés, entre janvier 2009 et avril 2010. Ceux qui avaient des objectifs chiffrés se sont plus souvent trouvés en mauvaise santé mentale (22 % présentaient des symptômes d’anxiété ou de dépression, contre 19 % de ceux qui n’en ont pas) et en mauvaise santé physique (23 % se sentent physiquement dégradés, contre 17 % en moyenne).

Des objectifs inatteignables ?

En cause : le stress, causé par la crainte de ne pas atteindre ses objectifs. Le problème, c’est qu’ils sont généralement fixés par des « directions (qui) n’ont pas une connaissance bien précise de la réalité du terrain, estime Alain Fernandez, consultant spécialiste de la mesure de la performance. Elles surfent sur un management par le stress avec des objectifs fixés pour exploiter au maximum les possibilités des individus et stimuler la compétition entre les salariés d’une même équipe ou d’équipes concurrentes. »

Une fixation des objectifs qui remonte aux années 1960

Pourtant, à l’origine, les objectifs chiffrés n’ont pas été créés pour stresser les salariés. Au contraire. « La large diffusion de l’utilisation d’objectifs personnels dans le management remonte aux années 60 avec la direction participative par les objectifs (DPPO), initiée par Peter Drucker, raconte Alain Fernandez. L’idée était alors séduisante. Le salarié participait aux choix des objectifs de performance le concernant. C’était aussi une démarche logique. Comment ajuster au mieux les ambitions de l’entreprise avec les possibilités du salarié si celui-ci ne participe pas au choix de la direction à prendre, du  but à atteindre et du rythme à suivre pour y accéder ? Pourtant la méthode est vite tombée dans les oubliettes, le management préférant conserver toutes ses prérogatives dont celles d’imposer unilatéralement des objectifs de performance. »

Des objectifs choisis par ceux chargés de les poursuivre, dans les coopératives

Une préférence qui ne semble pas prête de changer dans les grandes entreprises privées, d’après le spécialiste, mais auxquelles les coopératives sont en train de trouver une alternative. « Les objectifs y sont choisis par ceux qui sont en charge de les poursuivre et l’on parvient plus aisément à les concrétiser en accord avec les orientations de l’entreprise », se réjouit le consultant.  

Elodie Buzaud
Elodie Buzaud

Le travail et l’écologie sont mes thématiques de prédilection. En tant que journaliste indépendante, je cherche notamment à répondre aux questions que posent ces deux sujets pour mieux comprendre comment le travail, et les travailleurs, peuvent contribuer à la transition écologique.

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