
Opération capteurs
Et si le nouveau test de recrutement était en fait une analyse cérébrale. Non, vous ne rêvez pas, des chercheurs américains qui viennent de publier dans la revue Science Advances, ont bel et bien scanné le cerveau de candidats pour évaluer leur savoir-faire et leur expérience. Pour cela, ils ont attifé les cobayes d’un casque bardé de capteurs et enregistré l’activité de leur cerveau. En fonction des zones activées là haut, ils ont été capables d’analyser leurs capacités motrices. Notamment leur dextérité car il s’agissait de chirurgiens. Hum, on s’en réjouit d’avance. Mais ce type de sélection pourrait-il vous concerner demain ?
Utile pour les habilités manuelles mais pour le reste ?
Ces analyses cérébrales servent surtout à révéler le « coup de main » de professionnels, leur dextérité. Donc, si elles venaient à débarquer en France, elles concerneraient des métiers essentiellement manuels. Pour Jérémy Lamri, co-fondateur du Lab RH, l’imagerie médicale ne serait pas une science exacte. « C’est une erreur de croire que tous les cerveaux sont identiques. Certaines micro zones sont localisées à des endroits différents selon les individus, les images cérébrales seraient donc faussées », insiste-t-il.
Ce qui n’est pas accepté aujourd’hui par notre société, pourrait l’être demain.
Image, dis-moi qui est le meilleur candidat
Pour obtenir des résultats les plus fiables possibles, il faudrait également disposer d’un matériel de pointe. « Des petits équipements moins chers seraient moins précis et donc moins fiables », ajoute-t-il. Enfin pour lui, s’en remettre entièrement à une machine pour décider de recruter (ou pas) un candidat, est un moyen de se déresponsabiliser.
« La machine servirait de caution pour valider un choix. Ce n’est pas souhaitable », assure-t-il. Ce à quoi nous rétorquons que derrière toutes les batteries de tests (de personnalité, prédictifs, etc.) mais aussi l’intelligence artificielle se cachent déjà des machines. Et que visiblement, les recruteurs s’en servent allègrement. Ou rebroussent chemin.
Par exemple Amazon qui a abandonné ses recrutements via son système d’intelligence artificielle réputée sexiste. Nourrie par les précédentes données d’embauches de la firme, l’IA en a déduit qu’il fallait mieux être un homme pour bosser chez Amazon. Les femmes se voyaient ainsi flanquées de moins bonnes notes que les candidats hommes. Face à ce biais, le géant du e-commerce a jeté l’éponge.
Des questions d’éthique
Pour notre expert, en matière de recrutement, « il y une ligne rouge à ne pas franchir et l’imagerie cérébrale en est une aujourd’hui. Cela étant l’éthique est un concept mouvant. Ce qui n’est pas accepté aujourd’hui par notre société, pourrait l’être demain ». Pour lui, si un jour ce type d’outils débarquait en France, il ne devrait pas être laissé entre toutes les mains. « Plus un outil est puissant, plus il faut être formé et responsabilisé pour l’utiliser à bon escient. Peut-être qu’une certification s’imposerait », conclut-il. Bientôt des responsables RH experts en IRM ?
Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.