Le Cantal recrute en ligne pour attirer des citadins

Gilles Boulot

Envie de quitter la grande ville ? Au moins 150 CDI, dont des postes cadres, sont actuellement à pourvoir dans le Cantal via un forum emploi virtuel ouvert jusqu’au 15 décembre. En pleine pénurie de main d’œuvre, le département redouble d’efforts pour attirer des candidats. Témoignages de recruteurs.
Le Cantal recrute en ligne pour attirer des citadins

Sur le papier, le département du Cantal fait des jaloux. Pas seulement pour sa fameuse fourme mais pour son taux de chômage de 5,4 %, soit près de 4 points en deçà du chiffre national (9,1 % au 2ᵉ trimestre 2018). Sauf qu'à y regarder de plus près, la situation de certaines entreprises de ce coin d’Auvergne-Rhône-Alpes, n’est pas si rose. Pas par manque de commandes, mais à cause de leurs galères pour recruter. Les 146 000 habitants du département ne suffisent pas à combler les recrutements proposés. Cadres, agents de maitrise, employés, ouvriers : tous manquent à l’appel.

BTP, agroalimentaire et industrie

Dans le groupe Altitude par exemple, un groupe coopératif agricole et agroalimentaire qui compte 600 salariés, on cherche activement à recruter.  « Un DG, un contrôleur de gestion ainsi que des employés, et tous en CDI », énumère Valérie Brusnel, la DRH. De son côté, Cécile Viallard dirige deux entreprises de BTP du groupe Leon Grosse qui emploient 70 personnes. Elle recherche des compagnons, des chefs de chantiers et des chefs d’équipe. En vain.

Alors, les suppliques sont remontées à la chambre de commerce et d'industrie d’Aurillac. Et Bernard Villaret, le président de cette CCI, s’est attelé à la tâche en créant un Salon de l’emploi, en ligne pour la deuxième année consécutive. Ouvert jusqu’au 15 décembre, il propose environ 150 postes, dont la moitié pour des fonctions d’encadrement et de maîtrise dans les 80 boites inscrites sur le forum.

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Des candidats qui ont (parfois) l’embarras du choix

Sauf que, quelques jours après l’ouverture, le premier bilan reste mitigé. La DRH d’Altitude a reçu des CV. « J’ai mené des entretiens, très vite après la réception des candidatures ». Une rapidité qui ne s’explique pas seulement à cause du besoin urgent de main d’œuvre, mais aussi à cause de la concurrence que se livrent les entreprises locales entre elles pour dénicher les candidats qui répondent à plusieurs annonces.

Le premier employeur qui décroche son téléphone risque de gagner.

« On appelle tout de suite et pour l’entretien en face à face, on s’arrange selon l’éloignement du candidat ». Des candidats qui ont donc le choix entre plusieurs postes. La patronne de l’entreprise de BTP, quant à elle n’a pour le moment, aucune réponse. Alors, elle use d’autres moyens : « l’intérim, bien sûr, mais aussi des cabinets de recrutement, notamment parisiens. »

Du travail pour les conjoints et des loyers offerts

De son côté, Bernard Villaret s’active. « Nous avons mis en place une plateforme, avec une personne dédiée car c’est souvent le deuxième emploi pour le ou la conjointe qui coince. En plus, beaucoup de conjoints de cadres, sont également cadres ». Une vingtaine de postes pour les maris ou épouses des recrutés ont ainsi été obtenus en l’espace d’un an. De même, il se démène pour obtenir des mois de loyers gratuits lors de l’installation, avec des prises en charge par la Région, entre 3 et 6 mois selon les revenus des candidats. Cécile Viallard, elle aussi, joue parfois à l’agent immobilier de circonstance. « On se débrouille pour trouver des logements, s’il le faut ».

Exode éducative

Mais malgré ces efforts, les élus comme les chefs d’entreprises ont du mal à attirer les candidats qualifiés vers le Cantal. Et les raisons sont multiples. C’est avant tout un classique problème de formation supérieures inexistantes sur ce territoire. Sans université, ni école de commerce ou d’ingénieurs, les jeunes partent faire leurs études à Clermont-Ferrand (150 km), à Montpellier (250 km) ou en région parisienne. Et ils y restent. « Pour les revoir, il faut attendre que ces jeunes soient en couple, aient des enfants, et expriment un désir de retour au pays. Ils se souviennent alors de la qualité de vie que peut leur offrir leur région d’origine », analyse le patron de la CCI.

En plus, il y a beaucoup d’entreprises à reprendre, qui peuvent intéresser des cadres.

Du salariat à l’entrepreneuriat

Encore faut-il que ces jeunes, qui le sont moins, n’aient pas l’impression de s’engager dans une impasse de carrière en s’installant dans une vallée du Cantal, avec la crainte de ne plus pouvoir rebondir une fois arrimés à leur nouveau job. Une crainte que tous les protagonistes de l’emploi du Cantal entendent bien démentir. « Des jobs il y en a plus que des candidats, c’est extrêmement facile d’en changer », rappelle Bernard Villaret. « En plus, il y a beaucoup d’entreprises à reprendre, qui peuvent intéresser des cadres », continue Valérie Brusnel. Alors qu’est ce qui rebute les cadres qui cherchent à quitter l’Ile-de-France ou d’autres métropoles ? Pas le cadre de vie en tous cas, ni l’emplacement géographique du Cantal et de son chef-lieu Aurillac, assez proche de Montpellier, et donc de la Méditerranée et encore plus près de Clermont-Ferrand et des volcans.

Éviction numérique

Ce qui les freine, ce sont les difficultés liées à la ruralité à commencer par la fracture numérique. Certaines grandes entreprises, comme Isotoner, dont le siège se situe à Saint-Martin-Valmeroux, n’ont pas toujours un accès optimal à l’Internet. Dans certains coins du département, en dehors des agglomérations importantes, l'impossibilité d'accéder à l'Internet  exclut les possibilités de développement de l’e-commerce. Même si vingt communes du département disposent aujourd’hui de la fibre, nombre d’entre elles restent des zones blanches non couvertes par un opérateur ou grises (couvertes par un seul). Quelques-unes doivent d’ailleurs être équipées d’ici 2020. Des retards numériques, un manque de formations supérieures, un nombre d’habitants insuffisant... Malgré ces obstacles, les entreprises du département vont bien et embauchent. Du moins souhaitent-elles embaucher.

 

Salon de l’emploi virtuel dans le Cantal : de l’ingénieur d’études au community manager

Bien sûr, parmi les différentes offres proposées sur ce forum de l’emploi en ligne, beaucoup concernent le BTP, un secteur particulièrement pénurique dans le département. Mais si maçons, chefs de chantiers ou chefs d’équipe sont très recherchés, des postes d’ingénieurs sont également ouverts. Comme ce spécialiste des structures chez Batipack, une entreprise qui s’est fait connaître avec ses murs porteurs en bois. Le commerce est également à la recherche de candidats qualifiés, à l’image de ce chargé de communication pour les jardineries Florinand, ou de ce community manager pour le bijoutier Carador. Le groupe Pochet, leader des bouchons pour flacons de parfum, recherche lui aussi deux postes de techniciens pour sa filiale Qualipac à Aurillac.

Gilles Boulot
Gilles Boulot

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