Le PDG de Ucar sur M6 : stagiaire "incognito" dans sa propre boîte

Sylvie Laidet-Ratier

Vous pourrez le voir le 7 juin sur M6 en prime time. Il est le premier cobaye de l’émission "patron incognito", qui envoie un PDG en goguette faire un stage… dans sa propre boîte. Pour se faire recruter par les siens, le patron du loueur de voitures Ucar Jean-Claude Puerto a dû se faire passer pour un chômeur en difficulté, suivi par une équipe de Pôle emploi. Arnaque ou leçon de vie professionnelle ? Retour d’expérience.

Lorsque le genre documentaire s’intéresse au monde du travail, ça fait souvent des étincelles (cf. La Gueule de l’emploi). Quel était pour vous l'intérêt d'une telle émission ?

Mon objectif était de voir de mes yeux la réalité quotidienne dans l’entreprise car en tant que PDG, on a toujours un accès difficile à la vérité. Quand je me rends dans les agences, je sais bien que tout est astiqué avant mon arrivée. Je me suis donc fait passer pour Christian Lafont, chômeur en galère et j’ai reçu des ordres et des directives de mes employés. Au final, ce ne sont évidement pas les salariés qui sont remis en question, mais certains process de l’entreprise.

C’est aussi un excellent coup de pub ?

Effectivement cela peut jouer favorablement sur l’image de la société mais c’est aussi une énorme part de risque. J’ai accepté d’exposer mon entreprise sans savoir ce qu’allait voir et retenir la caméra. Si la vérité n’avait pas été belle à voir, cela aurait pu être contre productif.

N’est-ce pas perturbant de découvrir qu’au final, vous ne maîtrisez pas les métiers de vos collaborateurs ?

Chaque métier a sa part de technique. En fonction de son âge et de ses compétences, chacun a sa place dans l’entreprise. Je ne suis pas sorti complexé de l’aventure car je savais que je ne saurais pas tout faire. Mon métier est dirigeant. Ma responsabilité est de définir le cap et la stratégie de l’entreprise.

Dans le film, on vous voit bouillir devant certains véhicules qui ne sont pas encore « logotés » aux couleurs de votre marque. Une fois le tournage terminé, comment avez-vous traité ces problèmes?

Je suis revenu avec un chariot plein de situations à améliorer et j’ai fait la distribution aux personnes concernées.

Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ?

En entreprise, les process ont leurs limites. Les hommes ne sont pas des robots. Aujourd’hui, je suis encore plus convaincu que le capital humain est primordial pour avoir une entreprise performante. Il faut un minimum de process et permettre à l’engagement des salariés de s’exprimer. Les collaborateurs seront d’autant plus performants si l’on respecte leur sphère de décision. Il faut remettre l’intelligence des gens au cœur de l’entreprise.

Un exemple ?

Lors du tournage, pour être le moins reconnaissable possible, je portais un bonnet. Avant l’ouverture de l’agence, Sandrine, la femme de ménage, me demande à plusieurs reprises de retirer ce couvre-chef. De peur d’être démasqué, j’ai ignoré ses demandes. Cinq minutes avant l’ouverture au public, elle m’a mise au pied du mur : « Tu enlèves ton bonnet ou tu pars ». Nulle part dans les procédures il n’est écrit que le personnel ne doit pas porter de bonnet. C’est une question de bon sens et de respect du client : elle a pris ses responsabilités en ce sens et je l'en remercie.

Vous n’avez jamais été démasqué. A la fin de l’émission, les « formateurs » découvrent votre véritable identité. Certains ont l’air de bien vous remettre, d’autres moins. Avez-vous été surpris par leur réaction ?

En effet, j’ai été frappé de constater que la hiérarchie s’arrêtait au niveau de chaque agence. C’est effrayant de voir que pour eux, on n’existe pas vraiment. J’ai eu parfois l’impression d’être un concept virtuel. Je conseille vivement aux dirigeants de vivre cette expérience. C’est enrichissant !

Propos recueillis par Sylvie Laidet @ Cadremploi.fr

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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