Learning expeditions : quand la formation des cadres devient inspirante

Quentin Velluet

Les cadres se forment désormais en allant observer les entreprises du monde entier. Cadremploi lève le voile sur ce nouveau concept de formation qui révolutionne la façon de concevoir l’apprentissage tout au long de la vie.
Learning expeditions : quand la formation des cadres devient inspirante

C’est au tour de la formation de profiter de la philosophie prônée par l’économie du partage. Les barrières tombent, et les entreprises ne se recroquevillent plus sur elles-mêmes. À tel point qu’elles ouvrent maintenant leurs portes à d’autres, comprenant qu’il est bon d’apprendre en s’observant mutuellement, par le biais notamment des learning expeditions. Ce nouveau type de formation embarque codir et cadres en voyage à l’étranger ou chez la start-up d’à côté, afin de découvrir d’autres modèles, d’autres logiques et d’autres façons de faire.

De l’expérience à l’évidence

« Le but, c’est de prendre des claques et de voir les gens dans leur jus », résume efficacement Aymeril Hoang, directeur de l’innovation de la Société Générale. Et la plupart du temps, la claque se déroule comme suit : un groupe d’une dizaine de collaborateurs (équipe projet ou métier, codir, comex ou plusieurs managers) qui a rendez-vous avec le référent d’une organisation hôte pour vivre en live la démarche qui a motivé leur visite.

Dernièrement, Aymeril Hoang a emmené ses collègues découvrir un lieu hybride à Berlin, entre résidence d’artistes, coworking et incubateur de start-up. Leurs hôtes, un groupe d’entrepreneurs locaux, leur ont expliqué comment ils sont parvenus à créer un tel lieu. « Parfois, j’emmène des équipes sur des sujets très loin de nos préoccupations en les prévenant de ne pas être surpris s’ils se demandent ce qu’ils font là », plaisante le dirigeant de la Société Générale, certains que l’enrichissement se trouvera au rendez-vous. « Ce qui me frappe, c’est que la plupart du temps, les gens que nous emmenons connaissent déjà ce qu’ils vont découvrir. Mais cela devient plus facilement une évidence pour eux après l’avoir vécu », témoigne, Camille Kroely, directrice de la formation chez L’Oréal.

Habituellement, une visite est suivie d’un tour des locaux ou des équipes et d’un moment d’échange informel. Ces excursions dans plusieurs entreprises peuvent durer entre un et trois jours ou même une semaine. Chez Nexity par exemple, la prochaine sera organisée au cours de l’été 2017 à Lyon. 80 collaborateurs divisés en petits groupes vont visiter l’École de Management de Lyon, l’espace de coworking La Cordée, l’incubateur du Crédit Agricole, Village by CA et le Tubà, un autre incubateur spécialisé dans la smart city. Un voyage qui s’inscrit dans la transformation digitale en cours au sein du spécialiste de l’immobilier.

Infuser les strates inférieures

L’idée n’est donc pas de visiter pour visiter, il faut que chaque expérience inspire les collaborateurs. « Au cours des excursions, nous débriefons chaque matin les visites de la veille et concluons le séjour par une session de travail », explique Camille Kroely, directrice de la formation chez L’Oréal. Chez le géant de la cosmétique, les visites sont également filmées ou live-bloggées pour que l’ensemble des salariés puisse y avoir accès.

Les consultants de Fabernovel Institute, une société qui organise une soixantaine d’expéditions chaque année pour des entreprises du Cac 40, préfèrent eux aussi aller plus loin que le rapport d’étonnement pour s’assurer que le voyage sera bien suivi d’effets concrets. « À l’issue des visites, nous organisons des workshops animés par l’un de nos consultants », explique Antonin Torikian, directeur général de Fabernovel Institute. Le but ? Décider de la marche à suivre pour mettre en œuvre les changements à venir. « En ce moment, beaucoup d’entreprises voyagent pour créer des partenariats avec des laboratoires innovants ou parce qu’elles veulent réaménager leurs locaux », remarque le DG de Fabernovel Institute.

Et cela semble fonctionner. « Nous avons mis en place beaucoup de petites choses. Par exemple, des open talk où les leaders échangent directement avec les salariés, se généralisent. Les décideurs ont aussi plus le réflexe d’inclure des start-up dans le travail en développant des partenariats et en étant plus transparents auprès d’elles », remarque la dirigeant de L’Oréal. « Sur le plan managérial, certaines équipes fonctionnent un peu sur le modèle de l’entreprise libérée depuis qu’ils l’ont observé eux-mêmes », raconte Gaëlle de Froment, directrice de la communication interne de Nexity.

Le dépaysement la porte à côté

Historiquement, les learning expeditions étaient organisée dans la Silicon Valley, mais depuis, d’autres destinations ont la cote. Les pays scandinaves regorgent d’innovations sur les RH, Shanghai est un incontournable pour les nouveaux usages numériques, Hong-Kong pour le luxe ou encore Beer Sheva en Israël, pour la cyber-sécurité.

Les destinations et les endroits à visiter sont nombreux, c’est pourquoi les learning expeditions sont le plus souvent organisées par des prestataires comme le Numa ou Fabernovel qui recueillent les besoins en amont sur demande des directions d’entreprises et sélectionnent les personnes et organisations à rencontrer. Plus rarement c’est en interne que cela s’organise, via le service RH.

Pour des raisons de coûts et de logistique, les longs voyages sont le plus souvent réservés aux hauts dirigeants. Mais progressivement, les excursions s’organisent en Europe, ce qui permet aux entreprises d’ouvrir des learning expeditions plus courtes pour un public plus large. Et plus besoin de partir très loin, car Paris et son Silicon Sentier fourmille de start-up innovantes, tant sur les modèles managériaux que sur l’aspect business.

 

Le regard ethnographique

Dans l’esprit des learning expeditions, d’autres formules vont plus loin. La Coentreprise, un cabinet de conseil spécialisé dans l’anthropologie appliquée à l’entreprise, forme à l’observation ethnographique avant une immersion sur le terrain. Les collaborateurs ont donc des clés de compréhension en plus lorsqu’ils partent à la découverte d’un environnement et ont davantage d’autonomie dans le choix des organisations qu’ils rencontrent.

L’expérience va être vécue par les 48 collaborateurs de l’entreprise PASàPAS, spécialisée dans le déploiement de la solution SAP. « L’aventure débute fin juin 2017 et les 48 collaborateurs ont pour objectif de réaliser au moins deux entretiens ethnographiques chacun avant septembre 2017. Nous leur avons confectionné une liste d’interlocuteurs pertinents sur la base d’une thématique large, et c’est à eux d’organiser leurs rencontres », explique Nadège Cubertafond, consultante associée à la Coentreprise. À l’issue de l’expérience, près de 100 entretiens seront donc discutés avec un expert afin de tirer des conclusions constructives pour l’entreprise et ses salariés.

Quentin Velluet
Quentin Velluet

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