Les cadres, leur salaire et l'affabulateur

Sylvia Di Pasquale

Leur pouvoir d'achat augmente et leur rémunération aussi. De quoi faire trépigner de joie les cadres - et personnels d'encadrement - en poste. Tenez, leur salaire médian est aujourd'hui de 49 700 euros annuels, selon l'enquête de la CFE-CGC ⁽¹⁾. Il s'agit bien évidemment d'une rémunération brute et c'est bien entendu d'une médiane fictive dont il est question, puisque le grand écart des fiches de paie va de 23 000 à plus de 80 000 euros.

 

Mais tout de même, la situation s'améliore. D'après le syndicat, 63 % des salariés qui disposent du fameux statut ont obtenu une augmentation en 2006. Le meilleur score depuis 2003. Encore mieux et toujours plus : selon une autre enquête, publiée par la CFDT ⁽²⁾, on assiste dans les entreprises au grand retour des augmentations collectives. Résultat : le pouvoir d'achat des cadres a progressé de 2,1 % en 2006, contre 1,8 % en 2005.

 

Mais alors que l'on s'attendait à voir les grandes centrales offrir une tournée générale millésimée, celles-ci ont plutôt tendance à siroter une camomille en solo. Car, tant la CFDT que la CGC font de l'analyse de ces bonnes nouvelles un chef d'œuvre du renversement de situation. Une courte majorité des cadres est satisfaite de sa rémunération ? La Confédération générale des cadres titre son enquête : « 45% des personnels d'encadrement sont mécontents de leur rémunération ». Mieux, après avoir livré les bons chiffres de son étude, la CFDT les commente en ces termes : « Les cadres ne s'y retrouvent toujours pas : absence de lisibilité et d'objectivité, complexité, démotivation, exclusion. »

 

Certes, la vie de bureau n'est pas, et ne sera sans doute jamais comparable à un club de vacances dirladada. Evidemment, le stress progresse, la pression augmente et la démotivation est grande, poussant certains cadres à la dépression voire au suicide. Lutter contre ces dérives est un combat on ne peut plus vital. Mais profiter d'une amélioration générale des salaires pour les dénoncer semble aussi juste que d'accuser le nouveau gouvernement d'être responsable de l'été pourri ou de la déculottée du XV de France face à l'Argentine.

 

Sauf que s'en tenir à cette trop courte analyse serait négliger la stratégie syndicale et le sens de la négociation de nos centrales. Les chantiers qu'ils doivent entamer sont nombreux, à commencer par celui qui s'est ouvert la semaine passée sur le contrat unique, ou celui qui ne devrait pas tarder à suivre et qui concernera les régimes spéciaux de retraite. Alors, pour tenter de tirer leur épingle d'un jeu difficile, les confédérations emploient une tactique de harcèlement qui leur a parfois réussi.

 

Toute tribune, toute enquête, toute prise de parole publique doit être le vecteur de leur message. Même un sondage peut contribuer à convaincre. Même si ses résultats sont éloignés de ceux qu'elles préféreraient délivrer. Un tour de passe-passe digne d'Esope, l'antique conteur grec. C'est l'un des inventeurs de la fable, nous rappellent les historiens, qui n'ont toujours pas réussi à démêler le vrai du faux dans le récit de sa propre vie. Esope est bizarrement l'acronyme que la CFE-CGC a donné à son enquête consacrée au salaire des cadres.

 

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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