Les chocolats Godiva bousculent le machisme japonais au bureau

Gilles Boulot

Un PDG français vient de provoquer un débat national sur la façon dont la Saint Valentin est fêtée dans les entreprises japonaises. Une coup de com à la fois féministe et opportuniste.
Les chocolats Godiva bousculent le machisme japonais au bureau

Début février, Jérôme Chouchan, PDG français du chocolatier de luxe Godiva, a décidé de bousculer une tradition nippone. Excédé par la manière dont la société oblige les femmes japonaises à fêter la Saint Valentin au bureau, il s’est offert une pleine page de pub dans Nikkei, le plus grand quotidien économique japonais – majoritairement lu par des hommes – , dans laquelle il exhorte les Japonais à abandonner la pratique du « giri chocolat » ou « chocolat obligé ». Une coutume qui trouve judicieux, chaque 14 février, que les femmes japonaises offrent des chocolats à leurs patrons et collègues de sexe masculin en signe de reconnaissance.

« Japonais, arrêtez la pratique du giri chocolat », écrit le patron français le 1ᵉʳ février dernier. « La Saint Valentin est une journée au cours de laquelle les gens doivent exprimer leurs véritables sentiments, ce n'est pas une journée destinée à rendre ses relations au travail plus harmonieuses »,* explique en substance le patron français.

Une polémique chocolatière

C’est que le pays est assez éloigné de la pure célébration de l’amour à chaque 14 février. Le « giri chocolat » est plutôt ressenti comme une besogne par les millions de femmes qui s’y adonnent (80 % des salariées s’y soumettraient). Du coup, la page, évidemment rose, de Jérôme Chouchan a eu un impact qui a largement dépassé le stade chocolatier. Les éditorialistes s’en sont emparé mais aussi les premières concernées par voie de réseaux sociaux. Certains et certaines approuvent et réclament la fin d’une tradition surannée, quand d’autres font remarquer au Français qu’au Japon existe une autre tradition : celle du « white day », qui consiste, chaque 14 mars, à inverser le processus. Un mois après la Saint Valentin, ce sont les hommes qui offrent des « giri chocolats » à leurs collègues ou manager (c’est beaucoup plus rare) féminines.

Une même campagne, deux messages contradictoires

Mais d’autres polémistes ont également accusé le PDG de Godiva d’opportunisme. Vues les retombées médiatiques mondiales de sa page de pub, il est évident que le discours féministe de Jérôme Chouchan pourrait rapporter gros à Godiva ailleurs qu’au Japon. A commencer par un afflux de clientes mais aussi de candidatures de sexe féminin. Un coup de main toujours bienvenu quand il s’agit de soigner sa marque employeur.

Un opportunisme qui semble ne pas faire un pli si l'on consulte la page Facebook de Godiva Japon. On y retrouve le même visuel "Valentine's Day 2018" avec trois jeunes femmes aux lèvres en forme de cœur. Mais au dessus, l'accroche dit : « En offrir, c’est sympa »*. L’exact inverse du message féministe incitant à stopper la tradition du giri chocolat. Les affaires sont les affaires.

* Traduction : Jorn H.

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Gilles Boulot
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