Les labels halal, casher, bio, vegan ou noglu ont leurs auditeurs… et c’est un métier de sénior

Clémentine Billé

Alors que commence le jeûne du Ramadan pour les musulmans, Cadremploi a enquêté sur le métier qui labellise la nourriture halal. Mais aussi casher, vegan, bio ou Label rouge, histoire de comparer.
Les labels halal, casher, bio, vegan ou noglu ont leurs auditeurs… et c’est un métier de sénior

Face à l’explosion des demandes et, pour certains, face à la divergence des opinions sur les conditions que les produits certifiés doivent remplir, les labels alimentaires se sont multipliés. Les organismes de certification aussi. C’est désormais à chacun son label – ou plutôt ses labels – halal, casher, bio, vegan, ou autre sans gluten. Leur rôle : envoyer les contrôleurs, également appelés auditeurs, chez les producteurs, transformateurs et distributeurs. Après inspection, l’avis qu’ils laisseront permettra, ou non, d’apposer le Saint-Graal de l’étiquette sur les marchandises :  le fameux “Produit certifié”. Parce que le consommateur veut de nouveau avoir confiance en ce qu’il achète, le métier d’auditeur de labels s’est professionnalisé.

 

Un métier de terrain

Hicham Bouchama est l’un deux. Il est co-fondateur, avec son frère Faiçal, d’Halabel International. Créée en 2010, l’entreprise entendait professionnaliser le métier de contrôleur de label halal. S’il s’agit là d’une PME, la majorité des organismes certificateurs de halal sont des associations. Particularité de ce mode d’alimentation confessionnelle, ils sont rattachés, pour beaucoup, à une mosquée ou un groupement de mosquées. C’est le cas de l’association rituelle de la grande mosquée de Lyon (ARGML), qui certifie les produits de l’une des plus grandes marques distribuées : Isla Délice.

Faiçal Bouchama, également responsable du pôle France, explique : « Il faut distinguer les produits carnés, où les contrôleurs sont des techniciens, et les produits non carnés ». Pour les produits transformés, le niveau d’études obligatoire est à bac+5 : ingénieurs agronomes et biochimistes analysent et rendent compte des matières, des processus de fabrication et des modes d’interventions des agents contrôlés.

contrôler de la fourche à la fourchette

Hicham Bouchama est détenteur d’un doctorat en sciences naturelles appliquées. « Payé à la mission », il sillonne, comme la dizaine d’autres collaborateurs, les routes de France et de Belgique afin de déterminer si cette usine ou cette marque respecte les conditions pour l’obtention dudit label.

 

En perpétuelle formation

Même exigences chez Bureau Veritas dont les experts doivent aimer les déplacements : « Être auditeur, c’est quatre jours sur le terrain et un jour au bureau », lance Emmanuel Audoin. Lui est “Food Innovation Project Manager”, autrement dit responsable des nouveaux modes de consommation dans l’agroalimentaire. Il gère le planning des auditeurs au sein du groupe d’inspection et de vérification, qui s’occupe de tout type de labels, tels que le bio, la filière végétale sans pesticide, le bien-être animal, et les plus classiques type “AOP” ou “Label Rouge”.

Ici, il y a plus de 280 contrôleurs. La plupart sont des ingénieurs. Beaucoup sont spécialisés dans l’agro-alimentaire et ont suivi le parcours “Qualité et sécurité” dans leur master.

« Un auditeur couvre un voire deux départements, souligne Emmanuel Audoin. Certains partent aussi à l’étranger, principalement en Europe ». Ils enchaînent les missions, contrôlant les produits « de la fourche à la fourchette ». Soit concrètement, « jusqu’à la mise sous emballage », assure le responsable de Bureau Veritas. Par exemple, pour le sans gluten, l’un des nouveaux marchés qui concentre près de vingt contrôleurs, l’auditeur ne va pas examiner seulement les étiquettes et le contenu du produit. « Il va inspecter la maîtrise des risques de contamination croisée, c’est-à-dire que si une biscuiterie fait des gâteaux avec et sans gluten, ses chaînes de fabrication doivent être bien séparées, ou nettoyées entre chaque type de production », détaille le manager.

Entre chaque mission, « l’auditeur a un jour de ce qu’on appelle le temps administratif de bureau ». C’est là qu’il prend le temps de rédiger ses audits, et de se mettre à jour. Car, « les standards changent tout le temps, l’auditeur est en constante formation », souligne Emmanuel Audoin.

 

Pas de junior mais des recrues confirmées

Ce qui explique que les confirmés sont préférés aux juniors dans ce secteur. « Chez Bureau Veritas, nous recherchons constamment des candidats, en CDI et en CDD, mais il faut qu'il ait une expérience de terrain d’au moins cinq ans en moyenne ».

Car on ne s'improvise pas auditeur en quelques mois. La connaissance transverse des critères de certification s'acquièrent au fil des années et des secteurs audités. Un bon auditeur, même s’il est spécialisé, c’est d’abord un auditeur qui est capable d’aller sur tous les terrains : exploitation agricole, distribution, restauration, et autres usines, de l’agroalimentaire aux cosmétiques. Ensuite, parce qu’après cinq ans, les contrôleurs ne sont plus des candides de la certification. « Il ne faut pas croire sur parole les personnes que nous allons certifier, prévient Emmanuel Audoin. Un auditeur n’est pas un gendarme, mais il ne faut pas se contenter de ce qu’on va vous dire, il faut être curieux, creuser les choses, demander ‘montrez-moi, expliquez-moi’, aller toujours plus loin ».

Nous sommes le tiers de confiance.

Indépendance, impartialité, confidentialité. Le responsable de Bureau Veritas martèle les trois valeurs de l’organisme que chaque certificateur se doit de respecter. Même s’il décide de ne pas accorder le label, le certificateur ne doit pas divulguer, autrement que dans son audit, ce qu’il a pu voir et constater. « Nous sommes le tiers de confiance », insiste Emmanuel Audoin. Ce tiers qui s’immisce, entre le produit et le consommateur, pour lui garantir qu’il mangera selon ses normes.

Clémentine Billé
Clémentine Billé

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