Licenciements abusifs : vers une jurisprudence Carlos Ghosn ?

Michel Holtz

Le losange a toujours innové. En créant l'Espace en 1984, ou en permettant aux ouvriers d'être mieux rémunéré lorsqu'il sont au chômage technique, grâce à l'abandon d'une journée de RTT des cadres maison. Un accord signé en 2009. Mais voilà que Renault, l'ex-laboratoire social, pourrait créer les indemnités après un licenciement abusif, versées par le PDG lui-même, et non par l'entreprise.

L'affaire est bien évidemment liée, au vrai-faux et confus roman d'espionnage qui a secoué le constructeur ces temps-ci. Car les trois cadres licenciés demandent réparation. Elles varient selon les rumeurs et les médias entre 6 et 15 millions d'euros, soit entre 2 et 5 millions chacun. Pas rien. D'autant que les syndicats, CGT en tête expriment déjà quelque agacement sur l'origine du chèque qui leur sera signé. Pour les représentants de la Confédération, « il est inadmissible que ce soit l'entreprise et donc les salariés qui paient pour les fautes commises par leurs dirigeants ». En d'autres termes : c'est celui qui a fait la bourde qui paie. Un souhait que la direction semble avoir précédé, puisqu'elle a annoncé, par communiqué interposé, que les dirigeants concernés renonceraient à la part variable de leur rémunération cette année. La somme, rondelette, est évidemment difficile à chiffrer, et seul le boss, au moment de présenter ses excuses sur TF1 aux trois licenciés, a annoncé la couleur, en évaluant son variable annuel à 1,6 millions d'euros, faisant référence à celui qu'il a touché en 2010. Pour les autres cadres du board qui devraient sacrifiés leur pécule, dont Patrick Pelata, le numéro 2 du losange, on ignore le montant des bonus. Mais on peut raisonnablement être rassuré : si chacun rajoute son variable au pot, la somme réclamée par les avocats des cadres soupçonnés d'espionnage devrait être couverte. Et pour les fins de mois du PDG, on peut être rassuré aussi. Avec 9,2 millions de gains l'an passé (son cumul de salaire entre Nissan et Renault), Carlos Ghosn devrait éviter le surendettement personnel.

En revanche, il est des dirigeants peu scrupuleux qui devraient, quant à eux, ne pas être rassurés du tout. Si l'idée du boss du constructeur fait boule de neige, et elle semble bien faire son petit effet dans les états-majors des syndicats, ils vont devoir se montrer plus précautionneux en matière de licenciements abusifs. Au risque d'avoir, eux aussi, à mettre la main à la poche. Ce serait la responsabilité de la personne physique, et non plus de la seule personne morale qu'est l'entreprise. Vaste débat, qui vient de s'ouvrir involontairement à Billancourt.

Michel Holtz © Cadremploi.fr

Michel Holtz
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