Pas assez payés, considérés, écoutés… les cadres vont-ils se rebeller ?

Elodie Buzaud

Management, salaire, motivation… Tout va mal chez les cadres. Voici cinq chiffres, tirés de l’étude Ugict-Cgt*, soumis à l’analyse de deux sociologues du travail.

52 % des cols blancs constatent une détérioration des pratiques managériales

« Ça fait 40 ans qu’on en parle !, lâche François Dupuy, sociologue en cours de rédaction du second tome de "Lost in management". Avant, les cadres avaient un statut à part. Ils étaient très autonomes, chacun dans leur tuyau. Aujourd’hui, pour plus de rentabilité, le travail est segmenté et transversal. C’est cette organisation du travail qui les fait souffrir. » « Il y a aussi un sentiment de dégradation du statut social des cadres : je n’ai plus mon bureau, j’ai des comptes à rendre, etc. », ajoute Jean-Claude Thoenig, directeur de recherche au CNRS et auteur de "Quand les cadres se rebellent".

Plus de 50 % des cadres ne s’estiment pas assez payés

(au regard du degré d’implication, de la charge de travail, du temps de travail, des qualifications et des responsabilités)

« Normal, répond François Dupuy, avec cette nouvelle organisation du travail, les cadres sont de plus en plus nombreux. » Ils sont passés de 4,7 % de la population active en 1962 à 15 % en 2008 (Insee). « Ils se rapprochent donc de plus en plus des autres catégories de salariés sur le plan de la rémunération », explique-t-il. Son homologue relativise : « si vous demandez à n’importe quel salarié s’il est assez payé dans le climat actuel, ça m’étonnerait qu’il réponde oui… »

75 % ne se sentent pas associés aux choix stratégiques de l’entreprise

« Les rangs des cadres se sont étoffés, surtout avec la généralisation des cadres dits experts », explique François Dupuy. Or seuls les encadrants, ceux qui gèrent une équipe, sont associés aux décisions de l’entreprise ». Toutefois, Jean-Claude Thoenig s’étonne, « si être associé aux décisions constitue une source de motivation supplémentaire, ce qui est étonnant, c’est que ça devienne une source d’insatisfaction ».

52 % disent rencontrer des problèmes éthiques au travail

« Dans certains secteurs, on licencie et le sale boulot revient aux cadres de proximité, pas étonnant qu’ils rencontrent des problèmes de morale ! », réagit Jean-Claude Thoenig. Et d’ajouter : « ils ne se sentent pas du tout accompagnés par les ressources humaines, devenues une fonction opérationnelle comme les autres, lancées dans la course à la rentabilité. »

57 % ne comptent que sur eux-mêmes pour améliorer la situation

« Ça montre bien que les cadres – bien que de plus en plus syndiqués - n’ont pas encore acquis le sens de l’action collective, interprète François Dupuy. C’est pour ça qu’une révolte collective est impossible », conclut-il. Jean-Claude Thoenig partage le même avis. « Les questions que pose ce sondage ne permettent pas d’anticiper de révolte chez les cadres, dit-il. Par contre des rébellions ponctuelles, il y en a tous les jours. Des cadres qui s’opposent à des décisions spécifiques dans leur entreprise, ça arrive tout le temps, mais ce sont des actions isolées, dont on ne parle jamais », termine-t-il.

*sondage « Opinions et attentes des cadres au travail » présenté au 17ᵉ congrès Ugict-Cgt de Dijon, du 20 au 23 mai 2014.

Pour aller plus loin : Le silence des cadres ou le cri étouffé du middle management

Elodie Buzaud © Cadremploi.fr

Elodie Buzaud
Elodie Buzaud

Le travail et l’écologie sont mes thématiques de prédilection. En tant que journaliste indépendante, je cherche notamment à répondre aux questions que posent ces deux sujets pour mieux comprendre comment le travail, et les travailleurs, peuvent contribuer à la transition écologique.

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