
Le télétravail a la cote. Du moins chez nombre de salariés ravis de réduire leur temps de trajet et la fatigue associée. Mais dans le concert de louanges qui entoure cette pratique – y compris de la part du gouvernement –, on entend ces temps-ci quelques couacs.
Depuis le début de l’année, deux études décryptaient déjà le malaise des cadres face à cette tendance.
- Dans l’étude Malakoff Mederic Humanis, les managers tentaient de prévenir leur direction des problèmes que leur posaient leurs troupes en télétravail.
- Dans une autre étude, Ifop et SFL révélaient le sentiment d’isolement et de crainte d’être licencié de salariés en télétravail.
Aujourd’hui, c’est au tour de la Dares de s’alarmer des problèmes de santé mentale et physique qu’il peut poser aux télétravailleurs et en particulier aux cadres.
Les cadres télétravaillent 3 fois plus que les autres salariés
Dans un premier rapport, l’organisme se contente de dresser le constat. Selon lui, 3 % des salariés français sont des pratiquants réguliers du télétravail puisqu’ils en usent au moins une fois par semaine. Parmi cette population, 1,8 million de personnes, soit tout de même près d’un tiers, s’y livrent au moins trois jours par semaine. Mais ces chiffres concernent l’ensemble des salariés français. Or, si l’on se penche sur les pratiques des cadres, (16,9 % des actifs) les chiffres du télétravail explosent. Selon l’organisme de recherche du ministère du Travail, 11 % des cols blancs désertent l’entreprise au moins une fois par semaine, soit trois fois plus que les autres travailleurs.
Pourtant, parmi tous ces cols blancs qui travaillent à la maison au moins de temps en temps, ils ne sont qu’un quart à bénéficier d’un accord collectif de leur entreprise concernant leur situation. La grande majorité télétravaille donc de manière ponctuelle et informelle, s’épargnant tant les transports que les collègues intrusifs. Sauf que, toujours selon la Dares, cette pratique ne va pas sans embûches, tant professionnelles que personnelles.
Travail pendant le temps libre et sur-sollicitations
C’est qu’après la simple statistique, la Dares a fait paraître une autre étude intitulée « Le télétravail des cadres permet-il d’améliorer leurs conditions de travail ? ». Elle y dresse un autre tableau du télétravail, et il est plus que noir.
Selon l’organisme, les télétravailleurs passent plus de temps à leur table de travail que ceux qui sont toute la journée au bureau : 43h pour les premiers, 42h pour les seconds. La différence est infime, sauf que les télétravailleurs intensifs, ceux qui passent la majeure partie de leur temps hors les murs de leur entreprise, sont tout de même deux fois plus nombreux à dépasser les 50 heures hebdos, selon leurs déclarations. Les mêmes expliquent qu’il leur arrive de travailler le soir après 20 heures et le samedi.
Les cadres qui travaillent beaucoup à la maison sont 1,6 fois plus dérangés dans leur tâche.
Une surcharge qui n’est pas compensée par la tranquillité et la zénitude du télétravail. Et c’est une surprise. Selon l’enquête, les cadres qui travaillent beaucoup à la maison sont 1,6 fois plus dérangés dans leur tâche par des sollicitations diverses (mails ou coups de fil). Des sollicitations qui n’empêchent pas la solitude. Et les télétravailleurs s’en plaignent auprès des enquêteurs, leur expliquant qu’ils se sentent isolés par rapport à leur hiérarchie, leurs collègues et leurs collaborateurs.
Deux fois plus de risque de dépression en télétravail
Est-ce le résultat de cette solitude ? Des horaires à rallonge ? Toujours est-il que les télétravailleurs intensifs sont deux fois plus nombreux que leurs confrères en entreprise (17% contre 8%) à présenter un risque dépressif. Pas vraiment de quoi ériger le télétravail en règle du bonheur.
Et les télétravailleurs le reconnaissent bien volontiers. Selon la Dares, ils ne sont pas plus satisfaits de leur travail que les cadres restés dans les open spaces. Ils ne le sont pas moins non plus, sauf ceux qui télétravaillent régulièrement et longtemps, « comme si les avantages étaient contrebalancés par une moins bonne santé et de moins bonnes conditions de travail » explique le rapport.
Un tableau avantages/inconvénients dont il convient de tenir compte au moment des grèves des transports à venir. Une période où les rêves de télétravail ressurgiront dans trains, les RER et les métros bondés comme sur les routes et périphériques bouchés.
Qui sont les cadres télétravaileurs ?
Selon la Dares, les hommes et les femmes sont tout aussi nombreux. Ils sont majoritairement dans la force de l’âge (entre 30 et 49 ans) et sont généralement en couple, avec des enfants plus ou moins jeunes. Enfin, ils vivent plus souvent en Ile-de-France et travaillent (en CDI) pour des boîtes de plus de cinquante salariés. En ce qui concerne leur métier, et le secteur d’activités ou ils l’exercent, pas de surprise : l’hôtellerie et la restauration sont peu friandes de la pratique, et pour cause. C’est donc tout naturellement dans les autres branches que l’on retrouve ces commerciaux, informaticiens, ingénieurs, ou fonctions support qui représentent le gros du bataillon des télétravailleurs.
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