Quand des employeurs empêchent leurs salariés d’aller voir ailleurs…

Michel Holtz

Apple, Google, Intel et Adobe viennent de s’engager à verser 238 millions d’euros à 64 000 de leurs salariés américains. La raison : les dédommager suite à la découverte d’un accord passé entre ces quatre géants prévoyant de ne pas débaucher les salariés les uns des autres. Faut-il craindre ce type de pratique en France ?

[Réactualisé le 22 août 2014]

Le 14 août, l'un des actionnaires d'Apple, R. Andre Klein, a porté plainte contre la firme. Il estime que cette affaire nuit à l'image de l'entreprise et que cela mériterait dédommagement pour les actionnaires. 

Le 12 août, la juge américaine Lucy H. Koh, chargée de l’affaire, a rejeté la proposition d’Apple, Google, Intel et Adobe de verser 238 millions d’euros de dédommagement à leurs salariés. Elle a estimé, le 8 août 2014, qu’il existe « suffisamment de preuves » d’une « conspiration globale » parmi les entreprises de la Silicon Valley contre leurs propres employés et qu’elles doivent le payer cher à moins de voir leurs secrets révélés. Cette décision fait suite à la publication de mails de Steve Jobs, le fondateur d’Apple révélant « le complot pour éliminer la concurrence entre employés et faire baisser les salaires ». Par exemple, dans un mail, Jobs se plaint au PDG de Google de l’époque, Eric Schmidt, d’un recruteur de Google qui aurait contacté un ingénieur de chez Apple. Mail auquel Eric Schmidt lui aurait répondu en faisant virer le recruteur indélicat. Le préjudice est estimé à 3 milliards de dollars pour les 64 000 plaignants, d'après leurs avocats. Une somme qui sera « automatiquement triplée » affirme le New York Times, si un jury intervient dans cette affaire, prochainement portée au tribunal par Lucy H. Koh. 

 

On connaissait les ententes secrètes sur les prix, mais beaucoup moins celles de non-débauchage entre entreprises. C’est l’une d’elles qui a trouvé son épilogue judiciaro-financier le 24 mai 2014 aux États-Unis. En cause : le pacte qu’auraient signé quelques boîtes américaines pour ne pas se piquer leurs salariés respectifs. Des boîtes, ou plutôt des géants mondiaux puisqu’ Apple, Google, Intel et Adobe ont été mis en cause pour ces faits par 64 000 de leurs salariés. Et comme c’est souvent le cas outre-Atlantique, l’affaire s’est réglée à l’amiable et entre avocats. Les géants se sont engagés à verser pas moins de 238 millions d’euros (324,5 millions de dollars) de dédommagement aux plaignants. Ces derniers estimaient avoir été lésés en matière de rémunération et d’évolution de carrière. L’entente permettait de conserver les bons éléments, sans avoir à surenchérir les salaires pour les garder. Ce qui coupe quelque peu les ailes des salariés…

Une entente qui n’a pas lieu d’être chez nous

La méthode est évidemment tentante en ces temps de disette de bons développeurs hyper spécialisés en France. Et les entreprises hexagonales qui disposent de ces compétences ont bien envie de les conserver dans leur giron. « Mais on n’a pas de géant à l’américaine en France, les enjeux ne sont pas du tout les mêmes et le recours à ce type d’entente n’est pas nécessaire », affirme Régis Gramarolo, le président du Munci. Avec son syndicat qui défend les intérêts des informaticiens, il a plutôt constaté une autre forme d’entente illicite, « celle qui lie les ESN (ex SSII, ndlr) avec leurs clients, pour éviter qu’ils ne débauchent leurs salariés ». Ce type d’accord secret a d’ailleurs débouché sur la plainte d’une SSII, suite au recrutement, par la BNP, de l’un de ses collaborateurs. Une exception, puisque les entreprises de service numérique font généralement signer à leurs collaborateurs des clauses de non-sollicitation pour éviter ce genre de désagrément. Du coup, les informaticiens sont coincés : impossible d’aller travailler chez les clients. « Et lorsqu’ils s’en vont à la concurrence, ils ne voient pas leurs salaires augmenter. Car c’est au niveau des grilles de rémunération de la profession que nous soupçonnons des ententes entre les entreprises du secteur. »

Michel Holtz © Cadremploi

Michel Holtz
Michel Holtz

Vous aimerez aussi :