Quand les jeunes réinventent l’apprentissage de l'anglais

Céline Husétowski

Selon un nouveau sondage mené par Cadremploi, les jeunes cadres se déclarent plus confiants dans leur niveau d’anglais que leurs aînés. Éclairages croisés d'une recruteuse et d'une formatrice en langue.
Quand les jeunes réinventent l’apprentissage de l'anglais

Dans les années 90, il fallait absolument géolocaliser Brian dans sa cuisine quand on apprenait l’anglais. Avec l’ouverture des entreprises sur le monde et l’arrivée d’Internet, les modes d’apprentissage ont évolué. En témoignent les résultats du dernier sondage « Les cadres et l’anglais » mené par Cadremploi avec 1to1Progress*. Désormais 67 % des 25-35 ans se sentent à l’aise en anglais contre 32 % des 46-56 ans. Qu’est-ce qui a changé ?

 

L’anglais au berceau

Les jeunes ont parfaitement intégré cette langue aux compétences professionnelles basiques. « Aujourd’hui, l’anglais est un outil qu’il faut maîtriser au même titre que la bureautique, souligne Madeleine Faguy, responsable pédagogique chez Multilangues, une école de formation pour adultes. Les parents mettent leurs enfants à l’anglais de plus en plus jeunes. Ils investissent en leur payant des cours supplémentaires, des voyages linguistiques. Ils regardent aussi des films en famille sans les sous-titres ».

De plus, « l’anglais est aujourd’hui un critère éliminatoire pendant une recherche d’emploi », rappelle  Claire Romanet, directrice du cabinet de recrutement Elaee, spécialisé dans les métiers du marketing, de la communication et du digital. Message reçu parmi les moins de 25 ans : ils sont 69 % à se former de leur propre initiative alors que 31 % des 36-65 ans le font dans le cadre d’un congé de formation ou à la demande de leur hiérarchie.

Pour l’experte en recrutement, cette différence comportementale entre les générations face à l’anglais est surtout due aux modes éducatifs, culturels, mais aussi technologiques. « En France, on est bien équipé en formation continue, mais il faut sortir d’une salle de cours pour être bilingue. Beaucoup de jeunes que nous recrutons ont passé un semestre d’étude à l’étranger et veulent continuer à pratiquer ».  Parmi les 26-35 ans, ils sont 57 % à vouloir choisir une entreprise où l’on peut pratiquer l’anglais contre 43% des 56-65 ans.

 

Séries en VO

« Where is Brian ? Brian is in the kitchen. » Le sketch de Gad Elmaleh avait bien fait rire dans les années 90. A l’époque, il fallait apprendre par cœur et répéter. Depuis les méthodes ont changé et Brian peut bien rester dans sa cuisine britannique ou américaine, les jeunes sont prêts à aller à sa rencontre :  94 % des cadres de moins de 25 ans partent dans un pays anglophone.

Autre phénomène : 87 % des moins de 25 ans préfèrent regarder des films ou des séries en VO pour apprendre l’anglais contre 59 % des 46-55 ans. « Les jeunes vont visionner des séries anglophones en  streaming où il n’y a même pas de sous-titres car ils n’ont pas envie d’attendre qu’elles arrivent en France et veulent connaitre la suite. Leur compréhension orale va devenir de plus en plus intéressante mais aussi plus idiomatique », analyse Madeline Faguy de chez Multilangues.

Mais il n’est jamais trop tard pour apprendre et les plus âgés peuvent aussi s’y mettre. « Ils utilisent d’autres capacités car l’apprentissage est moins intuitif et plus académique », souligne la responsable pédagogique. Le frein différenciant est d’abord culturel : « Quand on est adulte, on n’aime pas faire des erreurs. Les Français étant très perfectionnistes, certains adultes arrêtent car ils n’arrivent pas à dépasser cette période où l’on se trompe souvent. »

 

L’anglais rassure les entreprises

Dans le sondage Cadremploi, 50 % des jeunes qui se disent confiants dans leur niveau d’anglais exercent dans le marketing. « C’est normal, il y a beaucoup d’anglicismes dans cet univers, souligne Claire Romanet. Les métiers du marketing et de la communication sont plus ouverts sur l’international et 80 % des postes exigent l’anglais ».

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Pourtant cette exigence n’est pas toujours pertinente : « De plus en plus d’employeurs demandent une bonne maîtrise de l’anglais alors qu’au quotidien, il n’y a pas d’anglais. Ça les rassure » explique Claire Romanet. D’ailleurs, seulement 38 % des cadres pensent que le niveau demandé en anglais en entretien correspond à la réalité du poste.

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En entretien, le cabinet se base sur les certifications en vigueur comme le Toefl ou le Toeic pour évaluer le niveau des candidats. Auxquels s’ajoutent souvent des tests à l’oral.  « On sait que le niveau d’anglais est bidonné sur les CV. Heureusement, nos clients ont souvent des natifs dans leur équipe qui évaluent le niveau réel du candidat lors du processus de recrutement ».

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Et Claire Romanet de rappeler une évidence trop souvent oubliée : « On a déjà vu des candidats se faire éliminer car ils ne sont pas capables de faire un email en français ». Parler anglais c’est bien, mais il faut aussi maîtriser la langue de Molière à l’oral comme à l’écrit.

 

* Sondage « Les cadres et l’anglais », 17 mai 2018, réalisé par Cadremploi en partenariat avec l’organisme de formation 1to1Progress. Questionnaire administré en ligne du 19 au 24 avril auprès de 5314 répondants inscrits sur Cadremploi, dont 56% cadres, 28% cadres supérieurs, 9% professions intermédiaires et 7% dirigeants.

Céline Husétowski
Céline Husétowski

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