Que penser de l’Ikigaï, cette nouvelle méthode pour trouver sa voie professionnelle ?

Elodie Buzaud

[Enquête] Concept philosophique emprunté au Japon, l'Ikigaï, ou "raison d'être” en japonais est de plus en plus proposé comme une méthode de développement personnel pour trouver sa "voie" professionnelle en Occident. Les livres, ateliers, coaching, tests… se multiplient. Que faut-il en penser ? Comment l’utiliser ? Qu’en attendre ? Nous avons interrogé trois coachs et un sociologue.
Que penser de l’Ikigaï, cette nouvelle méthode pour trouver sa voie professionnelle ?

La méthode Ikigaï consiste à trouver le point commun entre quatre dimensions :

  • ce que vous aimez,
  • ce pour quoi vous êtes doué,
  • ce pour quoi vous êtes payé
  • et ce dont le monde a besoin.

La réunion de ces quatre éléments constitue votre Ikigaï, ou “raison d’être” en japonais.

Le concept issu de la culture nipponne a été adapté à nos préoccupations occidentales, et surtout professionnelles. Depuis quelques années, auteurs de livres de développement personnel et coachs se sont passés le mot. Il faut dire que la méthode semble prendre en compte un élément rarement mis en avant dans les exercices de développement personnel : le monde.

Une réponse aux accusations d’égocentrisme qui pèsent sur le monde du développement personnel.

Une méthode moins nombriliste

« Trouver ce dont le monde a besoin est le plus important dans l’Ikigaï », selon Maxence Fournaux, coach pour entrepreneurs écolo. Il conseille de commencer à se poser des questions concernant cette dimension-là « pour se sentir aligné avec les grands défis de notre temps ». Comment ? « En partant de ce qui nous émeut, des sentiments d’injustice que l’on peut ressentir », explique-t-il.

Plutôt que de l’introspection en solo, les coachs insistent sur un recours aux autres. « Vous pouvez demander à vos amis le type de mission qu’ils seraient prêts à vous confier les yeux fermés », conseille, par exemple, Maïthe Quintana, fondatrice du Centre national de l’Ikigaï.

 

Une méthode plus pragmatique ?

En se posant d’abord la question de ce dont le monde a besoin, ou de ce qui est utile aux autres, l’Ikigaï permettrait de renouer avec une forme de réalité. « Si c’est utile aux autres, en général, c’est que cela rapporte de l’argent et donc, que l’on peut en faire une activité professionnelle », résume Stéphane Muyard, coach de dirigeants. De quoi sortir du nombriliste “Qui suis-je ?” en quelque sorte.

Le but de la méthode de l’Ikigaï, c’est bien sûr, de trouver de nouvelles idées, de nouvelles possibilités et de nouveaux moyens d’action. « Il faut faire entrer entre 30  et 40 % de nouvelles informations dans le cerveau par jour pour faire bouger les choses », explique Maïthe Quintana, certifiée en programmation neuro-linguistique (PNL).

 

Une manière de renouer avec d’autres façons d’être au monde ?

« On pourrait considérer que cette façon de poser la question “que puis-je offrir au monde ?” renoue dans une certaine mesure avec d’autres façons d’être au monde qui datent d’avant l’individualisme », considère Nicolas Marquis, sociologue spécialiste du développement personnel. A l’époque – des Grecs, par exemple –  « on interrogeait la qualité d’un individu à partir du fait qu’il avait trouvé, ou non, la bonne place pour respecter l’équilibre du monde. »

« Mais en réalité, cette reconnexion avec des philosophies anciennes reste, à mon sens, fort de façade, tempère Nicolas Marquis, parce que dans ces philosophies antiques, la question de la bonne place de l’individu dans le monde est définie à l’extérieur de l’individu, par l’endroit où il est né, le sang qui coule dans ses veines… et donc ce n’est pas à l’individu de s’interroger sur ce qu’il peut apporter au monde ».

Les problèmes – ne pas aimer son job, par exemple – peuvent être surmontés grâce à un découpage en étapes.

Une méthode dans l’air du temps

Pour le sociologue, la méthode de l’Ikigaï serait donc davantage une réponse aux accusations d’égocentrisme qui pèsent sur le monde du développement personnel. Une manière de mettre le développement personnel au diapason de notre époque et de ceux qui la vivent.

« Le fondement moral du développement personnel, c’est qu’aucun problème n’est insurmontable et que l’on n’est jamais dans une position où l’on est totalement coincé, explique Nicolas Marquis. Il y a cette idée que les problèmes – ne pas aimer son job, par exemple – peuvent être surmontés grâce à un découpage en étapes. » Ou, dans le cas de l’Ikigaï, en rosaces.

Elodie Buzaud
Elodie Buzaud

Le travail et l’écologie sont mes thématiques de prédilection. En tant que journaliste indépendante, je cherche notamment à répondre aux questions que posent ces deux sujets pour mieux comprendre comment le travail, et les travailleurs, peuvent contribuer à la transition écologique.

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