Comment les candidats à la présidentielle veulent changer le temps de travail des cadres

Sylvia Di Pasquale

Réduction du temps de travail ou suppression des 35 heures ? Augmentation ou baisse de l’âge de départ à la retraite ? Pour cette élection, les candidats s’écharpent encore et toujours sur ces questions en négligeant quelque peu les nouveaux enjeux des cadres. Qu’en est-il du télétravail par exemple ? Un seul candidat en parle. Et ce n’est pas forcément celui qu’on attendait sur le sujet.
Comment les candidats à la présidentielle veulent changer le temps de travail des cadres

Nathalie Arthaud

Répartir le travail entre tous

La candidate de Lutte Ouvrière veut réduire le temps de travail pour que le travail soit réparti entre tous. Elle ne donne pas de durée légale du temps de travail, l’idée c’est qu’il soit baissé jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de chômeur. Pour organiser cette répartition du temps de travail entre tous sans baisser le salaire, elle entend se servir des profits des grands groupes.

 

François Asselineau

Réaffirmation du repos dominical comme standard de la société…à quelques exceptions près

Le candidat UPR considère que « tout un chacun doit pouvoir subvenir dignement à ses besoins sans devoir travailler le dimanche ». Il ne conçoit des exceptions qu’au sein des services publics (santé, police…), des organismes culturels (bibliothèque, musée, cinéma…) et chez les petits commerçants de proximité qui eux, ne pourraient ouvrir que le matin.

Poursuivant dans cette logique, il souhaite revenir sur toutes les dérogations figurant dans la loi Macron, qui permettent de travailler le dimanche dans les commerces de détail non alimentaire, à une exception près pour les magasins situés en zone très touristiques.

 

Droit à la déconnexion

François Asselineau désire le confirmer et le sanctuariser sans préciser comment.

 

Préserver le système actuel des retraites

Avec cette mesure, le but du candidat UPR est d’inscrire l’actuel système de retraite par répartition (les cotisations actuelles de chaque actif permettent de financer les pensions des retraités) et le principe d’une retraite minimum dans la Constitution. Parallèlement, il souhaite cesser l’augmentation du nombre d’annuités (à ce jour, il faut 41 ans de cotisation pour toucher une retraite pleine). De manière générale, ses ambitions pour la retraite sont conditionnées à son souhait de quitter l’Union Européenne. Ainsi, pourra-t-il « réexaminer de façon générale et complète, la question des retraites dans un cadre dégagé des instructions européennes ».

 

Nicolas Dupont-Aignan

Rendre le télétravail accessible à tous

Le candidat de Debout la France souhaite renforcer le télétravail. Ce qui semble être une bonne chose pour les cadres étant donnée que 40 % d'entre eux en France l'ont déjà pratiqué et 65 % sont intéressés par cette nouvelle forme de travail, selon Nicolas Tannenbaum, directeur général adjoint d’Ipsos Lead. Pour répondre à cette demande Nicolas Dupont-Aignan compte mailler le territoire de plusieurs espaces d’accueil des télétravailleurs. Ils s'adressent notamment aux porteurs de projets, aux associations, et  leur propose une infrastructure adaptée avec l'accès au très haut débit, des espaces conviviaux, tranquilles et des salles de réunions pour permettre aux parents de continuer à travailler en s'occupant de leurs enfants. Ces espaces de co-working existent déjà en France et se multiplient de plus en plus. 

 

François Fillon

La fin des 35 heures au profit des négociations en entreprise

S’il souhaite mettre fin à la limite légale de 35 heures - une proposition qui ne concerne pas les 11,7 % de salariés soumis au forfait jour, dont près de la moitié de la population cadre – le candidat de la droite veut au contraire laisser aux entreprises la liberté d’entamer des négociations sur le sujet avec leurs salariés. D’après sa proposition, si une entreprise et ses salariés décident de travailler plus qu’avant – dans la limite légale de 48 heures de travail par semaine –, les salaires devront eux aussi augmenter. À défaut, les entreprises qui n’entameraient pas de négociations internes sur le sujet (par exemple, les entreprises fraîchement créées) se soumettraient à une durée de référence de 39 heures par semaine.

 

La retraite à 65 ans

Le candidat LR souhaite également augmenter l’âge de départ à la retraite à 65 ans pour notamment « contribuer à diminuer les charges pesant sur les entreprises et les salariés » et résorber le déficit des caisses de retraites. À titre d’exemple dans ce schéma, les personnes nées en 1958 devront partir en 2023, au lieu de 2020 actuellement.

 

Benoît Hamon

Organiser la réduction du temps de travail

Le candidat de la Belle Alliance Populaire ne veut pas revenir sur la durée légale du travail, qui sera maintenue à 35 heures. Mais partant du postulat que les emplois se raréfient et que 43 % des emplois en France sont menacés, il veut encourager financièrement la réduction du temps de travail sur la base du volontariat (semaine de 4 jours, temps partiel, congé sabbatique). Ainsi l’obtention d’une partie du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi des entreprises sera conditionnée à leurs efforts pour favoriser le dialogue social et aménager le temps de travail. Cette réduction du temps de travail sera aussi rendue possible grâce à la mise en place progressive du revenu universel d’existence.

Dans cette logique de réduction du temps de travail, Benoît Hamon supprimera la loi travail pour revenir sur la hiérarchie des normes. C’est à dire que le code du travail prime toujours sur les accords de branche ou d’entreprise, exceptée quand ces accords sont plus protecteurs pour les salariés.

 

Renforcer le droit à la déconnexion

Benoît Hamon veut abroger la loi travail, mais souhaite garder l’idée du droit à la déconnexion qu’il veut renforcer pour améliorer le bien-être au travail. Il veut protéger les salariés pour qui la distinction entre temps de travail et vie personnelle est rendue plus difficile par les nouvelles technologies. Mais, on ne sait pas ce que ce nouveau droit à la déconnexion aura de différent par rapport au droit à la déconnexion actuel qui oblige les entreprises de plus de 50 salariés à réguler au mieux l'usage des outils numériques et protège les salariés qui éteignent leur Smartphone le soir ou le week-end.

>> Sur ce sujet : Droit à la déconnexion : ce dispositif va-t-il mettre fin à l'hyperconnexion des cadres ?

 

Jean Lassalle

Partager le temps de travail pour « retrouver la joie de travailler »

Jean Lassalle souhaite autoriser plus généralement les échanges de temps dans les entreprises. Par exemple un cadre pourra aisément échanger ses RTT contre une augmentation de salaire. C’est notamment ce que proposait de faire la direction de Bouygues, la filiale téléphonique du groupe. Dans un article de La Croix, il est dit que « les cadres au forfait, qui disposent de 14 jours de RTT, se verront proposer de renoncer à deux jours de RTT, en contrepartie d’une augmentation de 1,5 % du salaire brut. Cette mesure est tout à fait réalisable puisque la loi El Khomri le permet : des accords sur le temps de travail doivent alors être signés par des syndicats qui valident à plus de 50 % des suffrages.

 

Vous ne serez plus obligés de partir à la retraite

Jean Lassalle prévoit de ne plus inciter au départ à la retraite une fois l’âge atteint.

 

Marine Le Pen

Rejet du travail dominical

Pas de proposition dans son programme. La candidate du FN s’était néanmoins exprimée contre, fin 2014 lors d’un entretien vidéo au Figaro où elle déclarait que « chaque jour de la vie d’un homme ne doit pas être réservé à la consommation ou à la production. Le dimanche est aussi une tradition française qui permet de s’attacher à sa famille, de se garder un peu de temps pour soi ». Elle était alors en faveur d’une autorisation d’ouverture pour les petits commerces.

 

La retraite à 60 ans

Si l’on suit le raisonnement de la candidate du Front National en ce qui concerne les retraites, on se prépare à partir plus tôt tout en ayant travaillé moins longtemps. La candidate souhaite abaisser l’âge du départ à la retraite à 60 ans. Marine Le Pen inclut également dans cette proposition, une baisse de la durée de cotisation qui passerait de 41 ans à 40 ans pour percevoir une retraite pleine, le tout, financé « par le plein emploi » comme elle l’a expliqué dans plusieurs médias. Un argument que conteste Jacques Bichot, un économiste proche du parti Les Républicains : « Il n'y a aucune corrélation entre l'âge de départ et le chômage ; la Suède par exemple à un taux de chômage inférieur à 5 % et pourtant dans ce pays la moitié de la population est encore au travail à 70 ans... », explique-t-il à BFM Business. Le programme ne fait par ailleurs aucune mention de l’évolution des pensions de retraite, qui pourraient être dans ce cas revues à la baisse.

 

Emmanuel Macron

Les RTT seront-elles remises en cause ?

Emmanuel Macron ne veut pas toucher à la durée légale du travail de 35 heures. Mais il laisse la possibilité à chaque branche professionnelle de négocier des « accords majoritaires » ou de faire un référendum d’entreprise de façon à assouplir cette durée uniforme. Dans les entreprises concernées, les RTT des cadres au forfait jour devraient mécaniquement diminuer ou augmenter. Mais Emmanuel Macron ne détaille pas cet effet. Ces jours de repos supplémentaires, que les cadres au forfait peuvent prendre en plus des cinq semaines de congés payés, compensent le fait de travailler plus de 35 heures. Selon la toute dernière étude de la Dares, les cadres à temps complet ont déclaré en moyenne la durée hebdomadaire la plus longue (42,2 heures).

 

Permettre progressivement de choisir son âge de départ en retraite

Avec Emmanuel Macron, l’âge légal du départ en retraite restera à 62 ans durant tout son quinquennat. Mais il compte mener une réforme profonde d’ici 2022 afin d’instaurer progressivement un régime de cotisation par point avec les mêmes droits par euro cotisé, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé. Les droits seront donc calculés à partir du 1er euro cotisé et non plus sur les 25 années de référence ou les 6 derniers mois. Le système par répartition où les actifs financent les retraités est préservé mais il veut fusionner les 37 régimes et faire disparaître les régimes spéciaux. Qui perd, qui gagne ? Cela dépend des situations : ceux qui étaient dans un régime spécial seront perdants ; ceux qui touchent un fixe faible avec des primes seront gagnants. Globalement, ce système permettrait aux cadres ayant une carrière accidentée d’être moins désavantagés que dans le système actuel. Ainsi, un changement de statut (indépendant, entrepreneur, commerçant, etc) en cours de carrière ne ferait pas perdre ses droits à la retraite. De plus, chacun pourra choisir son âge de départ en retraite en fonction de la pension qu’il souhaite toucher. Une application et un site Web permettront de connaître ses droits à tout moment.

 

Jean-Luc Mélenchon

Rétablir les 35 heures même pour les cadres

Jean-Luc Mélenchon veut rétablir les 35 heures, et cette mesure concerne directement les cadres non dirigeants. Ces derniers ne seront plus sous le forfait jour car celui-ci se limitera aux seuls cadres dirigeants. Cette mesure fait partie des premières que le candidat de la France Insoumise souhaite mettre en place dès son arrivée à l’Élysée. L’objectif est de partager le temps de travailler pour que tout le monde puisse avoir un emploi. Sur le long terme Jean-Luc Mélenchon veut même passer à la semaine de quatre jours pour aller vers les 32 heures pour les salariés en travail de nuit et les métiers pénibles. La proposition est-elle réaliste ? Passer à 32 heures, certes mais encore faut-il que l’économie du pays soit dynamique, pour que les entreprises puissent supporter la baisse de temps de travail, et les nouvelles embauches. Nicolas Bouzou, directeur du cabinet de conseil Asterès a déclaré dans une interview pour l’Humanité : « Si des gains de productivité importants sont réalisés dans l’économie, on peut augmenter les salaires ou diminuer le temps de travail, ou même les deux, mais de façon différenciée selon les branches ou même les entreprises et non pas de manière uniforme. » Difficile à concevoir quand on sait que le programme de Mélenchon compte augmenter les charges des entreprises (hausse des salaires et suppression des exonérations de cotisation patronales). Jacques Généreux, le conseiller économique du candidat assure pourtant dans un article pour l’Obs : « les entreprises pourront récupérer sur les volumes grâce à la croissance économique ce qu’elles perdent en marge. »

 

Retour de la retraite à 60 ans même pour les cadres ?

Les cadres pourront a priori partir à la retraite dès l’âge de 60 ans. Jean-Luc Mélenchon compte restaurer ce droit à taux plein et ramener la durée de cotisation pour une retraite complète à quarante ans. Comment le finance-t-il ? En février 2017, le candidat a détaillé lors d’une émission de 5 heures sur Youtube, le financement de son programme. Il table sur 273 milliards d’euros de dépenses, programmées sur cinq ans. 173 milliards d’euros seront des dépenses publiques nouvelles, dont 32 milliards consacrés à la réforme des retraites sur 5 ans. Un chiffrage réaliste ? L’Institut Montaigne, un think tank libéral, s’est chargé d’estimer le coût de ce retour à la retraite à 60 ans, pour les comptes de la Sécurité sociale. Comme le récapitule un article des Echos, la hausse des pensions versées atteindrait 25,8 milliards en 2020, 31,2 milliards en 2030 et 32,6 milliards en 2040. C’est loin des 32 milliards sur 5 ans chiffrés par le candidat de la France Insoumise.

 

Une sixième semaine de congé payé devrait faire plaisir au cadre

 

La fin du travail le dimanche

 

Une Sécurité Sociale professionnelle qui protège le retrait d’activité voulu

Jean-Luc Mélenchon prévoit dans son programme une sécurité sociale professionnelle pour protéger davantage les personnes souhaitant faire un retrait d’activité. Si les cadres souhaitent quitter leur travail pour faire une formation ou s’occuper de leurs enfants, ils pourraient bénéficier de cette sécurité, bien que le congé sabbatique existe déjà en entreprise mais toutes ne l’accordent pas. Cette sécurité sociale professionnelle démocratiserait cette protection à tous, peu importante l’entreprise.

 

Harmoniser les temps sociaux

Les cadres pourront adapter leur temps de travail plus facilement avec leurs collègues. Par exemple ils pourront aisément négocier leurs horaires s’ils ont besoin d’aller chercher leurs enfants à l’école ou tout simplement passer du temps avec eux. Pour ce faire Jean-Luc Mélenchon souhaite créer des bureaux du temps ayant pour mission l’évaluation de la synchronie des temps sociaux constatés (concordance entre les horaires de travail et de garde d’enfant, par exemple). Il compte aussi permettre aux travailleurs de négocier des réductions de temps de transport emploi-domicile. Enfin, il veut mettre en place une bourse d’échange d’emplois. Le candidat de la France Insoumise prévoit également d'en discuter lors d'une "grande conférence nationale sur le partage du temps de travail et l'impact du progrès technologique" et de lancer une "vaste réflexion" sur les enjeux de l'équilibre entre des différents temps sociaux (horaires de travail et de garde d'enfant, par exemple...).

 

Philippe Poutou

Passage aux 32 heures sur quatre jours

Philippe Poutou propose de passer directement aux 32 heures réparties sur 4 jours, sans perte de salaire. Puis aux 30 heures à une échéance non précisée. Une solution qui devrait «permettre à chacun d’avoir un emploi», mais aussi de «disposer d’un temps de loisir pour participer à la vie familiale et sociale», estime le NPA.

 

Retour à la retraite à 60 ans

La retraite devrait être fixée à 60 ans maximum après 37,5 annuités ou 55 ans pour les travaux pénibles. Elle correspondrait «aux meilleurs salaires» de la vie professionnelle. Le financement de cette mesure n’est pas précisé.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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