
- Pourquoi cet intérêt pour les candidats « non numérisants »
- 1/ Gamned reconvertit dans le programmatique
- 2/ Accenture reconvertit au consulting technologique
- 3/ Société Générale forme des développeurs venus d'autres secteurs via son école interne
- Les salaires 2019 des développeurs
- 4/ Wiztivi a embauché un archéologue et des ingénieurs reconvertis dans le développement
- 5/ La Bécanerie a reconverti un gestionnaire en développeur
Ce n’est plus une découverte. Depuis 5 ans environ, les besoins en recrutement du numérique deviennent exponentiels et Neila Hamadache le confirme : les entreprises peinent à recruter. Alors « elles mettent en oeuvre plusieurs dispositifs et l’un d’entre eux consiste à s’intéresser à des "non numérisants", éloignés de la technique », confirme la déléguée à la formation chez Syntec numérique, le premier syndicat patronal du secteur.
Cette pénurie de compétences entraîne logiquement une hausse de la rémunération de certains métiers comme celui de développeur, de chef de projet, ou de consultant pour éditeurs de logiciels. Il faut savoir que pour une offre d’emploi de développeur, il n’est pas rare d’avoir zéro candidat ! Et sachant qu’un salaire annuel moyen à temps complet dans le secteur du numérique atteint 50,3 K€ contre 35,1 K€ pour la moyenne nationale, l’engouement pour une éventuelle reconversion est compréhensible. D’autant que la croissance des Smacs (social, mobility, analytics, cloud, sécurité) est estimée à +14,7% en 2019.
Pourquoi cet intérêt pour les candidats « non numérisants »
Dans les entreprises IT, ces profils atypiques ne sont pas encore très présents. Mais « de plus en plus de personnes cherchent à se reconvertir dans le numérique, » confirme Neila Hamadache. Y compris chez les donneurs d’ordre comme les banques, les assurances et les grandes administrations.
D’où l’intérêt croissant pour des salariés non numérisants. Il suffit souvent d’apporter, à travers des formations techniques ciblées, des compétences spécifiques. « En 5 ans, grâce à la préparation opérationnelle à l’emploi (POE), proposée par Pôle emploi », nos entreprises ont formé plus de 15 000 personnes ».
Ce dispositif, piloté par Pôle emploi, offre l’avantage de financer 400 heures de formation. A charge pour l’entreprise d’apporter un complément. Dans le cadre d’une reconversion professionnelle, l’agence propose également une méthode non discriminante, la MRS (méthode de recrutement par simulation), très appréciée des entreprises en quête de candidats. Un service qui n’encourage pas les employeurs à parier, seuls, sur des profils atypiques. Ni à communiquer leur grille salariale, concurrence oblige.
5 entreprises qui parient avec succès sur la reconversion professionnelle
1/ Gamned reconvertit dans le programmatique
Le spécialiste du programmatique (achat et vente algorithmique d'espaces publicitaires sur le Web), comme ses concurrents, connaît une situation paradoxale. Victime de sa croissance, l’entreprise manque cruellement de compétences. « Sur le marché, il est de plus en plus difficile de recruter. Par exemple, nous avons recherché pendant six mois un expert programmatique côté marketing », illustre Farah Belabbas, directrice marketing et communication. Ses besoins sont encore plus importants sur les métiers de media trader et de key account manager. « Media trader est un nouveau métier pour lequel il est nécessaire d’avoir des notions techniques », glisse Farah Belabbas.
Ce sont des personnes qui ne viennent pas du secteur du digital
A force d’attendre les perles rares, Gamned décide, début 2018, d’agir. L’entreprise se rapproche de Pôle Emploi pour bénéficier du récent dispositif intitulé Préparation opérationnelle à l’emploi (POE). L’agence se charge alors d’identifier des demandeurs d’emploi prêts à se reconvertir en échange d’une double formation : au sein d’un organisme dédié pendant trois mois avant de rejoindre Gamned. « Ce sont des personnes qui ne viennent pas du secteur du digital. Nous avons eu des négociateurs immobiliers, un assistant marketing opérationnel, un opérateur logistique chez un grossiste, ou encore un chargé de recrutement dans un cabinet RH », raconte la directrice marketing et communication. Convaincue par cette formule, l’entreprise signe pour une deuxième année correspondant à une 4ᵉ « promotion ». La formation s’effectue au sein de Gamned et de l’organisme partenaire ATK Conseil. A l’issue des trois mois d’apprentissage, les stagiaires sont embauchés en CDI et formés en interne. « Cela nécessite une organisation de notre côté car nous mobilisons des salariés pour les former », souligne Farah Belabbas. « Nous sommes ravis et nous réfléchissons à l’ouvrir à d’autres métiers ». A date, 24 personnes ont bénéficié du POE. Un résultat satisfaisant qui devrait encore se confirmer à la rentrée avec une 5ᵉ vague prévue en septembre.
2/ Accenture reconvertit au consulting technologique
La société de conseil, qui accompagne les grandes entreprises et les administrations dans leur transformation numérique, est très concernée par le manque de consultant en ERP (SAP – Salesforce – Oracle – Workday), développeur Java, expert PLM (technologies Dassault), architecte solutions ou architecte data/cloud. Pour compléter ses équipes, l’entreprise s’est rapprochée de Pôle emploi. « C’est intéressant car leur dispositif permet de former les personnes éloignées de l’emploi sur une technologie spécifique », explique Florence Réal. Et la directrice du recrutement pour Accenture France d'encourager en particulier les candidates femmes : « Aujourd’hui, elles ont une place à prendre à l’heure de la digitalisation ». Le géant du conseil compte 10 à 15 partenariats portant sur une douzaine de personnes à chaque fois. La société travaille ensuite avec l’école Simplon pour assurer la formation avant d’intégrer en CDI ou en alternance des « reconvertis ». Parallèlement, la société mise sur une politique de formation interne très dense. « Nous proposons de former les collaborateurs à de nouveaux métiers, à leur initiative », glisse Florence Réal. Une autre forme de reconversion efficace.
Bon à savoir : selon Hays, les consultants ERP débutants peuvent gagner jusqu'à 42 000 euros et jusqu'à 65 000 euros au bout de 8 ans.
3/ Société Générale forme des développeurs venus d'autres secteurs via son école interne
Toujours plus de développeurs. La banque, dont les besoins sont exponentiels, peine à pourvoir ses postes de développeurs. Ainsi naît, en octobre 2018, la ItSchool by Société générale et Simplon, une école dédiée à la formation de développeur web pendant 21 mois, dispensée à la technopôle des Dunes, suivie d’une alternance de 18 mois au sein de l’entreprise dans l’une des directions des systèmes d’information. « La première promotion nous a permis de former 18 personnes : 12 demandeurs d’emploi et 6 salariés ayant de l’appétence pour ces métiers. Une seule personne n’a pas intégré la Société Générale », raconte Valérie Goutard, la responsable du recrutement innovant. De plus, l’entreprise incite les femmes à participer. En interne, les candidats à une reconversion ont été soumis aux mêmes tests que les demandeurs d’emploi identifiés par Pôle emploi. « Ce process nous permet de recruter les bons profils », ajoute Valérie Goutard. Avis aux intéressés, la deuxième promotion débute le 11 juin prochain.
Les salaires 2019 des développeurs
Source : étude de rémunérations Hays 2019 (salaires brut moyens France)
Développeur JAVA : 38 à 42 K€ (0-3 ans d'expérience), 42-47 K€ (3-5 ans), 47-57 K€ (5-8 ans), 50-60 K€ (>8 ans)
Développeur .NET : 36 à 41 K€ (0-3 ans d'expérience), 40-46 K€ (3-5 ans), 46-55 K€ (5-8 ans), 50-60 K€ (>8 ans)
Développeur PHP : 32 à 38 K€ (0-3 ans d'expérience), 36-43 K€ (3-5 ans), 43-52 K€ (5-8 ans), 50-60 K€ (>8 ans)
Développeur C / C++ / Qt : 35 à 40 K€ (0-3 ans d'expérience), 38-45 K€ (3-5 ans), 45-50 K€ (5-8 ans), 50-60 K€ (>8 ans)
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4/ Wiztivi a embauché un archéologue et des ingénieurs reconvertis dans le développement
Spécialisée dans les interfaces utilisateurs et des services sur télévision, mobile et tablette, la société, installée à Carquefou, enregistre une croissance de +30% par an. Elle est passée de 50 salariés en 2017 à 160 aujourd’hui. « Nous cherchons des développeurs. C’est un marché en pénurie et en plus, lorsque nous en recrutons, ils ont des exigences sur les technologies, ils sont souvent jeunes et ne restent pas longtemps », commente Xavier Michel, directeur des opérations.
Nous avions déjà embauché un archéologue
« Nous nous sommes posés des questions sur le recrutement l’an dernier. Nous travaillions alors avec une société de recrutement, Externatic, qui nous a proposé de nous tourner vers des profils atypiques mais motivés. Nous avions déjà embauché un archéologue, devenu depuis un pilier dans l’entreprise ». L’équipe de Wiztivi entre en contact avec Pôle emploi et l’Ecole centrale de Nantes en janvier 2018. « Nous avons proposé d’adapter la formation de développeur web au développement embarqué et de fournir des responsables techniques intervenants à l’Ecole », raconte Xavier Michel. Trois mois plus tard, 10 demandeurs d’emploi (ingénieur mécanicien, chimiste, etc) sont sortis de la formation pour intégrer Wiztivi. « L’expérience est très intéressante car humainement elle est différente. Les participants sont plus responsables et apportent un souffle d’air frais. » La deuxième session, comprenant 5 femmes sur 12 personnes - s’est terminée le 8 avril. Couronnée, une nouvelle fois, de succès.
5/ La Bécanerie a reconverti un gestionnaire en développeur
A force de passer des annonces sur le Web et dans les cabinets de recrutement de la région avignonnaise, Laurent Henni, co-gérant de l’entreprise spécialisée dans les pièces détachées, a décidé de franchir une étape. Et de recruter des personnes en reconversion par l’intermédiaire de Pôle emploi et de sa méthode de MRS (voir ci-dessus). C’est ainsi que Johan Sanchez, après avoir passé 10 ans dans la gestion, a répondu à une offre fin septembre 2018. « J’avais une appétence pour le web et j’avais lu un rapport de l’OCDE indiquant combien les métiers du web étaient l’avenir », explique le jeune homme. Après avoir postulé, il participe à une réunion d’information suivie d’un test « sans jamais parler de son métier initial ». Basé sur le potentiel de compétences et la motivation, le test permet aux entreprises de dénicher des recrues déterminées. Johan commence son enseignement au centre Softeam, une SSII qui a ouvert un département formation, sans savoir quelle entreprise le choisira. Laurent Henni lui propose rapidement un poste de développeur. « Je ne gagne pas forcément plus qu’avant mais c’est une opportunité. C’est une question d’envie de changer de métier pour me tourner vers de nouvelles perspectives », conclut Johan Sanchez.
