Recruteurs fouineurs : quand les profils Facebook importent plus que les CV

Quentin Velluet

Malgré ce que certains peuvent dire, de plus en plus de recruteurs cèdent à leur curiosité en "googlisant" le nom des candidats, histoire d’en savoir davantage sur leur profil. En Belgique, une nouvelle étude vient confirmer cette tendance qui existe depuis la naissance des réseaux sociaux.
Recruteurs fouineurs : quand les profils Facebook importent plus que les CV

La curiosité est un vilain défaut. Si vilain qu’il peut jouer en la défaveur d’un candidat qui néglige sa photo de profil sur Facebook. De plus en plus de recruteurs ont le réflexe de chercher sur Google le nom des candidats qu’ils souhaitent rencontrer, afin de mettre un visage sur un nom. Seulement, une étude récemment menée par Stijn Baert, jeune professeur à l’Université de Gand en Belgique, a démontré qu’une photo de profil sur Facebook peut avoir plus d’influence que celle présente sur le CV.

Pour mettre à jour les pratiques de ces recruteurs fouineurs, ce dernier a créé deux fausses candidatures dont les noms et prénoms diffèrent, mais aux caractéristiques professionnelles et personnelles identiques, et a répondu 1056 offres d’emploi. La moitié d’entre elles comportait une photo plus ou moins attractive sur le CV, et dont les noms et prénoms correspondaient à des dizaines de profil Facebook de sorte qu’on ne pouvait pas les relier à un compte en particulier. L’autre moitié n’affichait pas de photo sur le CV, mais en recherchant le nom et prénom des candidats, un seul compte Facebook apparaissait avec là encore une photo plus ou moins attirante.

« Nous avons conclu que les candidats dotés des photos de profil Facebook les plus avantageuses recevaient environ 39 % de demandes d’entretien directe et 21 % de réactions positives de plus par rapport aux candidats dotés des photographies les moins attrayantes », écrit Stijn Baert dans son étude.

Aussi prévisible qu’il soit, ce résultat démontre que les candidats disposant de photos attrayantes ont eu nettement plus de retours favorables. Mais l’enquête souligne aussi le fort impact des profils Facebook que « les recruteurs perçoivent comme étant plus fidèle à la réalité », car ils considèrent que les candidats ne sont pas conscients que leur vie en ligne est passée au crible avant un contact possible.  L’impact positif des belles photos de profil Facebook s’est révélé encore plus important quand il s’agissait de candidats qualifiés et encore un peu plus quand le recruteur était une femme.

 

En France, rien de nouveau sous le soleil

Cette confiance presqu’aveugle des recruteurs en Facebook a déjà été révélée dans l’Hexagone auparavant. Au mois d’octobre 2014, des chercheurs en économie de l’Université Paris-Sud étaient arrivés aux mêmes conclusions à partir d’une étude conduite sur la base de deux CV sans photo, aux noms à consonance française et aux caractéristiques identiques. Seule différence notable : l’un était né au Maroc et l’autre en Corrèze. Mais ces informations n’étaient visibles que sur Facebook. Aux termes de l’enquête, le candidat aux origines maghrébines a reçu 40 % de retour en moins que son jumeau Corréziens.

 

Google grand coupable ?     

On est bien loin des chartes que certains acteurs de l’emploi, comme le Medef ou le Syntec conseil en recrutement, avaient défendues entre 2010 et 2013 qui visaient à responsabiliser les recruteurs face aux infos qu’ils pouvaient trouver sur les réseaux sociaux personnels des candidats.

Le problème de l’e-réputation des candidats est toutefois à envisager au-delà des réseaux sociaux, car au départ, la porte d’entrée de notre vie 2.0 est bel et bien les moteurs de recherche.

Heureusement, les pouvoirs publics français, à l’aide de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) et des 29 CNIL européennes, ont instauré un droit au déréférencement des contenus indésirables dans les résultats de requêtes de plusieurs moteurs de recherche.

Depuis mai 2014, les internautes honteux, ont davantage de droits. Ils peuvent directement faire une demande de retrait de contenu auprès du moteur de recherche concerné et le contraindre grâce à la CNIL qui étudie si la plainte est recevable ou non.

Sans surprise, Google représente la majorité des demandes de désindexation à la CNIL en France. Celle-ci manque malgré tout de visibilité auprès du grand public qui se retrouve seul à devoir gérer ses infos en ligne, et ne s’occupe pas de sensibiliser un public spécifique comme les recruteurs.

La firme de Mountain View a tout de même effacé à ce jour près d’1,3 million d’URL au niveau européen, dont près de 260 000 en France. Mauvaise nouvelle pour les curieux qui, bientôt, n’auront peut-être plus rien à se mettre sous la dent…

*Selon les chiffres du Transparency Report de Google.

Quentin Velluet
Quentin Velluet

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