Rupture conventionnelle : quels cadres négocient les plus grosses indemnités ?

Sylvie Laidet-Ratier

Mieux informés, les cadres réussissent à toucher jusqu’à 3 fois les montants légaux. Et ceux qui recourent à un avocat obtiennent encore plus. Explications.
Rupture conventionnelle : quels cadres négocient les plus grosses indemnités ?

Une récente étude commandée par le ministère du Travail* fait le point sur les montants obtenus par les salariés lors des négociations de ruptures conventionnelles individuelles du contrat de travail. L’étude publiée ce 30 janvier par la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) analyse les données recueillies en 2015. Cadremploi a extrait les données concernant en particuliers les cadres.

La rupture conventionnelle, le « jackpot » pour les cadres

Dans les textes, l’indemnité de rupture conventionnelle est au moins équivalente à l’indemnité légale de licenciement, et le cas échéant, à l’indemnité conventionnelle si elle est plus favorable au salarié. Mais dans les faits, il y a moyen de négocier. A titre de comparaison, les ouvriers et employés payés 2 000 euros bruts par mois (avec 5 ans d’ancienneté) obtiennent les indemnités légales, point barre. Soit 2 000 euros. Tandis qu’à ce petit jeu, les cadres se montrent plus persuasifs :

 

  • La moitié des cadres émargeant à 2 950 euros bruts par mois et ayant 5 à 10 ans d’ancienneté (soit 25 % des cadres) ont obtenu des indemnités supérieures de 45 % aux indemnités légales. Soit des primes de départ comprises entre 4 277 euros et 8 555 euros.
  • Ceux avec un salaire brut mensuel compris entre 3 650 euros et 4 850 euros (et 5 ans d’ancienneté) peuvent espérer dépasser le minimum légal de 65 %. Soit percevoir entre 6 022 et 8 000 euros.
  • Enfin, pour les très hauts revenus (plus de 8600 euros/mois), la moitié des salariés obtient une indemnité de départ représentant trois fois l’indemnité légale.

« Mais attention, ces chiffres ne prennent pas en compte l’indemnité transactionnelle en général négociée en plus de la rupture conventionnelle. Un cadre avec 5 à 10 ans d’ancienneté touchant 5 000 euros par mois, peut au total obtenir 30 000 à 50 000 euros », prévient Laurent Parras, avocat en droit du travail.

>> Lire aussi : Comment demander et négocier une rupture conventionnelle ?

Une cagnotte variable selon le secteur d’activité

C’est visiblement dans le secteur des transports que les cadres peuvent toucher le gros lot. « Dans la moitié des cas, l’indemnité de licenciement est au moins 1,78 fois supérieure au minimum de référence », pointe la Dares. L’industrie, l’immobilier, l’information/communication, les activités financières ou d’assurance offrent également des marges de négociation intéressantes. A l’inverse, elles seront plus minces si vous bossez dans les secteurs de l’hébergement et de la restauration, dans le commerce, l’enseignement, la santé et l’action sociale.

Pourquoi des indemnités de rupture plus importantes pour les cadres ?

Le ministère du Travail y voit plusieurs explications.  D’abord des conventions collectives très avantageuses pour les cadres en termes de conditions de licenciement. Ainsi, « la négociation collective permet un surplus de 40 % par rapport au minimum légal pour les cadres de plus de 3 ans d’ancienneté », soulignent les auteurs de l’étude.

Deuxième explication : les employeurs sont davantage à l’initiative des ruptures conventionnelles pour les cadres que pour les ouvriers et employés. Dans ce cas, la RCI s’apparente plus à « une transaction après licenciement » voulu par l’employeur. Ce dernier est alors plus enclin à négocier avec son collaborateur cadre afin de minimiser les risques de contentieux.

Les cadres pâtissent également moins que les autres du lien de subordination avec leurs employeurs. Les auteurs de l’étude insistent également sur le fait que les cadres ont une meilleure connaissance du droit du travail. Les rendant ainsi plus prompts à oser demander. Et donc à obtenir des indemnités supra-légales.

Se faire assister peut rapporter plus gros !

A sa demande, un salarié peut être assisté par toute personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (ou issu d’une liste fournie par la Dirrecte locale) dans sa démarche de rupture conventionnelle. En 2015, seuls 5,6 % des salariés ont bénéficié d’une assistance au cours d’un entretien préalable à la rupture. Et cette assistance n’est pas neutre sur le montant des indemnités. Parmi les cadres assistés au cours d’un entretien préalable, près d’un sur deux ont reçu une indemnité au moins 50 % supérieure au minimum légal contre 33,5 % parmi les cadres non assistés.

A noter que les collaborateurs peuvent aussi se faire accompagner par un avocat. Ce dernier ne peut pas assister en direct à l’entretien mais faire du coaching en amont. « Je leur explique quoi dire ou pas. Et puis, une fois que les deux parties sont d’accord sur le principe de la rupture, je peux négocier le montant des indemnités en direct avec l’entreprise ou avec le conseil de cette dernière, ou conseiller mon client en « sous marin ». En général, on multiplie par 1,5 ou 2 le montant de départ », illustre maitre Parras. Attention, toutes les entreprises ne supportent pas de négocier avec un avocat. « Les TPE préfèrent parfois aller au contentieux », conclut-il.

>>> Save the news 

Depuis le 27 septembre 2017, l’indemnité légale de licenciement représente désormais un quart de mois de salaire par année d’ancienneté sur les 10 premières années, puis un tiers du salaire mensuel pour les suivantes.

* Etude « Quels salariés parviennent à négocier leur indemnité de rupture conventionnelle ? » - Dares Analyses N°006 – Janvier 2018

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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