
Comment un senior peut-il durer au boulot ou en retrouver un ?
Pour le savoir, l’association A compétence égale, spécialisée dans la lutte contre la discrimination à l’embauche, en a interrogé plus de 800 *. Mais elle a également posé ses questions à ceux qui sont censés les recruter : les cabinets et les entreprises. Au final, la perception de cette fameuse « séniorité », comme on l’écrirait dans un powerpoint jargonneux, est un poil différente selon que l’on soit d’un côté ou de l’autre du bureau au cours d’un entretien d’embauche.
A quel âge est-on senior au fait ?
« À 50 ans » répondent les candidats. « À 45 » répliquent les recruteurs. Nous voilà donc avec des access seniors très quadras, mais pas quinquas qui naviguent dans un flou pas très artistique. Mais le hiatus entre les uns et les autres ne se limite pas à cette différence de l’âge ou l’on est censé basculer d’un statut à l’autre. Lorsqu’A compétence égale demande aux candidats et aux recruteurs quels sont les atouts que les premiers s’auto attribuent et que les seconds leur attribuent, on est, là encore, face à des perceptions on ne peut plus différente. Pour les quinquas comme pour les pros des RH, l’expérience arrive en premier. C’est logique. En revanche, l’expertise arrive en deuxième position pour les recruteurs et à la toute dernière place pour les candidats derrière leurs qualités d’autonomie et leur capacité de recul.
Est-ce que ce décalage ne viendrait pas d’une confusion ?
Celle qui voudrait que, sous prétexte que l’on travaille depuis plus de 20 ans, et que l’on a acquis de l’expérience, on est forcément un expert de son domaine. C’est possible, mais ce n’est pas toujours le cas.
Une confusion qui conduit, peut-être, les seniors à reléguer la fameuse expertise en fin de tableau alors que les recruteurs en tiennent particulièrement compte.
Une confusion, qui peut conduire à une impasse. Lorsqu’un candidat, au moment de l’entretien, s’étend sur ses 20 années où il a travaillé ici ou là, ce n’est pas ce que veut entendre celui qui lui fait face. Mettre en avant une expertise n’est pas une déclinaison de sa vie de boulot, mais afficher le savoir-faire qui nous rend pointu ou singulier dans notre domaine. Encore faut-il l’avoir identifié.
Cette demande des recruteurs face aux seniors, l’Apec la pointait déjà, dans une autre étude publiée l’an passé. Elle affirmait que cette fameuse expertise était le critère ultime qui pouvait faire basculer leur décision en faveur de l’embauche d’un senior plutôt que d’un junior. Car elle rassure les clients d’un commercial, plus que ses cheveux gris. Car elle permet à un patron de bureau d’étude de s’appuyer sur un ingénieur même s’il a quelques rides.
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Expérimenté mais aussi « augmenté »
Si les candidats âgés ne confondent plus l’expérience et l’expertise, ils n’en seront pas sauvés pour autant, puisque d’autres hiatus subsistent, comme le temps qui leur reste à travailler, trop court pour les recruteurs, alors qu’ils savent, comme tout le monde que l’entreprise à vie est bel et bien finie. Comme le coût d’un senior qui les fait fuir aussi, alors que cette tranche d’âge est prête à faire des sacrifices financiers que d’autres en pleine ascension, ne feraient peut-être pas. Mais il leur faut démontrer finement comment leur expertise les augmente. « Je suis vieux il est vrai mais aux âmes bien nés, la valeur attend parfois le nombre des années. »
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* 2ᵉ baromètre A compétence égale « Les séniors et l’accès à l’emploi en 2018 »
@Syl_DiPasquale ©Cadremploi
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