#ShareYourPay veut instaurer la transparence des salaires : une bonne idée ?

Ingrid Falquy

Aux États-Unis, le mouvement #ShareYourPay a été lancé par Hillary Clinton. Le principe : rendre les salaires transparents pour combattre les écarts de rémunération entre hommes et femmes. Une mesure révolutionnaire ?
#ShareYourPay veut instaurer la transparence des salaires : une bonne idée ?

C’était la journée de l’égalité salariale aux États-Unis. Le 12 avril, Hillary Clinton participait à une conférence, organisée par l’américain Glassdoor, sur le thème : comment réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Le hashtag qui a accompagné l’événement : #shareyourpay. Autrement dit, partagez votre rémunération. Non pas que la candidate démocrate aux élections présidentielles veuillent pousser ses concitoyens à distribuer leurs sous. Le principe qu’elle veut mettre en place est celui d’une transparence des salaires pour tous les citoyens. « Il ne faut pas qu’un salarié ait peur d’être licencié parce qu’il a voulu se renseigner sur la rémunération de son collègue, a-t-elle expliqué. Il n’y a pas assez de transparence, ce qui fait qu’on ne sait pas exactement à quoi sont dus les écarts de salaire, surtout dans les entreprises privées. » Selon elle, instaurer la transparence permettrait d’une part aux entreprises de réaliser les inégalités qui existent en leur sein et de les rectifier rapidement. D’autre part, les femmes pourraient plus facilement s’imposer et demander justification et augmentation.

Prouver les inégalités de façon objective

Alors, la transparence, solution ultime pour lutter contre les inégalités ?  « Ce n’est pas une idée révolutionnaire, même si ça pourrait avoir un effet, estime Nina Schmidt, chargée de mission à l’Observatoire des inégalités. La transparence aurait un impact sur l’écart de salaire qui ne peut s’expliquer de façon sociale, qui est de 10 %. Alors que toute situation confondue, les inégalités s’élèvent à 27 % de différence. » L’écart de salaire qui ne peut se justifier par des raisons objectives est dû à des mécanismes psychologiques ou sociologiques. Les employeurs ont tendance à sous-payer les femmes car ils ont peur qu’elles soient moins impliquées à cause d’une vie de famille, actuelle ou future. De plus, celles-ci sont moins poussées à négocier leur salaire à l’embauche, à demander une augmentation ou à faire du zèle en acceptant des missions pour lesquelles elles ne se sentent pas qualifiées. « Actuellement, en France, il est tout à fait possible d’attaquer son employeur pour discrimination salariale du moment où on peut le prouver ». Avec la transparence, la preuve serait facile à obtenir pour les employés.

D’autres mesures indispensables

Ceci dit, reste que de nombreuses autres mesures sont réclamées par les experts de l’Observatoire des inégalités. Des mesures qui permettraient d’agir sur toutes les autres raisons qui font que les femmes ont moins de pouvoir d’achat et sont plus souvent enfermées dans des situations précaires. La part la plus importante de l’écart de salaire moyen entre les hommes et les femmes, dans  l’ensemble des pays développés, est explicable. Les femmes sont plus concernées par les mi-temps ; les hommes reçoivent plus de primes ; les femmes sont plus nombreuses dans des secteurs peu rémunérateurs comme celui des services ou ceux liés aux sciences humaines ; les hommes occupent plus de postes à responsabilités. Dans tous ces cas, des leviers existent et peuvent être mis en place, comme les congés parentaux partagés, des programmes pour l’équilibre des temps de vie ou encore des campagnes de promotion des carrières.

Un frein culturel

Toutes ces mesures qui agissent sur la vie quotidienne se développent de plus en plus dans l’Hexagone. Alors que la transparence, personne ne la réclame ici. Le problème est peut-être d’ordre culturel. En France, parler d’argent reste tabou. Un tabou qui ferait sûrement rire les Norvégiens, chez qui il suffit de se rendre au centre des impôts pour connaître le salaire de ses voisins.

Ingrid Falquy
Ingrid Falquy

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