Selon une récente étude d’Opinion Way* pour Horoquartz, les Bac + 3 et Bac +5 seraient respectivement 24 % et 27 % à vouloir devenir « slasheurs », c’est-à-dire à pratiquer plusieurs activités rémunérées en parallèle. Une tendance qui semble se confirmer aussi chez les plus jeunes : 1 jeune de la génération Z sur 2 estime que le CDI a vocation à disparaître au profit du CDD et du travail en freelance selon une récente étude de Mazars**. Dans la réalité, qu’en pensent les recruteurs ?
Des slashs virtuels mais pas toujours réels
Ils ne se cachent plus et affichent fièrement leur slash sur les réseaux professionnel. Le community manager/ consultant/ comédien ou le spécialiste UX / prof / musicien est devenu un profil comme un autre qui fait sa promotion sur les réseaux professionnels.
Mais pour Marlène Ribeiro, directrice exécutive chez Michael Page, « il faut se méfier des apparences » car tous ne sont pas des slasheurs. « Souvent les métiers séparés par des slashs ne sont pas des métiers exercés en parallèle mais uniquement des métiers possibles », décrypte-t-elle. D’ailleurs pour l’experte en recrutement, « faire plus de deux métiers devient compliqué, le risque de s’éparpiller est fort », explique-t-elle.
Le slash serait donc une marque d’ouverture d’esprit des candidats ? Pour Dominique Podesta, DRH indépendante, le mot slashing évoque plutôt « l’opportunisme ou une suite de mot clés de compétences pour être plus facilement identifiable par les recruteurs. » Ce que confirme Marlène Ribeiro : « Souvent le slash est utilisé pour ne pas se fermer de porte. Et généralement quand on leur propose un des métiers qu’ils savent faire, ils acceptent », explique-t-elle.
Souvent les métiers séparés par des slashs ne sont pas des métiers exercés en parallèle mais uniquement des métiers possibles.
Dans la pratique, les recruteurs rencontrent surtout deux populations de slasheurs. « Les jeunes en quête d’expérience ou qui veulent multiplier les expériences et les quadragénaires ou plus expérimentés qui cherchent un sens à leur métier ou qui n’arrivent pas à trouver de poste », rapporte François Gougeon, co-fondateur du cabinet de recrutement Happy too meet you.
Ce qui fait penser à Marlène Ribeiro que parfois les slasheurs subissent le système. « Surtout avec le statut d’auto entrepreneur qui a démocratisé la pratique », détaille-t-elle.
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Le slasheur : un profil instable mais attirant
Les entreprises et les slasheurs ont du mal à se comprendre. D’un côté, elles proposent des CDI alors que les slasheurs, eux, souhaitent multiplier les expériences. « Et c’est un point d’étonnement et d’inquiétude pour les entreprises qui ont peur que ces profils ne partent trop vite », explique Marlène Ribeiro.
Dans son cabinet de recrutement Happy Too Meet You, François Gougeon, qui recrute principalement des cadres dans le Grand-Ouest, partage cet avis. Il vérifie surtout la stabilité du candidat car « si mon client veut un cadre qui s’investisse 5 ou 7 ans, ça ne peut pas matcher », explique-t-il.
Certaines entreprises ont peur que ces profils ne partent trop vite
Autre point d’attention : « on ne peut pas présenter des slasheurs à des entreprises qui ont des déroulés de carrières classiques et ne vont pas les nourrir intellectuellement », explique François Gougeon. « Ces profils recherchent avant tout des entreprises apprenantes qui leur permettent d’acquérir de nouvelles compétences », ajoute-t-il.
Dominique Podesta, quant à elle, est très claire. « Si le cadre est capable de remplir la mission dans le temps qui lui est imparti, il peut faire ce qu’il souhaite de ses soirées ou weekend. Mais il ne pourra pas partir à 16 heures pour faire le DJ en province par exemple. Tous les univers de travail ne s’adaptent pas forcément au slashing », estime-t-elle.
Ce qui est sûr c’est que ces profils interrogent le recruteur. « Ce qui est positif avec ces profils de slasheur, c’est qu’il existe plusieurs angles de lecture dans leur CV. On est donc obligé de partir de quelque chose d’essentiel : ce que veut le candidat, analyse Marlène Ribeiro. Dans un certain sens, cela permet de remettre la motivation du candidat au cœur de la discussion ! conclut-elle.
Des entreprises qui s'ouvrent doucement aux slasheurs
Si tous les recruteurs interrogés se disent plutôt ouverts à ce type de profil, c’est du côté organisation des entreprises que ça bloque.
L’explication est très simple, d’après Dominique Podesta : « L'enjeu de l'entreprise est de gagner de l’argent et elle ne peut pas toujours s’adapter à ces profils qui veulent segmenter leur temps de travail. »
Même son de cloche de François Gougeon : « c’est plus compliqué de placer des slasheurs dans les entreprises qui ont une vision d’un emploi du temps classique où tout est cadré comme dans une banque par exemple, précise-t-il. Les start up ou petites entreprises sont plus ouvertes à ce type de profils. C’est dommage car, à cause du présentéisme, ces entreprises se privent de talent », ajoute-t-il.
Lui n’a pas peur des slasheurs, il en a même embauché dans son équipe. « Ils gèrent leur emploi du temps de manière autonome et tout fonctionne sur la confiance », explique-t-il.
François Gougeon pense que les slasheurs peuvent répondre à un besoin, alors il a co-crée kom&do, une entreprise qui propose des missions pour des cadres (ou assimilés) en temps partagé. « Beaucoup de petites structures ne peuvent pas se permettre d’engager un community manager à temps plein par exemple, ce qui convient au slasheur », explique-t-il.
Côté grande entreprise, les choses évoluent aussi doucement comme chez Mazars. Historiquement, il y avait des clauses de mono-activité, « c’est-à-dire que le collaborateur n’avait pas le droit d’avoir une autre activité en parallèle, explique Mathilde Le Coz, directrice recrutement et développement. En 2019 nous avons décidé de supprimer ces clauses de sécurité sur la double activité ». Ce qui signifie que Mazars va non seulement reconnaître les slasheurs mais aussi en attirer.
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* Etude réalisée en 2018 sur un échantillon de 2 253 salariés, travaillant dans une entreprise privée ou publique. Cet échantillon a été extrait d’un échantillon représentatif de salariés français. L’échantillon a été interrogé en ligne sur système CAWI (Computer Assisted Web Interview).
** Le baromètre « La Génération Z et les nouvelles formes de travail » a été réalisé auprès de 1 019 personnes, représentatives de la population française âgée de 15 à 24 ans, ainsi qu’auprès d’un échantillon de 983 personnes, représentatives de la population française âgée de 25 à 34 ans. Les interviews ont été réalisées par questionnaire autoadministré en ligne du 18 décembre 2018 au 8 janvier 2019.