Talents digitaux : jusqu'où les entreprises vont-elles pour vous recruter (et vous garder) ?

Sylvia Di Pasquale

4 recruteurs ont dévoilé leurs stratégies de recrutement sur le plateau de Cadremploi lors d'un Webinar.

Les invités

Hélène Boulet-Supau, a une riche expérience dans le choix de talents digitaux. Après avoir dirigé Sarenza durant 12 ans, elle a fondé FabWorkPlace, une plateforme dédiée au facility management.

Cécile Chopinet, est DRH de It Link (ESN de 600 collaborateurs). Elle a signé une tribune sur la mobilité des talents digitaux.

Jean Canzoneri, est CEO d’Ogury, une plateforme de marketing digital spécialisée dans le mobile. Créée en 2014 avec quelques copains, elle compte aujourd’hui 400 collaborateurs. Récemment, la « star » des CTO, Cédric Carbonne, a choisi de les rejoindre plutôt que de filer en Californie,

Vinciane Beauchene, directrice associée au BCG, éclaire les principaux résultats de l’étude BCG/Cadremploi intitulée « Decoding digital Talent ».

 

76 % des talents digitaux français souhaitent s’expatrier

L’étude BCG/Cadremploi souligne la particularité des talents digitaux : leur mobilité. Ces champions de l'expatriation se trouvent au Royaume-Uni, Canada, Inde, Brésil et en France. Les Français sont en haut du podium avec 76% de talents digitaux qui se disent « prêts à s’expatrier ».  À l’inverse, la mobilité n’attire pas vraiment en Chine, en Israël ou en Indonésie.

La France est le 7e pays le plus attractif pour ces talents, après la Suisse.

À l’échelle des villes, Paris est dans le top 10, grâce aux entreprises internationales et à la French Tech.

Serbie, Strasbourg, France, USA et Londres… Chez Ogury, le recrutement est « globalisé ». Pour Jean Canzoneri, c’est une bonne nouvelle. « Partir, ne veut pas dire revenir plus fort et cela montre une ouverture d’esprit ». L’idée selon le co-fondateur d’Ogury est de “leur donner ce qu’ils avaient à l’étranger comme le multi-culturalisme, une langue anglo-saxonne. Les entreprises doivent montrer qu’elles sont à la hauteur”. Hélène Boulet-Supau, est d’accord, ce qui compte c’est de leur donner envie de revenir. « On leur a dit qu’une expérience a l’étranger était importante avec Erasmus, etc. »

Chez It Link, on retrouve parmi les 600 salariés, 39 nationalités. « Certes, certains français veulent s’expatrier, mais il y a l’effet inverse aussi. Des étrangers s’intéressent à nos universités et entreprises, affirme Cécile Chopinet. Dans la boite, on parle français mais les collaborateurs peuvent être amenés à parler allemand, anglais ou chinois. »

 

Ce qui compte le plus pour les talents digitaux, est l’équilibre vie pro/ vie perso et le sens qu’à leur poste. « Le sens est une question de survie pour eux. Leur travail doit leur permettre de se développer ». Le digital est un univers incertain. Un programmeur peut devenir obsolète en dix-huit mois s’il ne se forme pas aux nouveaux programmes et langages.

 

Des digital natives de tous les âges…

« Dix ans plus tôt, les digital natives seniors étaient trop difficile à trouver », témoigne Helène Boulet-Supau. Pour elle, « la mixité des âges est une force ».

« Mais les entreprises traditionnelles ne vont pas se débarrasser de leurs collaborateurs et talents pas forcément digitaux… Elles vont les pousser à se reconvertir afin d’évoluer en interne » rapporte Vinciane Beauchene. Il y a une multitude de formations comme « le summer boot camp » qu’à fait Helène B.S durant trois mois afin d’apprendre à coder.

« Plus les profils sont divers plus ça créer de la valeur. » confie Vinciane Beauchene. Thibault (cf. vidéo) en passant du marketing digital à l’optique a développé une compréhension business et la relation client qu’il n'avait pas forcément."

Chez It Link, les personnes qui se reconvertissent sont accompagnées dans leur processus. « Il arrive qu’une personne ait un rêve et revienne chez nous car elle n’a pas trouvé ce qu’elle cherchait » renchérit leur DRH.

 

Des talents ou des divas ?

« C’est un cliché » répond le CEO d’Ogury. « L’humilité est une vraie qualité. On ne voit pas vraiment de talents digitaux qui ont le melon. Ils savent ce qu’ils valent et veulent savoir pourquoi ils doivent venir chez nous, connaître notre projet ». Ogury a d’ailleurs débauché la star de la tech’, Cédric Carbone. Un talent qui a su monter une des seules sociétés introduites sur NASDAQ pour plus d’un milliard. « On partageait une vision commune sur l’avenir du marketing digital et on l’a convaincu de nous rejoindre ». Pour les attirer, ces spécialistes du ciblage publicitaire mobile parlent de leur success story. « Vous allez voir une entreprise passer de 0 à 400 collaborateurs en cinq ans. Ce n’est pas courant et ça ne peut que vous apprendre des choses enrichissantes ».

 

Les cadres ne font plus carrière dans une seule société

L’expérimentation dans l’entreprise doit être de qualité pour que les talents passent le meilleur temps chez eux. C’est à la fois un moyen de les faire revenir s’ils partent pour découvrir autre chose et d’attirer d’autres talents.

La délivrance de la valeur d’un candidat va plus vite. Grâce à des sites qui notent les entreprises, les réseaux sociaux ou encore les classements, les digital natives savent où ils vont mettre le pied. Les entreprises font en sorte de leur donner les outils nécessaires pour qu’ils ne ressentent aucune complexité dans la réalisation de leurs missions.

À Ogury,  « il n’y a pas de dogme sur une technologie particulière. Les salariés peuvent tester ce qu’ils veulent» affirme le fondateur. « Ce n’est pas la hiérarchie qui va décider de la technologie et des techniques qu’il faut utiliser pour un projet ».

Dans web marketing, le « digital marketing program » donne la possibilité d’avoir trois postes différents en trois ans, explique Hélène Boulet-Supau. « Un moyen d’enrichir ses compétences pour travailler son employabilité et suivre l’évolution des technologies. » Selon elle, quand on a un collaborateur très performant, au bout d’un moment, il faut savoir le pousser à changer de poste ».

 

Questions WEBINAR :

Avons-nous réellement la liberté « administrativement » en France, de recruter des étrangers (hors UE) ?

Recruter des talents en informatique n’est pas une mince affaire. « Il faut absolument féminiser cette profession pour avoir plus de talents » répond Helene B.S. Dans ce domaine, elle recrute beaucoup de tunisiens, la barrière de la langue n’étant pas un problème. Mais pas que, elle a notamment recruté des iraniennes pour traiter la data. « Administrativement, ce n’était pas forcément simple car il faut réussir à prouver que l’entreprise n’a pas réussi à recruter intra UE. »

Comment procéder pour recruter des candidats juniors, les intégrer et les faire évoluer au sein de vos équipes malgré leur expérience limitée ?

Ils se forment eux-mêmes, amène des idées d’auto-formation et évoluent avec leur équipe. Chez It Link, des académies internes permettent d’échanger le savoir de chacun.

Former des personnes sur trois mois au digital, c’est bien mais les entreprises ont dû mal à se détacher de leur souhait de bac+5, comment faire ?

« Trois mois pour se former au digital, c’est assez léger mais il est possible de contrebalancer avec les soft skills. On peut être un très bon chef de projet, sans connaître la technicité qui se cache derrière » juge Jean Canzoneri.

En plus, des parcours scolaires pour se reconvertir, des entreprises créent des parcours en interne, peu importe l’âge.

Beaucoup de personnes très compétentes passent par l’indépendance ou par le portage salarial pour mieux gérer leurs carrières. Que vivez-vous sur le sujet ?

Dans la société de Jean Canzoneri, “on évite les free-lances pour avoir un esprit d’équipe. On essaye quand même de leur donner envie de rester le plus longtemps possible en leur donnant accès aux mêmes avantages que n’importe quel autre salarié ».

Les jeunes ne veulent plus intégrer de grosses entreprises (type SBF120), comment peut-on les attirer malgré tout ? On le voit dans le dernier témoignage qui parle d’« humain ».

Chez It Link, « les ingénieurs sont intégrés aux équipes des clients. C’est un moyen pour les jeunes diplômés de découvrir plusieurs environnements de travail. Tous les 18 mois, il est possible de changer de sociétés ».

« Les grosses entreprises ont une image de marque qui peut faire rêver. Elles essayent, dans leur grandeur, de créer des équipes à taille humaine notamment grâce à la méthode agile » rajouter Vinciane Beauchene.

Bonjour, quels types de poste sont en tension dans votre secteur en dehors des développeurs et chef de projets ?

« Les postes de data scientist sont très en tension » témoigne Jean Canzoneri. Sa société est d’ailleurs une des entreprises européennes qui traite le plus de data. Pour lui, un chef de projet n’a pas besoin de coder pour être bon dans ce qu’il fait.  La directrice associée au BCG estime qu’on peine à trouver des seniors dans des domaines qui viennent d’émerger et qui pourraient encadrer les digital natives.

Pour la DRH de It Link, ce sont les BONS commerciaux qui ne courent pas les rues.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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