Salarié actionnaire de sa boîte : où en est-on en France ?

Sylvie Laidet-Ratier

Avec environ 2 % d’actionnaires salariés, la France est plutôt une bonne élève en Europe mais ce chiffre stagne. Pour quelles raisons ? Et quel est l’intérêt pour un salarié d’être au capital de sa boîte ?
Salarié actionnaire de sa boîte : où en est-on en France ?

Demain, tous actionnaires salariés ? Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, souhaite que « à terme 100 % des salariés puissent bénéficier d’un dispositif d’intéressement ou de participation et qu’une part significative du capital des entreprises, visant les 10 % en moyenne, puissent être détenue par les salariés ». Réaliste ou utopique ?

 

Les salariés sont les premiers actionnaires du CAC40 mais pas des PME

En tout cas pour y parvenir, le chemin est encore long. En effet, la Fédération française des associations d’actionnaires salariés (FAS) estime aujourd’hui que les salariés détiennent entre 2 et 2,5 % du capital des entreprises françaises (cotées et non cotées). Soit un encours de plus de 92 milliards d’euros. Plus de 3 grandes entreprises cotées sur 4 ont ainsi ouvert leur capital à leurs collaborateurs via des plans d’actionnariat salariés collectifs. Les salariés sont ainsi le premier actionnaire du CAC40 :  avec 3,5 % de la capitalisation totale de l’indice, ils se placent devant la famille Arnault (3,2%) selon l’étude Euronext de janvier 2018.

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Fiscalité décourageante

En revanche, le retard est flagrant dans les PME. Seuls 4 % des sociétés non cotées s’inscrivent dans cette dynamique (2 % entre 20 et 49 salariés, 7 % pour les 50 et plus) souligne la société de gestion Eres. « En 15 ans, la France a perdu la moitié de ses actionnaires individuels tandis que le nombre d’actionnaires salariés n’a cessé de progresser dans ce même laps de temps pour atteindre 3,5 millions actuellement, même si ce chiffre tend à stagner depuis ces dernières années. Cette stagnation s’explique en grande partie par la hausse de la fiscalité des entreprises sur l’épargne salariale et l’actionnariat salarié au cours des deux dernières mandatures », observe Loïc Desmouceaux, président de la FAS. Les cotisations patronales appliquées à un employeur qui attribue des actions gratuites à ses collaborateurs n’ont eu de cesse de fluctuer, passant par exemple de 20 à 30 %.

 

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Entreprises et salariés, tout le monde y gagne

Et pourtant les entreprises auraient tout intérêt à mobiliser ce type d’investissement salarié. Selon l’indice Euronext FAS IAS (composé d’une trentaine de sociétés du CAC All Tradable, dont plus de 3 % du capital est détenu par les salariés et comptant au moins 25 % de salariés actionnaires), les entreprises de cet indice, engagées en faveur de l’actionnariat salarié, présentent des performances boursières largement supérieures aux autres. Le turnover y également plus limité : 7 % contre plus de 11 % dans des entreprises moins  actives en la matière. « En conservant en moyenne leur épargne salariale durant 13 ans, les actionnaires salariés sont des investisseurs de long terme et contribuent ainsi à la stabilité du capital de leur entreprise, tout en participant au renforcement de ses fonds propres », souligne Loïc Desmouceaux. 

 

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Pour les actionnaires salariés, ce type d’opération est également rentable. « Dans 78 % des cas les actionnaires salariés du SBF 120 sont sortis gagnants de leur investissement. Pour 100 euros investis, ils ont empoché entre 185 euros (sans abondement) et 674 euros si leur employeur a abondé leur investissement à hauteur de 300 %, le maximum autorisé par la loi », constate Mirela Stoeva. Dans l’enquête BDO ERES, 26 % des entreprises interrogées utilisent d’ailleurs l’actionnariat salarié pour améliorer le package de rémunération de leurs collaborateurs.

 Top 15 des entreprises « actionnaires salariés friendly »

Société

Indice boursier

% capital détenu par les salariés actionnaires en 2016

% d'actionnaires salariés en 2016

Eiffage

NEXT80

21,10%

97,0%

Bouygues

CAC40

20,20%

ND

Safran

CAC40

9,24%

ND

Vinci

CAC40

9,20%

63,4%

Essilor Intl

CAC40

8,40%

21,5%

Sopra Steria Group

NEXT80

8,00%

ND

Saint Gobain

CAC40

7,70%

47,2%

Vallourec

NEXT80

7,52%

54,0%

Tf1

NEXT80

7,30%

ND

Société Générale

CAC40

6,61%

65,8%

Air France - KLM

NEXT80

6,30%

ND

Axa

CAC40

5,81%

100,0%

Cap Gemini

CAC40

5,50%

ND

Arkema

NEXT80

5,40%

ND

Orange

CAC40

5,37%

74,2%

 

Source Eres, décembre 2017

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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