La justice vient de trancher : oui, le management agressif nuit à la santé. Le tribunal de grande instance (TGI) de Lyon vient de condamner la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes Sud (Cera), qui évaluait depuis le début de l’année ses banquiers selon la méthode du "benchmark". En clair, ces salariés étaient mis en concurrence de manière permanente, ce qui compromet « gravement » leur santé, selon les juges.
« Cette pratique, très répandue au sein des fonctions commerciales des entreprises privées, est basée sur une idée simple et a priori vertueuse : regarder ce que font les autres pour s’améliorer », résume Damien Richard, enseignant en management à l’ESC Chambéry.
Mais, dans le cas du Cera, cette pratique ne s’apparentait visiblement guère à une saine et nécessaire émulation, selon les représentants des salariés et la médecine du travail. Le syndicat Sud avait saisi la justice en mars 2011, dénonçant la « véritable terreur » et le « stress permanent » entraîné par le benchmark au sein de l’entreprise.
« Les conseillers sont comparés sur l’évolution de leur portefeuille, les uns par rapport aux autres, et non pas sur la base d’objectifs définis à l’avance. Le principe, cest : faire mieux que le premier et ne pas être deuxième. Et comme tout est remis en question chaque jour, cela crée une pression exacerbée », a expliqué à Cadremploi Jérôme Bonnard, secrétaire général de Sud Banque populaire-Caisse d’épargne. La part variable de la rémunération de chaque salarié dépend en outre directement des résultats du "benchmark".
« En réalité, ce n’est pas l’outil de benchmark qui est mauvais mais sa mise en œuvre », analyse de son côté Damien Richard. « La direction a mis en place à la Caisse d’Epargne (anciennement service public) des outils de management sans forcément former les cadres à cette nouvelle organisation, ce qui peut être générateur de risques psycho-sociaux », ajoute l’enseignant, qui n’hésite pas à parler de « syndrome France Télécom ».
Si le TGI a condamné la pratique, il n’a toutefois pas fixé d'astreinte à l’employeur. La Cera a fait appel de cette décision, la qualifiant de « particulièrement injuste et disproportionnée » et argumentant « qu'il n'y a pas de lien de causalité entre le benchmark et les risques psychosociaux ».
Nathalie Alonso © Cadremploi.fr
