Une "Silicon Valley" se crée à une heure de Paris

Elodie Buzaud

Alors que les Français se ruent en masse à Londres, où l'on trouve le plus d'opportunités d'emploi, Bristol a été identifiée comme la seconde ville qui recrute le plus de profils technologiques par le cabinet McKinsey. 17 000 nouveaux emplois y seront créés d’ici 2030, dans le secteur high-tech, créatif et digital. Reportage.

À 90 minutes de Londres en train, et une heure de Paris en avion, Bristol. Outre-manche, la ville est connue pour être la capitale du trip-hop et la ville d’origine de l’artiste de rue Banksy. Elle ne devrait pas tarder à l’être aussi pour son dynamisme économique.

Depuis 2 ans, les start-up, incubateurs, espaces de coworking et entreprises s’y multiplient dans les secteurs high-tech, digital et créatif. Ils sont encouragés par les pouvoirs publics qui fournissent des aides, et les prix de l’immobilier, bien moins élevés qu’à Londres.

Au premier étage de l’Engine Shed, lieu dédié aux start-up qui regroupe les incubateurs Webstart et SETsquared. Crédit photo © Elodie Buzaud

Le 1er incubateur de start-up high-tech d’Europe

L’incubateur de start-up SETsquared fut l’un des premiers à choisir Bristol, plutôt que Londres. Logique, puisqu’il a été créé, en partie, par les universités locales. Il est désormais le 1er incubateur de start-up d’Europe, en volume de levée de fonds, et le 2e au monde, selon l’University Business Incubator Index. Spécialisé dans les start-up high-tech (18 en ce moment), il en a déjà aidé plus de 100 en levant plus d’1,3 milliard d’euros en 2 ans. 90 % d’entre elles existent encore, ou ont été rachetées.

Une réussite qui a donné envie à d’autres. C’est ainsi que l’entrepreneur Mike Jackson s’est installé à Bristol un peu plus tard, en 2014. Il a fondé l’un des tout premiers incubateurs de start-up financé par le crowdfunding : Webstart. Il prend en charge une dizaine d’entrepreneurs débutants par session d’au moins 3 mois pour les aider à concrétiser leur projet. « Je voulais montrer qu’il n’y a pas que la Californie pour le secteur high-tech, explique Mike Jackson. Il y a aussi des choses à faire en Europe ! »

Le secteur créatif a lui aussi ses incubateurs

Grande salle du Pervasive Media Studio où travaillent les créateurs de start-up. Crédit photo © Elodie Buzaud

Dans le secteur créatif et digital, le Pervasive Media Studio fait office d’incubateur. Le lieu, financé par les pouvoirs publics, met à disposition des bureaux pour détenteurs d’idées brillantes, même s’ils n’ont pas de bagage technique. « Les artistes ne connaissent pas la technologie mais ils posent des questions déraisonnables et ont des idées qui suscitent l’innovation », nous explique-t-on.

James Wheale est l’un des 20 entrepreneurs présents au Pervasive Media Studio. Il se définit comme un poète et réside au studio pour développer sa dernière idée folle : une console de dîner, qui pourrait révolutionner notre expérience culinaire. Son idée lui a valu une bourse mais il n’avait pas le bagage scientifique nécessaire pour la développer. « Au studio, j’ai rencontré le chercheur Tim Senior, neuroscientifique. Ensemble, nous faisons des encéphalographies du cerveau (par scanner) et espérons avoir une idée plus claire de ce qui impacte la perception du goût. Cet été, nous sortirons nos premières barres chocolatées issues de ces recherches ! »

Chez Wildseed Studio, on est aussi à l’affût d’idées lumineuses, mais dans le domaine audiovisuel. Le studio offre à ceux qui en ont des bourses pour les aider à les développer. De l’animation vidéo, des films de science-fiction, des comédies, etc. Pour Miles Bullough, le co-fondateur, il s’agit d’une façon de redonner du travail aux créatifs dans la région. « Les opportunités pour trouver un emploi ici n’existent plus. La BBC employait beaucoup de créatif, explique-t-il, mais plus maintenant. »

Dans les bureaux de Wildseed Studio, en plein montage. Crédit photo © Elodie Buzaud

30 000 entreprises digitales, 118 000 employés

Le dynamisme des start-up, combiné aux salaires 10 à 20 % inférieurs à ceux pratiqués à Londres et aux loyers, moitié moins chers que dans la capitale, attire de plus grandes entreprises dans le secteur digital. Elles sont 30 000 entreprises aujourd’hui, dans la région de Bristol et de Bath. 118 000 personnes y travaillent, selon  les chiffres officiels du gouvernement (Mint). 

Les nouveaux locaux "work and play" de Somo, à Bristol. Crédit photo © Elodie Buzaud

L’agence digitale Somo (qui travaille pour Audi, Adidas, Coca Cola, Tesco, etc.) est l’une d’entre elles. Elle s’est installée à Bristol en 2014, après avoir ouvert des bureaux à Londres (en 2009), à San Francisco (en 2011), à Singapour (en 2012) et à New-York (en 2013). 20 personnes ont été recrutées pour travailler dans les nouveaux locaux, ambiance "work and play", avec la table de ping-pong au milieu de la cuisine. Et ce n'est pas fini : Somo recrute encore, pour le 2e centre de R&D qu’elle prévoit d’installer sur place.

Des opportunités pour les Français ?

Dans les 123 entreprises françaises implantées sur place

Pour savoir si le dynamisme de la région profite aux Français, il faut regarder du côté des entreprises françaises. Elles sont 123, sur les 30 000 que compte la région de Bristol et de Bath. Parmi elles : Valtech et Altran, pour les plus connues (la liste complète, fournie par les pouvoirs publics). Altran commence d’ailleurs à envoyer des Français à Bristol. « Quand je suis arrivée, il y a un an, de Toulouse, j’étais la première Française, confie Murielle Morot, aerospace business manager, aujourd’hui, on est 5. »

Dans les start-up

Dans les start-up aussi, on trouve quelques français, comme Yves Nicoue. Cet ingénieur de 46 ans travaille entre Rennes et Bristol, depuis 2 ans. Il est responsable de l’implémentation à Blu Wireless Technology, qui développe de la technologie à faible coût (pour l’heure réalisée en très petite quantité avec seulement une poignée d’équipes dans le monde). Il n’a pas hésité une seconde à venir s’installer à Bristol. « La dynamique de création et de financement des start-up n’est pas ce qu’elle était il y a 15 ans mais les opportunités sont toujours là pour de bonnes idées, explique-t-il. Et même si les opportunités ont réduit ces derniers temps, la dynamique est telle que tout repart plus vite qu’en France, où tout est bien plus fébrile, toujours. »

Elodie Buzaud
Elodie Buzaud

Le travail et l’écologie sont mes thématiques de prédilection. En tant que journaliste indépendante, je cherche notamment à répondre aux questions que posent ces deux sujets pour mieux comprendre comment le travail, et les travailleurs, peuvent contribuer à la transition écologique.

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