Y a-t-il un job idéal pour les hypersensibles empathiques ?

Céline Husétowski

Une psychiatre américaine publie un guide de survie pour les personnalités émotives, angoissées mais aussi dotées d’une pensée disruptive. Judith Orloff dissèque le fonctionnement de ces atypiques et soutient qu’ils peuvent trouver leur place en entreprise.
Y a-t-il un job idéal pour les hypersensibles empathiques ?

Ils représenteraient 20 % de la population mondiale. Ceux qu’on regroupe sous le terme d’hypersensibles ont pour caractéristique principale une hyperstimulation des 5 sens sans aucun filtre pour éviter la surcharge sensorielle. Judith Orloff, psychiatre américaine à Los Angeles, elle-même hypersensible, publie un Guide de survie des hypersensibles empathiques*

Deux spécialistes françaises des profils atypiques, Liliya Reshetnyak, co-fondatrice de la plateforme de recrutement Hipip IN**, elle-même diagnostiquée autiste Asperger, et la coach Charlotte Wils, décryptent cet ouvrage pour en tirer 3 conseils.

Trouver un métier par envie

Par nature, les hypersensibles empathiques s’épanouissent dans des secteurs qui prônent des valeurs humanistes. « Les hypersensibles excellent lorsqu’ils utilisent leur intuition et leur compassion pour contribuer au bien-être des autres, souligne Judith Orloff dans son ouvrage. Coach, infirmier, médecin, psychothérapeute, enseignant, professeur de yoga, vétérinaire sont des métiers qui répondent à leur sens de l’empathie », selon l’auteur.

En revanche, elle déconseille le commerce, la politique, l’armée, le sport professionnel, l’administration et les très grandes entreprises où les qualités des atypiques sont moins appréciées. Ces profils hypersensibles sont-ils condamnés pour autant à ne s’épanouir que dans les professions au service de l’autre ?

Pour la coach Charlotte Wils, « les hypersensibles empathiques peuvent travailler dans tous les secteurs et même dans la finance du moment qu’ils en ont envie. Mais ils doivent quand même éviter les secteurs trop bruyants ou stressants », précise-t-elle. Pour Liliya Reshetnyak qui s’est spécialisée dans le recrutement des profils atypiques (haut-potentiels, autistes, Dys, TDA) « les entreprises sont de plus en plus ouvertes aux personnalités créatives, disruptives dans leurs équipes. Les hypersensibles répondent à ce besoin car elles ont une pensée intuitive en arborescence, pourtant beaucoup de ces atypiques sont au chômage », déplore-t-elle.

Elle a donc créé la plateforme de recrutement Hipip IN, pour faire se rencontrer l’offre et la demande. Même si toutes les entreprises ne sont pas encore intéressées par ces profils, elle recrute dans tous les secteurs (RH, marketing, communication, informatique). « Actuellement, nous avons six entretiens en cours dont un ingénieur en sécurité informatique, explique-t-elle. Pour ce poste, les clients veulent quelqu’un de différent qui ne reste pas sur les rails classiques de la fiche de poste », précise-t-elle.

Et pour la recruteuse, c’est bien là la force de ces profils atypiques. « Un hypersensible empathique arrive avec bien plus que les compétences attendues sur une fiche de poste. Il apporte de la communication, de la créativité, de l’authenticité et beaucoup de positivité », précise-t-elle. Mais pour être à 100% dans leur job, ils doivent absolument trouver du sens à ce qu’ils font. « Sinon ils peuvent finir en burn-out », explique-t-elle.

Choisir un environnement professionnel bienveillant

Ces personnalités atypiques sont très sensibles à l’environnement professionnel dans lequel elles évoluent. « Elles réagissent fortement à la qualité de l’éclairage, au niveau de bruit, aux odeurs, à la circulation de l’air, la proximité avec les collègues et au manque d’intimité », explique Judith Orloff dans son guide. « Et elles ne peuvent pas être managées par n’importe qui », ajoute Liliya Reshetnyak

Et pour commencer à se sentir bien dans leur travail, ces atypiques ont besoin de se reconnaitre dans l’ADN de l’entreprise. « Trouver une entreprise qui a les mêmes valeurs que soi », conseille Judith Orloff. Pas toujours facile dans la réalité.

Pour la recruteuse Liliya Reshetnyak, « les entreprises ne respectent pas toujours les valeurs qu’elles affichent. Il faut demander à visiter les locaux pour se projeter et surtout bien connaître ses propres valeurs et besoins pour aller vers les bons environnements professionnels, conseille-t-elle. Et c’est rare de trouver l’entreprise idéale tout de suite », précise-t-elle. La coach Charlotte Wils conseille plutôt de « choisir une entreprise en fonction de son dirigeant qui va donner la couleur de la société ». Mais peut-on vraiment visiter les locaux et choisir un dirigeant sur une image qu’on se fait de lui ? Ne vaut-il pas mieux dire qu’on a une personnalité hypersensible en entretien pour avoir toutes les chances de trouver la bonne entreprise ?

Pour Charlotte Wils « ça dépend de son ressenti au moment du recrutement, mais ce n’est pas une obligation car il n’y a pas de règle. »  « Et si on atterrit dans un open-space, il existe toujours des outils comme la PNL, la sieste ou la médiation », rassure la coach.

Eviter les personnes toxiques

Le challenge des personnes hypersensibles est aussi de trouver un environnement de travail amical où règne l’entraide car « elles supportent mal le bruit, les conflits et les jeux de coulisses et de pouvoir », analyse Judith Orloff dans son livre. Une personnalité incompatible quand on occupe un poste de cadre ou manager ?

Les personnes hypersensibles ne sont pas pour autant peureuses ou introverties. « Dans leur relationnel, elles sont très sociables et très à l’écoute de leurs collègues, ce qui est une force, explique la coach. Les managers hypersensibles sont d’ailleurs d’excellents managers. Ils sont précis, perfectionnistes et vraiment à l’écoute de leur équipes », explique-t-elle. « Il faut juste qu’ils assument leurs choix, précise Liliya Reshetnyak. Et cela peut être compliqué pour un manager empathique car il ne veut pas blesser ses collaborateurs ».

La force de ces profils peut aussi être leur faiblesse. « Ils veulent plaire à tout le monde et donne beaucoup d’attention aux autres », explique Charlotte Wils. Et souvent, sans se rendre compte, ils attirent les vampires énergétiques », avertit la coach. « C’est à dire les narcissiques, les enragés, les victimes, les moulins à paroles qui vont se nourrir de leur empathie », selon la définition de Judith Orloff.

Dans tous les cas pour entretenir de bonnes relations avec ces hypersensibles, mieux vaut les accepter comme ils sont. « Ces personnes font beaucoup d’efforts pour être comme tout le monde, et pour travailler avec elles, il faut apprendre à désamorcer leur ressenti et leur peur de l’autre », conseille la coach.

 

*Le guide de survie des hypersensibles empathiques, Editions Leduc.S Pratiques.
** La plateforme est en cours d’élaboration mais des tests de personnalité sont disponibles gratuitement
ici

 

Céline Husétowski
Céline Husétowski

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