
- 55% des femmes sont inactives pour des raisons familiales vs 7% des hommes
- 7,8% des Françaises sont au chômage vs 8% des hommes
- 31,3% : c’est l’écart de rémunération entre les femmes qui ont 3 enfants et+ et les hommes. Cet écart « tombe » à 7% quand il n’y a pas d’enfant.
- 16% c’est l’écart de patrimoine entre les femmes et les hommes
- 57% des femmes cadres suivent une formation continue vs 62% des hommes
- 33% c’est la part des femmes dans le senior management dans le monde. Vs le solde pour les hommes
- 10% : c’est la part de femmes CEO au sein d’entreprises cotées en France
- 60% des femmes pratiquant le télétravail ont le sentiment d’être exclues des réunions
- Au boulot, on coupe 2,6 fois plus souvent la parole à une femme qu’à un homme
- 40% des hommes estiment que la lutte anti sexiste va trop loin
Elles témoignent dans cet article :
Marie Donzel, directrice associée experte en innovation sociale chez AlterNego et Clémentine Buisson, consultante senior, les autrices du rapport Égalité professionnelle AlterNego 2023
55% des femmes sont inactives pour des raisons familiales vs 7% des hommes

Le ton est donné ! Les femmes (en âge de travailler) qui ne bossent pas sont dans cette situation car c’est à elles que revient le rôle de mère, de mère au foyer.
NB : attention, les femmes ׅ“inactives” ne représentent que 12,9% des femmes en âge de travailler.
7,8% des Françaises sont au chômage vs 8% des hommes
Pas de quoi se réjouir, ni pour les uns ni pour les autres. Mais à y regarder de plus près, le chiffre de 7.8% de Françaises au chômage nécessite d’être pondéré.
« D’abord les femmes sont trois plus nombreuses à sortir du marché du travail quand elles ont une trajectoire précaire. Il y a donc une sorte de chômage féminin non comptabilisé dans les chiffres officiels de l’emploi », soulignent Marie Donzel directrice associée experte en innovation sociale chez AlterNego et Clémentine Buisson, consultante senior, les autrices du rapport.
Et puis, parlons indemnisation. Les allocations chômage des femmes sont inférieures de plus de 28% à celles des hommes. En cause, la durée de leur cotisation (merci les CDD et autres temps partiels essentiellement féminins) et leur niveau de rémunération (plus faible que celui des hommes) qui servent à calculer le montant des allocations de retour à l’emploi.
31,3% : c’est l’écart de rémunération entre les femmes qui ont 3 enfants et+ et les hommes. Cet écart « tombe » à 7% quand il n’y a pas d’enfant.
Selon l’Apec, à poste et compétences équivalents, cet écart pour les cadres « tombe » à 7,1 % en défaveur des cadres. Mais ce qu’il y a d’intéressant dans le rapport d’AlterNego c’est qu’il pointe du doigt le poids des enfants dans le blocage des évolutions de salaires des femmes.
« Si on s’intéresse à la part des stéréotypes autour de la parentalité, on peut noter un effet miroir de “mommy penalty” et de “daddy bonus”, préviennent d’emblée les autrices du rapport. » D’abord pour les femmes, il y a la présomption de maternité. Qu’elles veuillent ou non des enfants, qu’elles en aient au final ou pas, on leur prête d’emblée cette intention. Et donc les employeurs anticipent leur absence. Un biais scandaleux ? Oui, on est bien d’accord.
« Quant au “daddy bonus”, il bénéficie aux pères, en particulier s’ils ont beaucoup d’enfants. En effet on observe que la rémunération des hommes qui ont une famille nombreuse est globalement supérieure à celles du reste de la population. Des études font l’hypothèse de l’influence très forte du modèle traditionnel, selon lequel les pères doivent mener la barque de leur foyer, et donc correctement gagner leur vie, ce qui pousserait les employeurs à donner plus de responsabilités aux jeunes pères, augmentant ainsi leurs revenus. Il ne faut pas non plus négliger le poids du préjugé implicite associé à l’idée de gestion « en bon père de famille », qui présuppose qu’un bon chef de famille sera un bon chef d’équipe, un bon chef d’entreprise, un homme qui a le sens des responsabilités ! », concluent-elles.
Ben voyons !
16% c’est l’écart de patrimoine entre les femmes et les hommes
Elles investissent moins que les hommes, délèguent plus facilement la gestion de leurs placements à leur conjoint, etc… Bref, les femmes, notamment en cas de séparation, se retrouvent avec moins d’argent et moins de biens immobiliers que leur conjoint.
« Dans les couples hétérosexuels, malgré des différences de revenus, les femmes continuent, la plupart du temps, à contribuer de moitié aux dépenses du foyer. Une plus grande part de leur revenu est donc consacrée aux dépenses par rapport à leur conjoint. On assiste donc à une répartition égalitaire, et non pas équitable, des dépenses qui appauvrit les femmes. Néanmoins, ce sont plus souvent les hommes qui contribuent à l’achat de biens durables et notamment aux achats de logement ou de voiture. Ces investissements peuvent donc être valorisés économiquement notamment au moment d’un divorce ou d’une séparation. Les femmes, elles, contribuent d’avantage aux dépenses courantes (cantine des enfants, vêtements, courses alimentaires…) et consacrent une moindre partie de leurs revenus à la constitution d’un patrimoine individuel (par le biais de l’épargne ou l’achat de biens durables) », observent les autrices.
57% des femmes cadres suivent une formation continue vs 62% des hommes
Cet écart de 5 points s’explique par l’impact de ces formations sur l’articulation des temps de vie. Les recherches de l’économiste Vincent Lignon effectuées à l’occasion du lancement du CPF mettent en évidence que les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes à devoir réorganiser leur vie personnelle pour pouvoir se former et que la formation professionnelle des femmes induit des coûts pour les ménages (notamment frais de garde d’enfants), qui sont moins sensibles quand ce sont les hommes qui se forment. Quand se former devient compliqué et plus cher, les femmes cadres passent plus facilement leur chemin pour s’épargner un surplus de charge mentale.
33% c’est la part des femmes dans le senior management dans le monde. Vs le solde pour les hommes
Et pourtant en France, les femmes représentent 42,2% de la population cadres. Cherchez l’erreur ! La faute à la « paroi de verre » (à ne pas confondre avec le plafond de verre, ni la falaise de verre)
« Ce concept est employé pour qualifier les fonctions offrant de moindres perspectives de transfert de compétences d’un métier à l’autre et, partant, de mobilité horizontale dans les organisations. Par exemple, les fonctions opérationnelles permettent de passer relativement facilement d’un “business” à un autre, voire de prendre à un moment de sa carrière des postes fonctionnels : un·e ingénieur·e qui dirige les opérations d’une usine pourra diriger les opérations d’une autre usine dans un même secteur ou dans un autre, et pourra se voir nommer à la direction de cette usine, mais aussi à la tête de l’innovation, à la tête des RH ou de la communication de son groupe. En revanche, un·e responsable de la communication aura peu de chance d’évoluer vers les métiers opérationnels au cours de sa carrière et ne pourra quasiment monter les étages de l’organisation qu’en prenant l’escalier des métiers du marketing et de la comm’ », explique Clémentine Buisson, consultante senior chez AlterNego.
La sur-représentation des femmes dans les métiers à « paroi de verre » (marketing/communication, finance, juridique, RH et autres fonctions « supports »), et surtout leur encore trop faible représentation dans les filières opérationnelles, viennent à la fois expliquer la permanence du plafond de verre et la répartition genrée des fonctions dans les Comex.
10% : c’est la part de femmes CEO au sein d’entreprises cotées en France
Ce chiffre au niveau mondial est de 5%, donc la France fait quand même figure de « bonne élève » si l’on veut. Néanmoins, comment se réjouir que le top niveau des boîtes soient à 90% aux mains des hommes ?
Même si le rapport Route to the Top, du cabinet Heidrick & Struggles, « avance que, à l’échelle mondiale, 13 % des nominations effectuées en 2021 ont concerné des femmes. C’est deux fois plus que l’année précédente ».
Ce rapport pointe également « que les nominations de femmes CEO procèdent de plus en plus de la promotion interne, là où jusqu’en 2018, la majorité des femmes qui accédaient au plus haut poste d’une entreprise venaient d’une autre organisation. Affaire à suivre », soulignent les expertes d’AlterNego.
60% des femmes pratiquant le télétravail ont le sentiment d’être exclues des réunions
Pire, 20% des managers confirment qu’il y a un risque inhérent au télétravail pour l’accès des femmes aux opportunités. Au moins, tout le monde semble sur la même longueur d’ondes.
« L’étude britannique de l’institut CMI a ainsi mis en évidence que hors contexte de confinement, le management tendait à regarder le télétravail des femmes (et en particulier des mères) comme un arrangement utile à leur organisation personnelle, tandis que le télétravail des hommes est davantage perçu comme un temps nécessaire à la concentration et à la prise de recul. Cette même étude montre que les managers sont pour une part sensibles au risque que le télétravail “féminin” ne réduise l’accès aux opportunités et qu’il favorise en retour des schémas familiaux traditionnels », soulignent Marie Donzel.
Au boulot, on coupe 2,6 fois plus souvent la parole à une femme qu’à un homme
Et dans 6 cas sur 10, les interruptions sont masculines. Donc on le voit, les comportements mal élevés n’ont pas de genre ! En revanche, la tolérance sociale à ces comportements n’est pas la même quand ils sont le fait d’une femme ou d’un homme. « Aussi, le fait que les hommes soient plus nombreux à couper la parole et que les femmes soient plus fréquemment interrompues qu’eux, procède d’abord d’un inconscient collectif qui nous mène à accorder de façon générale plus d’attention à la parole des hommes qu’à celle des femmes », argumentent Marie Donzel et Clémentine Buisson.
40% des hommes estiment que la lutte anti sexiste va trop loin
On parle même de « gender fatigue » des hommes qui estiment que les boîtes et la société dans son ensemble, en font trop pour défendre (et imposer de leur point de vue) la place des femmes. Harassés par ce type de politiques, les hommes ne sont quand même pas prêts à céder leur place pour autant.
Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.