- Tous les secteurs recherchent des séniors
- Les difficultés d’embauche expliquent l’intérêt pour les séniors
- "Trop peu en forme", "trop cher", "pas assez dynamique"
- Un décalage entre les entreprises employant des séniors et les autres
- 🟢 Franprix ou l’intérêt de la sagesse
- 🟢 Monetivia ou l’utilité des séniors face à des clients séniors
- 🟢 Louvre Hôtels Group diversifie ses recrutements à l’image de sa clientèle
- 🟢 La coopérative Welcoop mixe séniors et jeunes pour plus de créativité
- Quels conseils aux quincadres pour décrocher un emploi ?
- Quels sont les secteurs les plus favorables et les secteurs les plus hostiles aux séniors ?
Ils témoignent
- Jean Emmanuel Roux, fondateur de TeePy Job et animateur de l’espace emploi du salon des séniors
- Patrice de Broissia, associé du cabinet en conseils RH Oasys & Cie et auteur de l’étude « Séniors : pratiques d’entreprises en faveur de l’emploi des séniors »
- Pierre Lamblin, directeur des études de l’Apec
- Jonathan Goldfarb, directeur du recrutement, de la formation et des projets digitaux RH de Franprix
- Thomas Abinal, 49 ans, le cofondateur en charge du marketing
- Stéphan Hassan, 52 ans, responsable réseau pour Louvre Hôtels Group
Tous les secteurs recherchent des séniors
En matière de cadres de plus de 50 ans, la pandémie a-t-elle fait réfléchir les employeurs ? On peut l’espérer. « Les lignes bougent », commente Jean Emmanuel Roux, fondateur de TeePy Job, la start-up animant l’espace emploi du salon des séniors se tenant du 23 au 26 mars à Paris, Porte de Versailles ». 600 offres d’emploi pour cadres séniors y seront proposées.
Avant la crise sanitaire, les employeurs recherchant des cadres “matures” étaient l’exception et émanaient de secteurs en tension comme le BTP ou le transport.
Après trois confinements, tous les secteurs et toutes les fonctions recherchent des séniors. Même le secteur informatique nous contacte. Les entreprises sont de plus en plus ouvertes. Les DRH changent d’état d’esprit avec la pénurie. Cette année, le nombre de Français ayant atteint les 50 ans est plus nombreux que celui des bébés venant de naître…Jean Emmanuel Roux, fondateur de TeePy Job
Les difficultés d’embauche expliquent l’intérêt pour les séniors
Inutile de tergiverser, les difficultés à embaucher expliquent en grande partie l’affection nouvelle de la part des entreprises pour les séniors. Elles rebattent les cartes d’un recrutement à la française particulièrement opposé à l’embauche des plus de 50 ans.
« Avant la crise, on commençait à être sénior dès 45 ans », explique Patrice de Broissia, associé du cabinet en conseils RH Oasys & Cie et auteur de l’étude « Séniors : pratiques d’entreprises en faveur de l’emploi des séniors ».
L’âge, selon une étude du BIT, constituait, avec le fait d’être enceinte pour une femme, la première des discriminations rencontrées par les salariés. « Certes, les recruteurs disaient adorer les séniors, poursuit Patrice de Broissia, et les considéraient comme de très bons vecteurs de transmission inter générationnelle. Ils n’étaient, pour eux, pas moins compétents, pas moins productifs. Ils étaient aussi assidus, fiables, disposaient des soft skills que tout le monde recherche. Mais ils ne les embauchaient pas… ».
"Trop peu en forme", "trop cher", "pas assez dynamique"
Pour schématiser, les employeurs français ont toujours eu en tête une série de clichés discriminatoires par rapport au plus de 45-50 ans qui échappent à toute logique rationnelle. Avec des positions non étayées précisant qu’ils seraient "pas assez en forme parce que vieillissant", "trop chers" et "pas assez au fait des changements liés à la digitalisation de notre économie".
Alors que les rênes de l’Etat sont confiées à des députés (âge moyen de 55 ans), des sénateurs (âge moyen de 60 ans et 2 mois), des maires (âge moyen de 58,9 ans) ou des présidents de départements (59 ans), les managers « matures » ne seraient pas bons en entreprise mais excellents pour gérer les affaires de la cité et faire les lois…
Résultat : les séniors (en général) connaissent, après 55 ans une durée de chômage qui, selon la Dares, atteint les 759 jours en moyenne. S’ajoute donc la discrimination du chômage longue durée. Tout cela avait pour effet de pousser les cadres séniors à attendre, bon an, mal an la retraite qui est aujourd’hui fixé à 62 ans mais que plusieurs partis politiques veulent repousser à 65 ans.
Un décalage entre les entreprises employant des séniors et les autres
« Tout cela n’a pas disparu, commente Pierre Lamblin, directeur des études de l’Apec qui a publié l’étude de janvier 2022 intitulée Les cadres seniors demandeurs d’emploi, pratiques et difficultés de recherche d’emploi . L’âge renvoie toujours à des connotations négatives pour des salariés qui seraient un peu plus fatigués, un peu moins ouverts aux nouvelles technologies mais on voit apparaitre un décalage entre les entreprises employant des cadres séniors au quotidien et le regard des recruteurs voire de certains managers ».
Ces entreprises qui refusent pour diverses raisons les stéréotypes liés à l’âge font « du bien à la société », estime Patrice de Broissia (Oasys & Cie). « Surtout que les cadres séniors en recherche d’emploi ont bien compris qu’il faut faire des concessions d’ordre salarial, au niveau des responsabilités recherchées ou selon le type de contrat proposé », ajoute Pierre Lamblin, directeur des études de l’Apec.
Taux d’emploi des séniors
🟢 Franprix ou l’intérêt de la sagesse
C’est le cas de Franprix. Cette chaine de magasins a recruté l’an passé, 150 cadres et devrait en embaucher une centaine en 2022.
Jonathan Goldfarb, directeur du recrutement, de la formation et des projets digitaux RH, 37 ans, l’affirme : « Nous ne dressons pas de barrière à l’embauche. Notre sélection se réalise lors des entretiens. Nous avons embauché des spécialistes des fonctions support pour le siège comme des chargés d’expansion, des spécialistes du e-commerce et des conseillers franchises ou des experts en data. Nous ne ciblons pas spécifiquement les cadres séniors mais ils font partie de nos recrutements qu’on souhaite universel. Les cadres et managers de plus de 50 ans font donc partie de nos sélections car ils sont porteurs d’un savoir-faire, de compétences, d’expérience, de sagesse. Et ils complètent avantageusement nos équipes où l’on retrouve tous les âges. C’est une bonne chose de recruter des séniors dynamiques disposant de suffisamment de recul pour structurer nos projets. Nous avons aussi formé tous nos encadrants pour qu’ils déconstruisent les stéréotypes qu’ils avaient en tête par rapport à l’embauche de séniors. On les a aidés à les prendre en compte, les analyser et les dépasser. Ils reviennent maintenant nous voir en nous expliquant que leurs préjugés nuisaient à la qualité des recrutements ».
Pour postuler chez Franprix, consultez ici leurs annonces, voir leur site emploi, les rencontrer sur des forums ou présenter son CV directement en magasin.
🟢 Monetivia ou l’utilité des séniors face à des clients séniors
Monetivia est une société spécialisée dans l’immobilier. Elle accompagne les personnes âgées, les plus de 75 ans, à vendre leurs biens immobiliers. C’est une alternative à la vente en viager. « Nous embauchons des cadres séniors pour leur proximité avec nos clients, détaille Thomas Abinal, 49 ans, le cofondateur en charge du marketing. Nous recherchons des vendeurs et recrutons ces commerciaux ayant une expérience importante en immobilier patrimonial et ayant assez d’expérience pour discuter avec des clients qui ont dépassé les 70 ans. Nous en avons embauché 4 en 2021 et nous devrions en recruter autant en 2022 ». Les salaires proposés sont constitués d’un fixe de l’ordre de 30 000 euros brut par an et d’un variable pouvant doubler cette somme. « Nous recherchons des commerciaux de plus de 50 ans pour correspondre aux attentes de clients âgés, ajoute Thomas Abinal. Ces derniers vont évoquer des questions intimes, leurs enfants, leur patrimoine, la fin de leur existence. Il faut avoir une expérience de la vie pour bien communiquer avec nos clients. Cela demande de la maturité ».
Pour proposer sa candidature, voir la page candidature Monetivia dédiée.
🟢 Louvre Hôtels Group diversifie ses recrutements à l’image de sa clientèle
Louvre Hôtels Group recrutera 500 cadres en 2022. Les embauches vont concerner tout l'encadrement, des adjoints de direction à des chefs d’établissement en passant par des chefs de service. « Nous recrutons des séniors pour que la variété de nos salariés corresponde à la variété de nos clients, précise Stéphan Hassan, 52 ans, responsable réseau pour Louvre Hôtels Group. L’âge n’est pas, pour nous, un critère et nous recrutons tout type de salariés dont des séniors. Nous disposons de 1600 hôtels dans le monde dans 54 pays. Chacun peut trouver sa place chez nous ».
Pour postuler chez Louvre Hôtels Group, consultez le site dédié.
🟢 La coopérative Welcoop mixe séniors et jeunes pour plus de créativité
Quels conseils aux quincadres pour décrocher un emploi ?
Patrice de Broissia est associé du cabinet en conseils RH Oasys & Cie et auteur de l’étude « Séniors : pratiques d’entreprises en faveur de l’emploi des séniors ». Il prodigue 2 conseils à destination des cadres en recherche d’emploi.
« J’accompagne des cadres séniors en recherche d’emploi. Je leur conseille :
1/ De se tourner vers le management de transition.
Cette forme d’intérim permet de s’insérer en entreprise. Les employeurs ont l’impression d’avoir à disposition un expert sans avoir de boulet aux pieds…
2/ Changer de regard sur la recherche d’emploi
La situation actuelle de l’emploi est celle d’un rapport dominant (le recruteur) - dominé (le quincadre). Avec des managers au chômage devenant de super demandeurs d’emploi, dotés de CV rutilants, des meilleures techniques pour passer un entretien mais refusés quand ils envoient une candidature et non pris par les cabinets de recrutement. Je propose de changer cela pour que le cadre « mature » passe moins de temps sur sa candidature et plus sur son offre de service. Il faut alors analyser les besoins de son marché. Il faut comprendre les problèmes des entreprises pour lesquelles on va postuler et comment on peut y répondre. La discrimination s’atténue alors. J’ai aidé une cadre de 58 ans qui ne trouvait pas de travail depuis deux ans. Je lui ai proposé cette méthode. Elle travaillait dans le marketing du luxe, s’est intéressée à la digitalisation de ce secteur, a rencontré des spécialistes, est devenue experte de ce sujet en réalisant une étude de marché. Durant ses investigations, son futur employeur l’a repérée et lui a demandé de travailler sur ce sujet pour lui. Elle a décroché un CDI ».
Quels sont les secteurs les plus favorables et les secteurs les plus hostiles aux séniors ?
Selon l’Apec, les offres d’emploi concernant les plus de 45 ans représentent seulement 6 % des recrutements de cadres (chiffre 2019 d’avant la pandémie). 60 % des recrutements concernent des cadres ayant de 1 à 10 ans d’expérience et les jeunes diplômés représentent le reste. Soit quelque 33 % des embauches. Cette répartition est stable depuis une dizaine d’année.
- Les secteurs qui embauchent le plus de séniors appartiennent aux secteurs industriels. Ils en recrutent 9 %, celui de la construction est à 10 %. Le commerce est à 8 %. Certains secteurs font beaucoup mieux comme la branche bois-papier-imprimerie qui recrute 13 % de séniors. Le secteur énergie et celui du commerce inter-entreprises en sélectionnent aussi 13 %, celles du caoutchouc-plastique (12 %), ou de la métallurgie (10 %).
- Les plus réticents à embaucher des quincadres sont les secteurs des services - ils n’en embauchent que 5 %. Les moins-disants des moins-disants sont constitués des branches informatique et télécoms (5 %), l’ingénierie et la recherche et développement (5 %) ou le conseil-gestion-comptabilité qui ferme la marche avec un taux d’embauche de 4 %. Si ces secteurs recrutaient à l’instar de la branche énergie, il n’y aurait pas de chômage des quincadres en France.
Enfin, sur les 100 000 cadres séniors au chômage, 70 % d’entre eux, selon l’Apec, sont « en urgence financière et 9 % sont au RSA ».
Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.