Fatine Dallet : « Pour bâtir l’usine 4.0, l’industrie a besoin d’ingénieurs »

Aurélie Tachot

INTERVIEW – Pour avancer, les entreprises doivent innover. Pour innover, elles doivent embaucher des ingénieurs. On l’aura compris : crise ou pas, les fonctions ingénieurs et R&D sont en tension sur le marché des cadres. L’année 2021 ne dérogera pas à la règle. L’Apec table sur des prévisions d’embauches en augmentation de 10 % sur cette catégorie de métiers. Fatine Dallet, directrice senior au sein du cabinet Michael Page, entrevoit même une année record pour ces chanceux profils.

Fatine Dallet, spécialiste des profils d'ingénieurs R&D, directrice senior au sein du cabinet Michael Page

Fatine Dallet : « Pour bâtir l’usine 4.0, l’industrie a besoin d’ingénieurs »
Fatine Dallet, spécialiste des profils d'ingénieurs R&D, directrice senior au sein du cabinet Michael Page

Dans quels secteurs trouve-t-on les métiers de l’ingénierie et de la R&D ?

Fatine Dallet : « On les trouve en grande majorité dans l’industrie. Or, c’est un secteur qui résiste bien à la crise du Covid-19. Chez Michael Page, cette activité a seulement baissé de 12 % en 2020 par rapport à 2019. La reprise des embauches a été nette dès septembre 2020. D’après l’Insee, la production industrielle a rebondi de 3,3 % en janvier 2021 par rapport à décembre 2020. Beaucoup d’indicateurs sont donc au vert. Aujourd’hui, les volumes d’embauche d’ingénieurs ont atteint les mêmes niveaux qu’en 2019, qui avait été une année exceptionnelle. Tout porte à croire que l’année 2021 atteindra des records en matière d’embauches, d’autant que l’attentisme engendré par la crise est terminé et que les ingénieurs n’hésitent plus à changer de poste. Ceux qui évoluent dans l’aéronautique, qui a été une filière plus impactée, profiteront également de ce dynamisme, par exemple en se reconvertissant dans l’automobile, qui est un secteur de pointe devant affronter l’enjeu de l’électrification. »

 

Quels facteurs expliquent cet engouement pour les ingénieurs ?

F.D. : « Les nouveaux projets ont toujours été consommateurs d’ingénieurs. Or, aujourd’hui, l’industrie se digitalise et se transforme. Et pour bâtir « l’usine 4.0 » dont elle parle, elle a besoin d’ingénieurs. Le second facteur, c’est qu’en plus des filières industrielles « traditionnelles » (l’agroalimentaire, la chimie, l’énergie, le pharmaceutique...), plusieurs activités sont portées par le plan de relance du gouvernement. C’est par exemple le cas des entreprises qui œuvrent pour la décarbonisation, notamment dans l’éolien, la biomasse, le biogaz, l’hydrogène... Pour participer à la transition énergétique, les entreprises évoluant dans les énergies renouvelables ont besoin de recruter des ingénieurs, notamment celles qui cherchent à concevoir des nouveaux matériaux, plus légers et moins polluants. Le secteur de la mobilité urbaine bénéficie, lui aussi, des aides gouvernementales. Les filières des batteries, des vélos et trottinettes électriques sont particulièrement dynamiques. »

 

Quels sont les profils les plus recherchés sur ces métiers par les industriels ?

F.D. : « Les besoins se concentrent à la fois sur la R&D et sur la partie manufacturing. En R&D, les ingénieurs sont attendus pour imaginer de nouveaux produits, aller au-devant des habitudes de consommation des français, répondre aux appels d’offres de nouveaux marchés... En manufacturing, les managers opérationnels en usine tels que les responsables production et les ingénieurs maintenance sont particulièrement convoités. On note aujourd’hui la même tension sur ces deux profils qu’en 2019. Les ingénieurs spécialisés dans les technologies de pointes comme l’électronique et les systèmes embarqués ne sont pas en reste. C’est également le cas des profils évoluant dans la sphère du développement durable, par exemple les ingénieurs HSE, les responsables RSE, les ingénieurs bureau d’études et les chefs de projets. Les opportunités d’emplois se trouvent dans toutes les typologies d’entreprises, notamment dans les start-up qui grandissent et deviennent des ETI mais aussi dans les grands groupes qui ont besoin d’innover et qui se diversifient sur des marchés plus « verts ». »

Aurélie Tachot
Aurélie Tachot

Après avoir occupé le poste de rédactrice en chef d’ExclusiveRH.com (entre autres), je travaille désormais à mon compte. Pour Cadremploi, je contribue à la rubrique Actualités via des enquêtes, des interviews ou des analyses sur les évolutions du monde du travail, sans jamais oublier l'angle du digital.

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