Faute de candidats, la banque s’ouvre aux candidats à la reconversion et fait des efforts sur les salaires

Gwenole Guiomard

SECTEUR QUI RECRUTE – Le secteur bancaire recrutera encore 49 000 personnes en 2024 mais manque de candidats. Alors les banques élargissent leurs critères de recrutement et accordent des coups de pouce salariaux à certaines fonctions. C’est une aubaine pour les jeunes diplômés et pour tous ceux qui veulent se réorienter vers un secteur stable, qui embauche, promeut et forme. Explications et témoignages de recruteurs et de cadres.
Faute de candidats, la banque s’ouvre aux candidats à la reconversion et fait des efforts sur les salaires

Ils témoignent

  • Frédéric Guyonnet, le président du Syndicat national de la banque et du crédit
  • Renaud Garnier, manager exécutif senior au sein du cabinet de recrutement Michael Page Banque
  • Julien Lagrange, manager de la division banque chez Hays Paris
  • Virginie Duval, directrice du marketing de l’École supérieure de la banque (ESBanque)
  • Gwenaelle Barthelemy, directrice de l’animation commerciale à l’École française de banque, en charge du sourcing

49 000 recrutements par an jusqu’en 2024 !

Dans une économie en manque de candidats, la bascule entre le trop plein et le pas assez date de 2020 pour le secteur bancaire.

Frédéric Guyonnet

« Avant le Covid, nous croulions sous les CV, se rappelle Frédéric Guyonnet, le président du Syndicat national de la banque et du crédit (SNB), le syndicat de salariés majoritaire du secteur. Depuis, les candidatures se sont raréfiées. Ces difficultés de recrutement nous inquiètent car faute de salariés en nombre suffisant, cela occasionne un surcroit de travail pour les employés aujourd’hui en poste ».

Dans les banques comme dans de nombreux secteurs, le recrutement s’est transformé, petit à petit, en un « marché de candidats ». Ces derniers ayant l’embarras du choix face aux offres à pourvoir affirment leur position de force. Ils sont de plus en plus exigeants quant aux conditions financières et aux conditions de travail.

Julien Lagrange

« Le développement des banques, de leurs projets, des fusions, du Brexit qui a relocalisé en France certains établissements a aussi concouru à cette tension sur les recrutements », ajoute Julien Lagrange, manager de la division banque pour Hays Paris. La dernière étude sur les rémunérations menée par le cabinet estime que la « guerre de candidats » s’est généralisée sur les métiers de la banque. Du front au back, en passant par le middle-office, les candidats qualifiés manquent cruellement.

En 2022, le secteur a ainsi embauché 48 900 salariés (73% en CDI) dont la moitié de cadres, soit + 21 % d’embauches par rapport à 2021. C’est énorme. 2023 et 2024 seront du même ordre. Pour un nombre de candidats en baisse.

Et un turnover qui atteint les 22% dans le secteur.

Pourquoi les candidats boudent la banque ?

Pour les spécialistes, trois raisons principales expliquent ce désamour :

1/ Des salaires en-dessous du niveau du marché

Fin 2023, un jeune diplômé bac +3-5 perçoit, comme conseiller clientèle particulier dans la banque, entre 23 000 et 30 000 euros brut par an.  

❌ Or, le salaire médian des jeunes diplômés d'écoles de commerce était de 39 332 € brut par an hors primes selon l'enquête 2023 de la Conférence des grandes écoles.

Pour les plus anciens, la situation n’est pas non plus mirobolante. Avec 20 ans d’expérience, un conseiller clientèle devenu directeur d’agence percevra de 37 à 60 000 euros brut par an.

❌ Or, selon l'Apec, le salaire médian d'un directeur de business unit est de 65 000 euros bruts annuels (fixe + variable)

La situation a commencé à alerter les employeurs et ils font désormais des efforts sur les rémunérations à l’embauche :

Renaud Garnier

« Tous les établissements bancaires ont du mal à embaucher, illustre Renaud Garnier, manager exécutif senior pour le cabinet de recrutement Michael Page Banque. Les candidats ont aujourd’hui plusieurs offres. Le temps où l’on appelait un candidat qui acceptait avec joie notre offre est terminée. Les candidats refusent des offres, négocient plus de flexibilité, un salaire plus élevé. Ils tergiversent pour plus de télétravail, un plan de carrière précis… Tout cela tire les salaires vers le haut pour des hausses, en un an, avoisinant les 3 à 8 % et l’arrivée, aussi, de « welcome bonus » atteignant les 5 à 8 % du salaire annuel brut ».

Cliquez ici pour consulter l'étude Michael Page sur les salaires 2024

2/ Manque d’autonomie dans les missions

La deuxième cause de désaffection tient à l’intérêt perçu du job. La banque, ultra réglementée, laisse peu de latitudes à ses salariés.

« Leur liberté d’action limitée a pour incidence de restreindre leur autonomie dans leur travail », commente Frédéric Guyonnet (SNB)

« On peut rêver d’aider les Français à financer leurs rêves de business, de famille, de maison… mais si c’est pour lancer des algo sur des dossiers de crédit, non merci !, explique Clotilde, jeune chargée de clientèle qui a quitté le secteur au bout de deux ans. Je n’en pouvais plus de briser les rêves des gens qui venaient me voir avec des étoiles dans les yeux. »

3/ Montée de la pénibilité due aux incivilités

Si on ajoute à cela les incivilités en hausse entre clients et conseillers, on commence à comprendre pourquoi le turn-over du secteur atteint les 22 %. Et qu’il concerne des salariés qui quittent le secteur. Alors que précédemment ces derniers changeaient simplement de banque…

Le gros atout des banques : un secteur qui reconvertit via la formation

Heureusement, les banques sont maintenant conscientes des difficultés et des enjeux. A leur rythme, elles font évoluer les rémunérations et s’engagent à offrir des conditions de travail tenant compte des nouvelles aspirations. Le secteur souffre toujours d’un déficit d’image mais les banques prennent des mesures pour se rendre attractives.

Car ce monde bancaire ne manque pas d’atouts.

C’est suffisamment rare pour le mettre en avant : la banque accueille « à bras ouverts » les salariés venant d’autres secteurs. C’est donc le moment d’intégrer le secteur bancaire car il y aura des postes à prendre dans, au moins, les 5 ans à venir.

Nous recrutons des enseignants, des cuisiniers, des commerciaux venus de la grande distribution. Les établissements disposent de leur propre centre de formations aux professions bancaires pour améliorer les compétences techniques des nouveaux entrants que cela soit en formation continue ou en alternance… ».
Frédéric Guyonnet. président du Syndicat National de la Banque et du Crédit

Si vous avez une fibre commerciale (même sans expérience) et qu’une reconversion en conseiller clientèle vous tente, n’hésitez pas à répondre aux offres d’emploi des banques. Dans votre candidature, mettez en valeur les soft skills que vous avez développées dans votre précédent job qui vous seront utiles dans votre futur poste (relation client, organisation, persévérance, goût des chiffres, etc.)

« Et vu le faible nombre de candidatures reçues, ces candidats à la reconversion seront retenus et convoqués en entretien », prédit Frédéric Guyonnet.

Virginie Duval

 « Il n’y a pas d’âge pour se reconvertir dans la banque, ajoute Virginie Duval, directrice du marketing de l’École supérieure de la banque (ESBanque) diplômant 12 000 étudiants par an du BTS (banque) au Master 2 (conformité et gestion des risques) en passant par un Mastère spécialisé en partenariat avec l’Essec. Pour cela, je conseille aux salariés venant d’autres secteurs de se rapprocher d’un de nos centres pour se faire conseiller, épauler dans la démarche et définir un bon projet professionnel ».

Les trois métiers les plus recherchés

 

1/ Les métiers de la conformité

Le compliance officer (responsable de la conformité) fait partie des métiers les plus recherchés dans la banque et parmi les mieux payés. Aujourd’hui, un responsable de la conformité perçoit quelque 100 000 euros brut par an. C’est le cas de cette candidate qui vient de décrocher ce poste pour une banque de détail parisienne. Elle a 10 ans d’expérience, 35 ans, et a négocié pour que son salaire de départ atteigne les 120 000 euros brut par an. Cela a été accepté par son nouvel employeur.

Retrouvez des offres d'emploi de compliance officer actuellement disponibles

2/ Conseiller en agence

Le second métier très recherché est celui de conseiller clientèle. Un poste d’entrée que les employeurs ont du mal à pourvoir et à fidéliser. Le boulot de départ est celui de conseiller clientèle privé avec des opportunités de carrière dans le conseil aux professionnels.

Retrouvez des offres de conseiller en agence actuellement disponibles

« Je viens de recruter un conseiller avec 6 ans d’expérience, 30 ans, qui percevait 44 000 euros brut par an », détaille Renaud Garnier de Michael Page Banque. Pour le faire « bouger », son nouvel employeur lui a proposé 48 000 euros brut par an avec un bonus discrétionnaire qui sera de 2 à 3 mois de salaire en plus.

« Une banque de détail française vient de recruter, via nos services, un conseiller clientèle professionnelle, ajoute Julien Lagrange de Hays. L’employeur recherchait un spécialiste ayant 3 ans d’expérience sur la fonction pour un salaire compris entre 40 000 et 47 000 euros brut par an ». Finalement, l’occasion faisant le larron, l’établissement a embauché 2 candidats :

L’un payé 46 000 euros brut par an et un variable sur objectif + intéressement de 9 000 euros brut de plus par an

Le deuxième a été embauché sur un poste de chargé d’affaire car doté de plus d’expériences pour un salaire + bonus de 60 00 euros brut par an.

3/ Fonctions audit/direction financière

Enfin, le troisième métier le plus recherché est celui des fonctions audit/direction financière. Une jeune diplômée vient ainsi de décrocher un poste de directrice financière à 27 ans pour un salaire de 55 000 euros brut par an.

Aujourd’hui, les banques sont dans une telle galère qu’elles passent outre la distinction entre les grandes écoles et les universitaires. Et plus on avance dans la carrière, moins elles font de différence.
recruteur qui ne souhaite pas être cité.

Retrouvez des offres de fonctions audit/direction financière actuellement disponibles

Les bonnes stratégies pour décrocher des salaires ++ dans la banque

Pour se faire augmenter le plus vite possible, deux stratégies s’offrent aux candidats :

  1. La première est d’intégrer le plus tôt possible une fonction centrale de type finance, risque, compliance, inspection générale. Il faut alors démarrer comme contrôleur de gestion en banque puis évoluer vers des postes d’inspection générale ou de « compliance officer ».
  2. L’autre stratégie futée est de débuter dans un cabinet de conseil/audit. Les évolutions salariales y sont de l’ordre de 8 à 15 % par an. Vers 30 ans, il sera temps de rejoindre la banque comme responsable du contrôle de gestion d'une filiale où vous pourrez viser un salaire de l’ordre de 50 000 à 70 000 euros brut par an. vous pourrez ensuite évoluer vers un poste de responsable conformité, puis vers un codir puis un comex. Avec 10 ans d’expérience, les rémunérations dans la banque peuvent dépasser les 100 000 à 150 000 euros brut par an.

Exemple de salaires 2023 dans la banque dans l'étude Hays France (page 35-37)

« Les banques sont ouvertes aux salariés en reconversion »

Gwénaëlle Barthélémy est directrice de l’animation commerciale à l’École française de banque en charge du sourcing.

« Historiquement, les banques ont toujours accueilli avec bienveillance des profils non issus du secteur. Une politique encore plus vertueuse aujourd’hui que les besoins en personnel sont très importants. Les salariés en reconversion sont les bienvenus sur les métiers du réseau. Il est possible de former tous types de salariés, de tous les secteurs et de tous les âges. Le diplôme importe peu pourvu que la personne soit capable d’acquérir des compétences.

Nos écoles accueillent tous les ans des archéologues, des boulangers, des commerciaux du secteur industriel, des diplômés d’histoire... Prenons, par exemple, un commercial de 40 ans d’un secteur autre que celui de la banque. Il pourra se former :

en cursus court de type bachelor banque-assurance d’un an via un contrat en alternance. Il étudie une semaine par mois et travaille le reste du temps dans son établissement bancaire.

via un financement de type CPF, pôle emploi ou transition pro pour des cursus de 2 jours par mois que l’on peut suivre tout en travaillant. C’est le cas, par exemple, du bachelor conseiller patrimonial qui coûte 4000 euros.

Enfin, il est aussi possible, si sa formation initiale est de bon niveau, de postuler en direct dans une banque. J’ai l’exemple d’un cadre qui a travaillé dans le secteur automobile en première partie de vie qui s’est inscrit, à 45 ans, en BTS-vente. Il a poursuivi en licence pro et conseiller clientèle et il pourra devenir conseiller professionnel puis directeur d’agence.

Les portes des banques sont aujourd’hui grandes ouvertes pour des candidats qui exerceront un métier dont la sécurité de l’emploi est assurée, permettant d’évoluer, de travailler partout en France tout en étant formé tout au long de sa vie. Le secteur bancaire est enfin « handi-accueillant ». Certains salariés n’y pensent pas. Mais dans reconversion, il y a aussi la reconversion liée aux accidents de la vie ».

Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

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