« Voilat », un guide pour améliorer la vie des femmes lesbiennes au travail

Aurélie Tachot

INCLUSION – Les femmes lesbiennes et bisexuelles sont-elles assignées au silence en entreprise ? Pour deux tiers d’entre elles, être visibles sur leur lieu de travail a un prix qu’elles ne sont pas prêtes à payer, d’après l’association L’Autre Cercle. Après la publication d’une étude inédite parue en mai dernier*, elle dévoile le guide « Voilat », 60 pages de témoignages et de conseils pour alerter et faire en sorte que chaque personne puisse agir au quotidien.

Présentation du guide VOILAT le 10 février par L'Autre Cercle, en présence de nombreux membres et invités

« Voilat », un guide pour améliorer la vie des femmes lesbiennes au travail
Présentation du guide VOILAT le 10 février par L'Autre Cercle, en présence de nombreux membres et invités

Elles témoignent

  • Sylvie Meisel, co-responsable du guide « Voilat » au sein de l’association L’Autre Cercle.
  • Émilie Morand, sociologue spécialisée dans les questions de genre
  • Aliette Mousnier-Lompré, CEO d’Orange Business Services
  • Catherine Tripon, porte-parole de L’Autre Cercle

Pour consulter le guide "VOILAT"

(pour "visibilité ou invisibilité des lesbiennes au travail"), cliquez sur l'image

L’invisibilité, le « choix » de la raison

La cause des lesbiennes passe sous les radars des entreprises. Une étude menée en mai 2022 par l’Autre Cercle et l’Ifop sur la situation des femmes lesbiennes au travail dévoile des chiffres inquiétants : seules 18 % des femmes lesbiennes sont visibles auprès de leurs collègues alors que 43 % aimeraient l’être. Et quand elles le sont, elles en payent les conséquences : 53 % ont déjà subi une agression sur leur lieu de travail qui a abouti, pour 34 % d’entre elles, à quitter l’organisation et, pour 45 %, à des pensées suicidaires, le mépris des autres entraînant mécaniquement le mépris de soi-même.

Le renoncement est l’un des aspects de cette invisibilité : 33 % des femmes renoncent à prendre des congés pour l’accueil de leur enfant suite à l’accouchement de leur partenaire, 44 % omettent volontairement de parler de leurs activités « connotées LGBT » (gay pride, soirées...), 41 % abandonnent l’idée de participer à un évènement d’entreprise où les conjoints sont invités.

Outre l’impact psychologique de consacrer son énergie à ne jamais parler de sa vie privée, ces renoncements constituent une entrave sérieuse à la sociabilisation des femmes lesbiennes en interne.
Sylvie Meisel, co-responsable du guide « Voilat » au sein de l’association L’Autre Cercle

Promouvoir des « rôles models » lesbiennes

Alors qu’on fêtera, en mai prochain, les 10 ans de la loi sur le mariage pour tous, certains freins empêchent les femmes lesbiennes d’assumer leur orientation sexuelle. « Le sexisme, les inégalités entre les hommes et les femmes, la présomption d’hétérosexualité, l’image négative des lesbiennes, la crainte de discrimination ou d’harcèlement ainsi que l’autocensure – typiquement féminin – sont autant de facteurs qui expliquent le manque de visibilité des femmes lesbiennes », explique Sylvie Meisel.

Émilie Morand, sociologue spécialisée dans les questions de genre, pointe également « le manque de représentation » et « le poids de l’hétéronormativité ».

En France, Aliette Mousnier-Lompré, CEO d’Orange Business Services, fait partie des rares « rôles model lesbiennes ». Elle a choisi de faire son coming out lors d’un événement organisé par son groupe.

 J’ai été étonnée de l’impact de cette prise de parole. Cette exposition m’a libérée et j’ai réalisé à quel point c’était puissant pour mes équipes de recevoir ce message de leur propre management, que chacun peut être soi.
Aliette Mousnier-Lompré, CEO d’Orange Business Services

Or, « un coming-out de dirigeante fait avancer de 10 000 pas l’inclusion des femmes lesbiennes », assure Catherine Tripon, porte-parole de L’Autre Cercle.

Un environnement de travail peu inclusif

Reste qu’aujourd’hui, si les femmes lesbiennes n’osent pas se rendre « out » sur leur lieu de travail, c’est aussi parce que les entreprises, malgré leur intention, peinent encore à créer des environnements de travail bienveillants pour elles. « L’inclusion des personnes LGBT+ au travail est un sujet que les organisations de culture française abordent de manière récente, depuis une dizaine d’années tout au plus, pour les plus matures », lit-on dans le guide « Voilat ».

Résultat : « la lesbophobie est un angle mort des politiques diversité et inclusion des entreprises », confirme Sylvie Meisel.

Fort heureusement, rien n’est gravé dans le marbre. 

Le lesbianisme est un impensé dans le monde du travail. Agir, c’est d’abord nommer. Quand les mots sont réels, les personnes le deviennent aussi.
Catherine Tripon, porte-parole de L’Autre Cercle

Pour autant, « visibiliser » les femmes lesbiennes ne suffit pas. Parmi les autres pistes abordées par L’Autre Cercle, figurent l’engagement des instances de direction, l’affirmation d’une politique de tolérance zéro, la promotion du langage égalitaire, la formation des managers de proximité... D’ici juin prochain, le gouvernement présentera un nouveau plan national contre la haine et les discriminations, qui promet d’aborder la cause LGBT+ – donc celle du lesbianisme – au sein des entreprises. Reste désormais à savoir s’il saura convaincre les organisations de passer de l’intention à l’action.

Aurélie Tachot
Aurélie Tachot

Après avoir occupé le poste de rédactrice en chef d’ExclusiveRH.com (entre autres), je travaille désormais à mon compte. Pour Cadremploi, je contribue à la rubrique Actualités via des enquêtes, des interviews ou des analyses sur les évolutions du monde du travail, sans jamais oublier l'angle du digital.

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