Audrey, 37 ans : « Mon burn-out a finalement été salvateur »

Gwenole Guiomard

SERIE « FRANCHEMENT » épisode 27 – Parmi les rencontres intimistes que Cadremploi poursuit depuis deux ans, il est régulièrement question de burn-out. Cette fois, nous avons souhaité donner la parole à une jeune femme qui en parle de façon paradoxalement constructive. Audrey* la trentaine, était ce qu’on appelle un excellent élément. Jusqu’à un burn-out sévère qui l’a forcée à se poser. Elle a choisi de quitter sa boite, via une rupture conventionnelle, de se former, de changer de métier et de région. Aujourd’hui, elle fait figure de modèle pour ses nouveaux collègues. Voici sa résiliente histoire.

Audrey* explique comment le burn-out qu'elle a vécu lui a finalement permis de changer de vie et de trouver une forme de sérénité.

Audrey, 37 ans : « Mon burn-out a finalement été salvateur »
Audrey* explique comment le burn-out qu'elle a vécu lui a finalement permis de changer de vie et de trouver une forme de sérénité.

Les débuts

A 37 ans, Audrey* n’a jamais compté ses heures. Après une école de commerce et un MBA en marketing et publicité, puis des séjours en Grande-Bretagne, la jeune femme est revenue sur Paris (n’est-ce pas le centre du monde ?), décidée à en découdre avec le monde professionnel. « Je travaillais beaucoup. Commercial dans l’événementiel, j’étais mal payée à 22 000 euros brut par an.  J’avais 27 ans et le monde devant moi. Au bout de 5 ans, j’émargeais à près de 38 000 euros brut par an avec les primes ».

C’est dire si elle ne rechignait pas à la tâche dans une boite qui prenait mais donnait rarement.

Le management n’était pas à l’écoute. Cela s’est terminé lorsque j’ai demandé 2 jours de congé pour assister à un événement personnel et que la direction a refusé sans raison. Je trimais sans retour. C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. J’ai organisé rapidement mon départ. J’ai quitté mon employeur le mardi soir pour embaucher, ailleurs, le lendemain.
Audrey*

Un deuxième employeur presse-citron et un premier enfant

Le salaire était conséquent : 39 000 euros brut par an et des primes annuelles d’environ 8 000 euros. L’épisode a duré trois saisons. Le temps (de 2016 à 2019) de faire un enfant et de bosser comme une dingue.

Je pleurais en dormant et je dormais en pleurant.

« J’additionnais la charge mentale d’un nouveau-né et les aléas d’un employeur dont la mentalité ne me convenait pas. Un soir, suite à une dispute vénielle avec mon mari, je me suis mise à pleurer. Cela a continué le lendemain. Je pleurais en dormant et je dormais en pleurant. Je n’arrivais plus à poser le pied par terre. Tout était douloureux. Je pensais avoir contracté un cancer. Je suis allée voir un médecin. Je ne voulais qu’il m’arrête pour une courte période. J’ai repris le travail. Je ne pouvais plus écrire un mail. J’étais paralysé. Mon boss m’a précisé de me reposer le temps qu’il faudrait. Je ne pouvais pas assumer ce délai. Que ferais-je si, en revenant, cela reprenait ? J’ai décidé de quitter mon employeur via une rupture conventionnelle. Partir sans rien, m’enfuir, toucher le chômage. Et que cela se fasse vite ».

Un an de burn-out suivi d’un rebond, enfin

Cela a duré un an de profonde solitude. Elle a quitté Paris. Puis, tout doucement, Audrey a repris des forces. Elle s’est mise à rechercher un métier avec du sens. Elle a multiplié les contacts à Pôle emploi pour mesurer que les boulots de l’écologie recherchaient plutôt des ingénieurs et que ceux de l’immobilier entrainaient des horaires à rallonge et une rémunération très variable…

J’ai pris le parti de tout poser, de réfléchir. Mon burn-out a finalement été salvateur. Jamais je n’aurai arrêté sans cela. J’ai rédigé une liste de mes envies et de ce que je ne voulais plus jamais vivre. D’un côté, je voulais garder le relationnel client (passionnant), pouvoir aller chercher mon enfant à l’école (indispensable). De l’autre, je ne voulais plus de pression commerciale (dangereux), ni d’horaires à rallonge que je ne rattrape jamais (insupportable).

La formation comme élan vital

 J’ai aussi passé de nombreux entretiens d’embauche. J’ai suivi des cursus. J’aurai pu travailler dans mon secteur sans formation. Mais cela m’a permis de comprendre les enjeux de mon nouveau métier. Puis j’ai visité un salon promouvant les métiers du digital pour les femmes. Moi qui ne suis pas techno, je m’y suis retrouvé. J’ai décroché une formation à la Rocket school. Cela m’a emballé : un métier de conseils sans pression commerciale. Le cursus a duré 3 mois puis j’ai été en stage, le tout financé par mes allocations chômage.

L'installation à 200km de Paris

 

En octobre 2021, Audrey est recrutée chez son employeur actuel. Audrey est désormais chargée de clientèle dans le digital. En globish abscons, cela s’énonce « customer experience manager ». « Je touche 42 000 euros brut par an et un variable qui avoisine les 3000 euros en 6 mois d’activité ».

Pas de pression commerciale, une aide de tous les instants aux clients.

« Le but de mon job est de tout mettre en œuvre pour qu’ils se réabonnent ». Un boulot qui permet d’aller chercher son enfant à 18 h. Le bonheur.

« J’habite à 200 km de l’Ile-de-France. Loin des nuisances. Je reviens sur Paris 2 jours par semaine. Mon employeur est bienveillant et me finance ma chambre d’hôtel hebdomadaire et le transport en train. Pour mon enfant, c’est l’idéal. Pour mon couple aussi. Certes, on ne se voit pas de la semaine mais on se retrouve le week-end. Le jeu en vaut, pour moi, la chandelle. Comment je me vois en 2025 ? Jamais plus sur Paris. Toujours dans ma boite qui me respecte et qui me facilite la vie, dans un job avec encore plus de responsabilité. »

« Faites comme moi mais en changeant plus vite »

« Dans 10 ans, je me vois habiter pas loin de la mer ou de la montagne avec un 2e enfant et pourquoi pas à l’étranger. Personne n’a cru en moi quand j’ai subi ce burn-out. Mes proches considéraient cela comme des vacances. Tout le monde m’a déconseillé de me former, changer de fonction, de secteur et de région en même temps… Pourtant, je l’ai fait. Et mon changement d’orientation constitue un véritable succès. On me cite maintenant en exemple. Je gagne plus qu’avant ma maladie alors que je n’ai pas un an d’ancienneté. C’est une réussite totale. Faites comme moi mais en changeant plus vite. Je me suis vue glissée, voyant le burn-out arrivé, mais pensant que tout allait rentrer dans l’ordre. Il faut avoir le cran de tout changer avant de craquer… ».

*Audrey ne s’appelle pas Audrey. Elle a préféré témoigner anonymement. Le nom de ses entreprises et de ses régions a aussi été modifié à sa demande.

Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

Vous aimerez aussi :