
D’abord l’hôtellerie
Plus jeune, Catherine* a choisi le chemin de l’hôtellerie. Pendant ses études dans une école hôtelière, elle a multiplié les stages en France et à l’étranger. S’en est suivi une longue carrière au sein de la chaîne Relais et Châteaux en commençant à la réception, puis chef de réception, responsable hébergement et enfin assistante de direction, le tout en 19 ans ! « Cette chaîne a de fortes valeurs familiales, avec ses établissements de 15/20 chambres, reconnaît-elle. J’ai été conditionnée par ce modèle ».
Une chambre d’hôtes ensuite
Après la Provence, direction la Loire-Atlantique où Catherine et son mari décident de se lancer dans l’entrepreneuriat en ouvrant une chambre d’hôtes. Cet établissement pouvait accueillir 12 personnes, le couple s’étant réaménagé le garage pour y vivre.
« Nous avons tout fait nous-même. Créer le site internet, la communication pour se faire connaître, préparer les petits-déjeuners, faire les chambres, nettoyer les parties communes, s’occuper du jardin… C’était très complet et intense comme expérience ».
Le couple travaillait 7 jours sur 7, sans se rémunérer, « par choix », avec une clientèle d’affaires en semaine et une clientèle haut de gamme le week-end et les vacances scolaires et pas peu fiers d’être . « notés 9,7/10 sur Booking ».
En parallèle, Catherine développe une activité de prestataire événementiel : « Je proposais des bornes photos, un outil marketing pour les professionnels mais aussi pour les mariages, un concept très novateur à l’étranger. Je faisais le démarchage, la commercialisation, etc… », poursuit-elle.
Et enfin un magasin
Puis le Covid est passé par là avec ces différents confinements. « Nous nous en sommes bien sortis car nous faisions les repas pour les clients puisque les restaurants étaient fermés à l’époque. Au bout du troisième confinement, c’était devenu éprouvant, se souvient-elle. Nous étions à la merci des décisions administratives ».
En 2021, le couple décide de tout arrêter. Après avoir rapidement vendu la maison, ils ont déménagé en Haute-Savoie. Sur place, leur choix se porte sur la reprise d’un commerce alimentaire bio en fond de vallée entre Sallanches et Genève. « Nous n’avions pas fait d’étude approfondie du secteur, analyse Catherine. Avec l’inflation, la guerre en Ukraine et l’augmentation du prix de l’essence, nous avons tenu 18 mois ».
Rebondir vers le salariat
« Nous avons dû rebondir rapidement car nous avions tout perdu », souligne-t-elle. Grâce à un accompagnement de Pôle emploi, Catherine obtient une certification en tant que responsable de magasin en commerce de détail, « pour crédibiliser l’expérience précédente ».
Un bilan de compétences lui ouvre les portes du poste d’office manager :
« Avec mon expérience, j’ai les compétences clé pour tenir ce poste, explique-t-elle. Je me suis aussi rendue compte que je ne voulais plus manager. Tout au long de mon parcours, j’ai réussi à manager des personnes sans forcément l’avoir choisi mais avec le recul je me rends compte que je préfère faire partie d’une équipe plutôt que de la manager ».
Étant frontalière, Catherine tente le marché du travail suisse et cherche en même temps en France un poste d’assistante de direction, pas forcément dans l’hôtellerie.
La douche froide
Mais c’est ae douche froide des deux côtés de la frontière. Sur une trentaine de candidatures envoyées, Catherine a passé un seul entretien.
En Suisse, il peut être compliqué de rentrer sur le marché du travail, plutôt exigeant, et pour lequel il faut avoir du réseau.
En France, Catherine pense que le retour au salariat après une expérience d’entrepreneur n’est pas toujours bien vu :
Est-ce qu’un passé d’entrepreneuse fait peur ? Pourtant, je suis fière de toutes ces expériences. Je fais aussi en fonction de nos besoins qui évoluent en fonction des moments de vie. L’entrepreneuriat est une valeur ajoutée, qui m’a demandé un sacrifice financier et m’a beaucoup appris ! Mais je n’ai pas l’impression que c’est toujours bien interprété.Catherine*
Les ATS déshumanisent les recrutements
Catherine évoque également les ATS, ces logiciels de recrutement qui trient automatiquement les CV à partir de critères prédéfinis.
À cause des ATS, je ne passe pas les premiers entretiens parce que mon profil ne rentre pas dans les cases. La machine empêche les humains de se rencontrer, c’est un comble. Je suis persuadée que ces IA passent à côté de profils comme le mien, poly-compétents et qui ne demandent qu’à travailler, alors qu’il y a pénurie de candidats.
Un profil atypique
Catherine se considère comme un profil atypique avec des atouts intéressants pour des employeurs. « Je fais preuve d’une grande polyvalence mais plus personne ne veut de moi. En tout cas, c’est l’image que cela renvoie, pointe-t-elle. Je suis pour recruter des anciens entrepreneurs car ce sont de gros potentiels ».
Sur ses candidatures suisses, elle mentionne ses choix de carrière, “préférer travailler en équipe plutôt que de manager une équipe” ou “retrouver le salariat avec l’expérience entrepreneuriale est un choix de carrière assumé”. Les recruteurs suisses préfèrent la transparence.
Sur Linkedin, elle évoque également le recrutement des quinquagénaires : « Il y a peut-être un sujet quant à mon âge bien que je ne me sente pas vieille ! s’exclame-t-elle. En tout cas, il y a un sujet à propos du recrutement. C’est dommage mais sur Linkedin, les personnes qui pourraient m’apporter des réponses ne se manifestent pas. »
* Le prénom a été changé à la demande de l’intéressée.
Journaliste depuis 13 ans, je suis spécialisée sur des thématiques liée à l'emploi : management, recherche d'emploi, enquête sur des secteurs économiques, emploi des cadres, test de métiers...