Céline, 25 ans : « J’ai quitté une TPE où j’ai frôlé le burn-out pour une grosse boîte pépère où… je m’ennuie à mourir »

Raïssa Charmois

SERIE « FRANCHEMENT » épisode 25 – Cadremploi poursuit ses rencontres intimistes avec des cadres en transition. Céline*, diplômée en philo et d’une école de commerce, a testé en 3 ans la petite boîte pour laquelle on sacrifie tout et la grande boîte dans laquelle rien n’avance. Après deux ans dans un petit cabinet de conseil parisien, dont trois mois confinée dans son studio, à bosser non-stop sur des missions pas franchement exaltantes, elle est recrutée dans un grand groupe bancaire où elle déchante très vite. Lucide sur le monde du travail, elle cherche aujourd’hui un juste milieu, entre le burn-out et le bore-out. Retrouvez d’autres témoignages de cadres qui font bouger leur vie, en fin d’article.

Céline a quitté un petit cabinet de conseil pour une grande boîte et ne s'attendait pas à un tel décalage.

Céline, 25 ans : « J’ai quitté une TPE où j’ai frôlé le burn-out pour une grosse boîte pépère où… je m’ennuie à mourir »
Céline a quitté un petit cabinet de conseil pour une grande boîte et ne s'attendait pas à un tel décalage.

Un début de carrière en cabinet presse-citron

Après son Master universitaire en philosophie, Céline se pose la question de devenir enseignante chercheuse. Trop restrictif pour toute une vie professionnelle, estime-t-elle. A 25 ans, un diplôme de l’école de commerce SKEMA en poche et quelques stages à son actif, elle intègre un petit cabinet de conseil en management. « Je suis motivée par les enjeux humains et managériaux autour de la transformation. Rapidement, je suis surprise et déçue par l’ambiance austère qui contraste avec celle de mes stages. Pour ma première mission, on me staffe chez un client très compliqué et on me reproche de ne pas être à la hauteur. »

Trois mois après, c’est le confinement. « Le coup de grâce pour moi. Je me retrouve dans mon studio, seule derrière mon écran. Côté rythme, c’est aucune limite et le stress permanent : sms à minuit, réunions le samedi matin, gestion non-stop de demande en “last minute”.  Ma vie se résume au boulot. Je ne peux rien prévoir pour ma vie privée. »

Partir avant le burn-out

Céline ne s’y retrouve pas. « J’encaisse, je bosse sans compter, sans contrepartie positive : ni les retours sur mon boulot, ni l’ambiance. Je décide de passer le Covid au chaud et de rester 2 ans en poste, pour le CV. Au bout du rouleau, je frise le burn-out. Il faut que je quitte cette boîte et le secteur du conseil qui exige de caler son agenda sur celui du client. Ma seule certitude, partir vite. Mais où ?

Ennui : l'étymologie du mot est chargée d’une connotation négative de par sa référence à la haine, puisqu’il dérive du latin odium = haine. L’expression latine “est mihi in odio : « cela m’ennuie », signifie littéralement « être un objet de haine pour moi ». « Je m’ennuie » n’est pas très loin de « Je me nuis ».
Valentine Hervé, psychologue et psychanalyse

Sauve qui peut, la conquête d’un nouveau job

Céline applique alors ce qu’elle appelle la méthode du “gros bourrin”. « Je recontacte mon réseau, je me construis une méthode, je lis des tonnes de documents sur la motivation et les profils de travail, je fais une trentaine d’entretiens métiers avec des professionnels contactés via LinkedIn. J’explore tous azimuts le secteur des RH, de la formation, de l’enseignement, de la communication, de la psychologie, de la philosophie en entreprise. Ce que je veux, c’est retrouver du temps pour jouer au tennis, prendre des apéros, partir en vacances, et ne plus passer à côté de ma vie comme depuis deux ans. Il me faut plus de temps libre et plus d’argent. »

Sauvée par l’écoute humaine d’un DRH

Pour se sortir de son enfer, elle mène de front recherche de job et boulot à un rythme effréné. Et puis un jour, c’est la rencontre décisive : « Un directeur des ressources humaines d’une grande entreprise bancaire entend mon désarroi et comprend mes critères. Hyper humain, il me propose un poste de chargée de com interne. Je sais que je suis surdimensionnée et que cela ne fera pas une ligne incroyable sur mon CV, mais j’accepte. »

 

Un cauchemar climatisé

Céline découvre un nouveau monde : « la moyenne d’âge est de plus de 50 ans, tout est lent – le rythme des projets et le débit de parole -, nous sommes une armée mexicaine à la communication. »

Les méthodes de travail sont à l’avenant : « La diplomatie implique de faire participer tout le monde, au détriment du bon sens et de l’efficacité. Chaque projet est décomposé en des dizaines d’étapes et de sous-étapes. Ils se noient dans un verre d’eau. Pour toute réunion, tu cales une heure direct, même pour transmettre un document. Terrible ! »

Etonnée mais pas découragée, Céline tente d’imposer son rythme. « La première semaine, j’ai lu tout le serveur. J’étais prête. Idem la deuxième semaine. Et la troisième. Rien ne s’est passé… Je me suis dit qu’il fallait que je trouve des occupations. J’ai même le temps d’écouter des podcasts avec des écrivains. »

Partir avant le bore-out

Céline ne soupçonnait pas qu’un tel décalage puisse exister. « Certes, j’ai 3 semaines de vacances en plus, je me suis remise au tennis, je vois mes potes quasi tous les soirs, je reviens d’une semaine à l’étranger. Mais ce job est une prison dorée. C’est dans l’ADN de la boîte. Moi, je ne tiendrai pas plus d’un an. Je veux monter en compétences et trouver une structure qui carbure plus. C’est mon employabilité qui est en jeu. »

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*  Céline préfère garder l’anonymat afin de témoigner plus librement.

Raïssa Charmois
Raïssa Charmois

Mes multiples activités me donnent accès au monde des entreprises et à ses cadres. J'observe, j'interroge, j'analyse et j'ai proposé à Cadremploi de publier le fruit de certaines de mes enquêtes.

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