Une demande de rupture conventionnelle refusée
C’était avant le confinement. Guillaume Chevalier aspirait à un changement de vie, plus nature et moins urbaine. Avec sa famille, il avait le projet de racheter un camping en Périgord noir. A l’époque, il était cadre dans une société qui ne correspond plus à ses valeurs : il participait entre autres à l’implantation de restaurants sur les aires d’autoroute. Comme le permet la loi, il propose alors à son employeur de négocier une rupture conventionnelle. Et là, c’est la douche froide.
« On me l’a catégoriquement refusée. Mais pas question pour moi de démissionner car pour monter mon projet, j’avais un besoin impératif de toucher les allocations chômage », se souvient-t-il. Ce qui est tout à fait légal puisque le dispositif de rupture conventionnelle prévoit ce type de motif.
Un abandon de poste orchestré par l’employeur
Son employeur n’y va pas par quatre chemin et lui indique que le seul moyen de rompre son contrat est qu’il abandonne son poste. « Ça s’appelle un abandon de poste orchestré par l’entreprise. Avec mon manager, on a organisé la manière de me remplacer, les échéances importantes à ne pas rater… », se souvient-il amer.
Un lundi matin, Guillaume Chevalier ne se rend donc plus au bureau. Il reçoit, un, deux, trois courriers de mise en demeure de revenir travailler ou de justifier son absence. « On m’avait conseillé de ne pas répondre. Donc ils sont restés lettre morte », précise-t-il. Un jour, il reçoit une lettre le convoquant à un entretien préalable à un licenciement. La procédure classique dans le cadre d’un abandon de poste. Il ne s’y présente pas plus et finit par recevoir sa lettre de licenciement pour faute grave. Donc sans indemnité de licenciement.
Ça a été violent, j’avais l’impression d’être puni. J’avais passé trois ans dans cette boîte et j’en suis parti comme un voleur. Sans même pouvoir organiser de pot de départ. Dans mon solde de tout compte, il y avait les attestations à fournir à Pôle emploi. C’était le principal car je pouvais poursuivre mon projet en le sécurisant un peu. Mais n’empêche, voyez ce que j’ai dû accepter pour l’obtenir. J’ai eu l’impression de me prostituer pour récupérer enfin ces documents. Me demander d’abandonner mon poste pour ne pas me payer d’indemnité de licenciement alors que le législateur a justement mis en place les ruptures conventionnelles pour ça, est tout simplement honteux.Guillaume Chevalier, 48 ans, aujourd'hui gérant du camping Le Pech Charmant, Les Eyzies (Dordogne)
Un mauvais souvenir
Aujourd’hui avec son épouse, Guillaume Chevalier a abandonné le stress de Lyon et les multiples déplacements professionnels partout en France, pour une vie en plein air et plus nature aux Eyzies, en Dordogne. Sa femme a également lâché son job au service d’un candidat à l’investiture régionale, « car plus en phase avec ses valeurs ».
Après un lancement compliqué de leur camping en pleine crise Covid, le couple manage aujourd’hui jusqu’à 20 personnes en plein été. Et ne regrette rien même si la pilule de l’abandon de poste forcé a été un peu dure à avaler.
Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.