Thierry Sevel, 60 ans : « Après une vie de cadre modèle, je suis couteau suisse dans un club de tennis »

Michel Holtz

SERIE « FRANCHEMENT » épisode 28 – Trente-cinq ans à grimper les échelons pour, au final, subir un licenciement économique et se faire éjecter du système. Le sort de cet ex-cadre commercial n’est pas isolé – après 60 ans, seuls 35,5% des seniors sont en emploi. Ce qui est plus insolite, c’est la suite : Thierry Sevel a changé de région et de profession, grâce à un CDD senior. Récit d’un parcours interrompu de manière brutale, mais qui se poursuit de façon beaucoup plus joviale. Retrouvez d’autres témoignages de cadres qui font bouger leur vie en fin d’article.
Thierry Sevel, 60 ans : « Après une vie de cadre modèle, je suis couteau suisse dans un club de tennis »

Une vie de cadre modèle… jusqu’au Covid 19

De cadre commercial à prof, administratif, responsable du développement et chargé d’accueil dans un club de tennis, le sexagénaire a changé de statut, de secteur, et de métier. Mais surtout, Thierry Sevel est heureux et enfin, il n’est plus, et ne veut plus être un bon petit soldat.

Il l’a été toute sa vie, « jusqu’à la douche froide ».

Elle l’a arrosé juste après le confinement. Directeur commercial d’une entreprise de logistique en région parisienne, il s’est entendu dire, comme de nombreux cadres, « qu’il fallait réduire la voilure ». Sa boîte avait perdu 40% de chiffre d’affaires à cause du Covid 19, et la réduction de voilure en question, c’était la suppression de son poste. « J’étais tout désigné avec mes trois petites années d’ancienneté seulement ».

En huit jours, celui qui avait gravi tous les échelons de sa fonction, de simple commercial à la direction régionale en terminant comme directeur national, de grands groupes comme Rank Xerox jusqu’à cette fameuse PME de logistique, s’est retrouvé sans emploi. « On a négocié rapidement. Il faut couper le cordon, comme on dit. On ne s’est pas séparés amis, mais en bons termes, comme on dit aussi. »

Quitter Paris pour la province, il l’a fait !

Le voici à la maison, avec son épouse, « et en un week-end, la décision était prise ». Celle de quitter l’Ile-de-France pour le bon air d’Aix-Les-Bains, et pas pour quelques jours, mais pour de bon. « On avait passé d’excellentes vacances là-bas et on était tombé sous le charme du coin ».

Direction la Savoie donc, mais en bon logisticien, Thierry prépare le terrain. Entre la vente de sa maison, l’achat d’une autre dans les Alpes et les travaux de celle-ci, huit mois s’écoulent. Au printemps 2021, le couple s’installe enfin. Mais que faire ? L’inactivité, c’est pas son truc. Alors Thierry se met à le recherche d’un emploi. C’est difficile. « Surtout, je ne faisais que copier-coller mon expérience professionnelle en essayant de retrouver le même type de poste ». Une erreur, jusqu’à ce qu’il découvre, à 4 minutes en vélo de chez lui, le club de tennis d’Aix-Les-Bains. Et surtout jusqu’à ce qu’il se souvienne qu’il pratique ce sport depuis des années, et qu’il a même passé, et obtenu, un brevet de moniteur.

 

Le CDD sénior lui remet le pied à l’étrier

Il traverse donc la rue et prend rendez-vous avec le directeur sportif du club. Pour lui proposer quoi ?  « Tout : je pouvais être le couteau suisse du club ». Surtout, Thierry évoque devant lui un type de contrat méconnu, dont le patron du club ignorait l’existence : le CDD senior. « C’est Olivier Sonie, mon conseiller Pôle emploi à Aix, qui m’a beaucoup aidé et aiguillé sur cette procédure ». Il s’agit d’un contrat à durée déterminée, d’une durée de 18 mois au maximum, destiné aux personnes de plus de 57 ans. En plus, il n’est pas nécessaire d’y noter une fonction précise, ni de stipuler un nombre d’heures gravées dans le marbre. Voilà qui arrange et convainc le directeur sportif du petit club : il a besoin de quelqu’un capable de s’occuper à la fois de l’accueil, de l’administratif, et qui soit aussi susceptible de donner des cours tout en démarchant les sponsors. Pile poil les multiples compétences de Thierry, et sans se ruiner puisqu’il ne travaille que 15 heures par semaine en moyenne.

Zéro regret

Thierry Sevel sur son nouveau lieu de travail, le club de tennis d'Aix-Les-Bains

Alors, depuis un an et demi, il retrouve chaque jour son club de 600 licenciés avec 17 courts de tennis et 4 salariés. Et Thierry est ravi. En moins d’un an, il a déjà convaincu une dizaine d’entreprises de la région de sponsoriser la structure. Dans le même temps, il donne des cours aux plus jeunes, tout en assurant l’accueil au club house lorsque c’est nécessaire. Évidemment, son CDD va s’achever en début d’année prochaine, mais il n’a aucun doute sur son renouvellement, puisqu’il est possible et d’ores et déjà envisagé. Et après ? « On s’arrangera toujours ». Bien sûr, « il a fallu réduire financièrement la voilure », comme il le souligne. Mais il vit à l’endroit qu’il a choisi et exerce un métier qu’il a choisi aussi. Ce qui n’a pas de prix. 

Michel Holtz
Michel Holtz

Journaliste économique et social, Michel Holtz scrute les tendances de l’emploi, du management et de la vie professionnelle des cadres, toujours à l’affût des nouveaux outils et des dernières transformations de la vie au travail.

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