Ils quittent leur job mais pour quoi faire : les 8 familles de démissionnaires

Sylvie Laidet-Ratier

INFOGRAPHIE – Les fins de CDI ont bondi de 20% au 1er trimestre 2022 vs 2019. La France semble connaître une vague de « grande mobilité mais il n’existe pas d’étude chiffrée sur ce que deviennent ces démissionnaires. Reprennent-ils un CDI ? Un CDD ? Une mission ? Font-ils une pause professionnelle ? Nous avons demandé à des experts du marché du travail de les classer en 8 familles. Quelle serait la vôtre ?

A défaut de chiffres pour savoir ce que deviennent ceux qui démissionnent, nous les avons rangé par grande famille avec la complicité de trois experts du marché du travail.

Ils quittent leur job mais pour quoi faire : les 8 familles de démissionnaires
A défaut de chiffres pour savoir ce que deviennent ceux qui démissionnent, nous les avons rangé par grande famille avec la complicité de trois experts du marché du travail.

Ils témoignent

  • Thomas Sorreda, enseignant chercheur en GRH à l’EM Normandie
  • Frédéric Petitbon, associé People & organization chez PwC France et Maghreb
  • Arnaud Weiss, product manager chez LumApps

 

Sans parler de « grande démission » (ce serait abusif car le taux d’emploi et d’activité restent forts), la France semble connaître une vague de « grande mobilité ». Les fins de CDI ont bondi de 20% au 1er trimestre 2022 vs 2019, signale la Dares.

Statistiquement, il est impossible pour l’instant de savoir ce que les personnes font après leur démission. « Mais on peut délivrer des ressentis à partir de témoignages recueillis », prévient Thomas Sorreda, enseignant chercheur en GRH à l’EM Normandie.

Et voici ce que nos experts perçoivent de l’étape post-démission, modélisé en 8 grands types de démissionnaires.

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Les vertueux

Démissionner pour exercer le même job mais dans un environnement plus en phase avec ses valeurs.

« Dans cette famille, le démissionnaire continue à exercer le même métier mais dans un autre type d’entreprise qui symbolise une économie plus vertueuse. Je pense par exemple à un directeur financier d’un grand assureur qui vient de démissionner pour rejoindre un groupe de l’économie sociale et solidaire. Il a certes divisé son salaire par deux, mais il travaille avec beaucoup de plaisir », illustre Thomas Sorreda.

Les switcheurs

Démissionner pour se reconvertir

C’est évidemment le parcours qui vient le premier à l’esprit quand on évoque la grande démission. Un architecte qui devient coach sportif ! Ou encore ce diplômé du très réputé master finances de l’université Paris Dauphine, qui après quelques années en banque d’affaires a planté sa démission pour se former et devenir prof de yoga. « Pour l’heure, il a encore un immense appartement dans Paris. Mais son train de vie sera sans doute revu à la baisse quand il lancera ses propres cours », reconnait l’un de ces copains de promenade de chien.

Les maîtres du temps

Démissionner pour travailler moins (et mieux)

Un salarié dont le poste est télétravaillable et dont l’employeur refuse le home office, a le profil idéal pour gonfler les chiffres de la grande démission à la française.

« Les salariés visent une autonomie et une certaine marge de manœuvre dans leur organisation et la gestion de leur temps. Ils sont donc parfois prêts à quitter une entreprise peu flexible pour une autre plus en pointe sur ce sujet. Une structure dans laquelle ils vont par exemple pouvoir, de manière plus ou moins explicite, ne travailler que 4 jours par semaine », analyse Frédéric Petitbon, associé People & organization chez PwC France et Maghreb.

 

Thomas Sorreda raconte volontiers l’histoire de cette infirmière passionnée par son métier mais qui, durant la crise sanitaire, a dû prendre des risques insensés en bossant dans un CHU francilien manquant de masques, de gel… 

« Après les confinements, elle a démissionné pour s’installer en libéral. Elle ne travaille plus que 2 jours par semaine et a doublé sa rémunération. Le reste du temps, elle se forme à la sophrologie en se disant qu’il s’agira peut-être de son prochain métier. Durant la crise, une graine de réflexivité est entrée dans la tête des gens. Elle s’est mise à germer. Parfois, elle va pousser, parfois non mais ils essaient », analyse-t-il.

 

Les détravailleurs

Démissionner pour ne plus travailler

Ce que Frédéric Petitbon appelle « les sorties du monde ». « Dans ce cas, les gens arrêtent de travailler pendant une période donnée. Sociologiquement cela concerne aussi bien un jeune père ou une jeune mère de famille qu’un intérimaire dans l’hôtellerie restauration. Ils jettent l’éponge par épuisement. Pas de télétravail possible, des relations clients stressantes, des métiers durs physiquement… ils se disent mais « à quoi bon continuer comme ça ». Avec le temps, on ignore encore comment ces profils vont évoluer : « vont-ils reprendre le chemin du salariat ou pas ? », s’interroge-t-il.

 

Les entrepreneurs green

Démissionner pour monter une boîte équitable

Des baskets en peau d’ananas, des glaces veggies… les pistes à explorer ne manquent pas. « Cela peut donner l’impression de projets loufoques c’est vrai. Mais au final cela reste une bonne expérience. Au mieux, elle fonctionne. Au pire, elle s’arrête et ces entrepreneurs en tireront nécessairement des enseignements positifs », souligne Frédéric Petitbon. Et d’ajouter : « Ces profils sont en général des bac+5 sans charge de famille. Leur niveau de risque est donc limité et leur niveau de formation leur permettra de rebondir si besoin ».

 

Les low contraintes

Démissionner pour un job avec moins de contraintes

« On a récemment embauché un ancien barman comme commercial. La crise lui a ouvert les yeux sur ces conditions de travail dans la restauration et le type de management qu’il ne souhaitait plus. Il s’est donc formé à la fonction commerciale », raconte Arnaud Weiss, product manager chez LumApps. Certains démissionnaires quittent effectivement un univers de contraintes horaires pour des horaires de bureau et un meilleur équilibre vie pro vie perso. « L’envie et la demande sont fortes sur ce sujet. Mais il faut un minimum de compétences pour démarrer un nouveau travail. Du moins être capable de se former », prévient Frédéric Petitbon.

 

Les boomerangs

Démissionner pour mieux revenir dans son ancienne boite

La grande démission sera aussi pour certains l’occasion d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs et si ce n’est pas le cas, de revenir frapper à la porte de leur ancien employeur. Les fameux salariés « boomerang ». « Des consultants en général plutôt jeunes partent pour essayer un projet dans le monde agricole, l’univers des start up… Et puis si cela ne marche pas, si c’est finalement trop dur, ils reviennent dans leur ancienne entreprise. Les entreprises sont d’ailleurs de plus en plus réceptives à ce genre de retour. C’est pour ainsi dire devenu un parcours normal », témoigne Frédéric Petitbon.

 

Les mercenaires

Démissionner pour gagner plus

Dans cette famille, on démissionne souvent en espérant faire des gaps salariaux. Et ces « hyper mobiles » existent bel et bien. A leur demande de revalorisation salariale, ils ne supportent plus de s’entendre dire « sois patient, fais-moi confiance, l’an prochain, on t’augmentera ». Alors, ils partent.

« Désormais les DRH doivent s’interroger sur comment raccourcir les cycles contribution/rétribution. Peut-être ne plus être dans des logiques de réévaluation salariales annuelles mais plus courtes. Au semestre, voire au trimestre », suggère Frédéric Petitbon. *

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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