Grève en télétravail : comment ça marche ?

Sylvia Di Pasquale

ACTU INSOLITE 🔴 Une grève de télétravailleurs, ressemble à toutes les grèves. Sauf qu’on ne voit pas les protagonistes. Leur employeur raconte – par la voix de son avocat – comment s'est déroulé cet épisode pour le moins inédit.

Associé au sein du cabinet Voltaire Avocats, David Guillouet a été sollicité pour une mission inédite par l'un de ses clients pour l'aider à gérer une grève de télétravailleurs 100% à distance.

Grève en télétravail : comment ça marche ?
Associé au sein du cabinet Voltaire Avocats, David Guillouet a été sollicité pour une mission inédite par l'un de ses clients pour l'aider à gérer une grève de télétravailleurs 100% à distance.

L’affaire est restée discrète mais le cabinet Voltaire Avocats a accepté de la commenter après coup, et sous couvert d’anonymat pour son client : « C’était fin décembre dernier, raconte David Guillouet, avocat associé et fondateur du cabinet. Notre client nous a sollicité pour gérer un mouvement social inédit : une grève de télétravailleurs »

Inédite, facétieuse mais plutôt logique, car dans cette filiale informatique d’un grand groupe industriel, les salariés travaillent tous à distance. Ils ne communiquent que par écran interposé.

Grève licite ?

La direction a bien été avertie par les organisations syndicales via un avis de grève pour une durée indéterminée envoyé par mail. On y annonçait un arrêt de travail total, collectif qui précisait les revendications professionnelles (essentiellement salariales). Les conditions pour que la grève soit légale étaient donc toutes réunies.

En revanche un autre casse-tête se posait à l’employeur:  

En présentiel, on demande aux managers de vérifier qui est là et qui n’est pas là. Ce qui est assez simple. Mais avec des gens en 100% télétravail derrière leur clavier, et comme il n’existe pas de touche « #jesuisengrève, comment savoir qui est en grève et qui ne l’est pas ?
David Guillouet, avocat associé et fondateur du cabinet Voltaire Avocats
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Comment recenser les grévistes en télétravail ?

La question des retenues à opérer sur les salaires étaient secondaires, insiste l’avocat. « Le problème le plus urgent pour l’employeur était avant tout organisationnel. Comment assurer la continuité de l’activité quand on ne sait pas qui est à son poste ? »

Pourquoi ne pas tout simplement vérifier qui se logge à son espace de travail – sas numérique incontournable pour tout salarié ? « Parce que ce n’est pas un indicateur fiable, rappelle David Guillouet. Il peut y avoir des salariés grévistes qui se connectent à leur session quand même, ne serait-ce que pour consulter leur compteur de congés. Ce n’est pas parce qu’un salarié est connecté qu’il bosse. » Et vice versa.

L’employeur a donc demandé à chaque salarié via les outils de communication interne s’il était gréviste ou pas. « La plupart ont répondu. Ceux qui ne l’ont pas fait ont été considérés comme grévistes. »

 

Les non-grévistes le sont-ils vraiment ?

Néanmoins, ce sondage n’est pas fiable à 100% selon l’avocat : « L’aspect télétravail ajoute une complexité supplémentaire car il y aura toujours des petits malins qui ne se déclarent pas grévistes mais font la grève du zèle ou la grève perlée qui sont des formes de grèves illicites. Et c’est moins évident en télétravail de constater une exécution défectueuse de la prestation » En termes non juridique, pas simple de détecter à distance celui qui ne travaille pas, ou pas assez.

« A titre d’exemple, au lieu de répondre à un client en 3 secondes, le salarié le fait attendre pendant 3 minutes. Ça ne va pas tellement se voir à la fin de la journée mais au final, l’employeur aura été lésé ».

Un casse-tête aussi pour les syndicats

La grève de télétravailleurs est aussi un imbroglio du côté des organisations syndicales. Quand les salariés sont présents dans l’entreprise, les grévistes n’ont pas de mal à se réunir. « Ce qui n’est pas le cas en cas de télégrève. En principe, ils n’ont pas le droit d’utiliser les classiques outils de réunions du type Zoom, Slack ou autre Teams pendant leur grève. Cela étant, c’est très difficile pour l’employeur de faire la distinction entre un Teams de travail et un Teams de grévistes… », reconnait l’avocat.

Cette grève n’a duré qu’une journée et les revendications ont fait pschitt. Une brièveté qui tend à prouver que, “éparpillé façon puzzle”, un corps social est plus difficile à mobiliser, à réunir en AG pour protester.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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